Le manga et l'anime deviennent des marques

Pour que l'anime continue d’être aimé dans le monde entier

Société

L’animation japonaise a engendré un certain nombre d'œuvres qui ont séduit les jeunes dans le monde entier. Toutefois, afin que le Japon reste un grand pays d’animation dans l’avenir, il doit surmonter un défi majeur.

Le manga est le « minerai » de l’anime

L’autre grande différence qui caractérise l’anime par rapport aux dessins animés des autres pays réside dans l’existence des manga comme réservoir et version première des œuvres d’animation.

Très peu de pays en dehors du Japon ont développé un marché de publication de bandes dessinées à un rythme hebdomadaire, toujours actif même des dizaines d’années après la guerre. Le manga est une activité très importante pour les maisons d’éditions japonaises, au point que c’est le secteur manga qui « fait manger » le reste. Ce qui a pour conséquence, conformément aux principes du capitalisme, que c’est un secteur qui réunit grand nombre de talents. Inventer des histoires jamais encore imaginées, créer des personnages attachants et originaux est la quête permanente des éditeurs et des auteurs, et inversement, la pérennité de ce business modèle est soutenue par la demande de très nombreux lecteurs qui veulent toujours lire ce type de manga.

Le manga est donc devenu un produit distinct du comics, comme l’anime est devenu différent du cartoon. Et l’anime ne produit pas uniquement des œuvres originales, mais vit également grâce aux riches filons du manga comme sur un riche sous-sol minier. Ce modèle industriel est très différent de celui des autres pays producteurs d’œuvres d’animation.

Aujourd’hui (2014), l’œuvre au centre de toute l’attention des fans d’anime dans le monde est L’Attaque des Titans, qui à de nombreux égards est le parfait exemple du business modèle dont nous venons de parler. Cet anime, qui raconte l’histoire du danger d’extinction auquel fait face l’humanité confrontée à des géants mangeurs d’hommes, connaît un immense succès auprès des jeunes du monde entier. L’anime est l’adaptation d’un manga original. Il en reprend les personnages fascinants tout en développant un sens du mouvement et des expressions propre à l’animation japonaise.

Dans une boutique à Rome, Italie (photos Sakurai Takamasa).

Production à l’ordinateur, qualité fait main

Si la production est bien japonaise, un tournant a été pris au niveau des méthodes. La question était de réfléchir à l’intégration d’une production digitale (« computer graphics » ou CG). Alors que la majorité de la production mondiale de l’industrie de l’animation a opéré un passage technologique au digital, les créateurs japonais insistent fortement pour garder une production manuelle. Ce qui ne veut pas dire que les technologies d’animation par ordinateur ne sont absolument pas utilisées, l’ordinateur est aujourd’hui indispensable même dans l’animation japonaise, cela va sans dire. Mais, si les décors, les robots, les vaisseaux spatiaux sont créés par ordinateur, les personnages humains et animaux sont encore dessinés à la main, ce qui représente une caractéristique essentielle de l’anime. Les technologies d’animation par CG sont considérées comme des assistants d’une création dont l’essence est manuelle.

Mais cette fois, il a été décidé de créer un nouveau style pour l’industrie de l’animation japonaise, à savoir de réaliser à l’ordinateur une qualité de mouvement et d’expression conforme à la « tradition anime ».

Car, si l’industrie de l’animation japonaise n’avait encore jamais vraiment intégré les moyens de production des CG, c’était pour les deux raisons principales suivantes : premièrement, le trait manuel était plus beau que le trait digital, et deuxièmement, les coûts de production digitale étaient trop élevés par rapport à la production manuelle. Or les progrès récents des technologies CG ont balayés cette approche, et il est devenu essentiel d’intégrer la production par CG précisément pour les mêmes raisons.

De nombreuses productions d’anime ne peuvent pas se permettre d’investir des budgets de marketing global qui rivalisent avec ceux des studios Disney, ni même avec ceux des Studio Ghibli, le plus grand studio japonais. L’objectif principal reste la diffusion à la télévision, les budgets sont serrés. Néanmoins, le regard des spectateurs y est d’une grande exigence et les attentes de qualité sont très fortes. La contrainte budgétaire a obligé de sous-traiter le travail d’animation et de mise en couleur dans d’autres pays asiatiques.

Au point de faire face à une crise, quand on s’est aperçu récemment que les moyens de production risquaient de laisser place à un vide au Japon. Le choix de maintenir ou non des moyens de production au Japon même se posait. Il faudrait pour que cela ait un sens que l’animation à l’ordinateur permette d’obtenir une qualité comparable à la qualité manuelle, et dans les limites budgétaires. Des réalisateurs d’anime et des créateurs sur CG de talent travaillent actuellement d’arrache-pied pour résoudre ces deux questions.

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