Bilan provisoire des « Abenomics » : à l’épreuve de la croissance

Plus d’audace dans les réformes pour faire avancer les « Abenomics »

Politique Économie

Les marchés financiers ont répondu favorablement à la politique engagée par le Premier ministre Abe Shinzô et les prix des actifs ont augmenté. Mais les salaires réels continuent encore de baisser et il va sans dire qu’une plus grande productivité et des réformes structurelles audacieuses seront essentielles pour parvenir à une véritable reprise.

Appliquer la déréglementation et les réformes structurelles

Le 24 juin de cette année, l’administration Abe a approuvé une version révisée de la Stratégie pour la revitalisation du Japon initialement adoptée en juin 2013. Cette nouvelle version aborde un certain nombre de sujets qui n’avaient pas été approchés dans la stratégie initiale, et notamment la réforme du marché du travail, l’amélioration de la productivité agricole et le développement des soins de santé et des services d’aide aux personnes âgées en tant que nouveaux domaines de croissance, et elle donne également des directions en vue de résoudre les problèmes particuliers à chacun de ces secteurs.

On considérait autrefois que l’économie japonaise était soutenue par son secteur manufacturier et on estimait généralement que les gains de productivité des industries non manufacturières étaient beaucoup plus faibles que ceux de la manufacture. Récemment toutefois, les fabricants et constructeurs ont vu leur compétitivité internationale s’effriter en termes relatifs, alors que les activités ayant une haute valeur ajoutée ont eu tendance à se déplacer dans des domaines plus proches du secteur des services. En outre, même dans les industries traditionnellement non manufacturières, un élargissement de la base pour des occasions commerciales attractives s’est fait remarquer dans des domaines ayant de bonnes perspectives de croissance. Ceci s’observe en agriculture, dans les soins de santé et dans le tourisme également. Ces domaines sont, toutefois, entravés par de nombreuses réglementations et reçoivent divers types de subventions. Il est impossible d’espérer une gestion efficace ou des gains de productivité dans des secteurs entravés par des réglementations rigides ou continuant à être lourdement subventionnés. Il sera nécessaire, afin que ces domaines deviennent les véritables moteurs de la croissance de l’économie japonaise, de prendre des mesures plus audacieuses que jusqu’à présent pour déréglementer et mettre en œuvre des réformes structurelles.

Les mesures permettant de relancer la productivité sont en fait comme un plus grand gâteau à partager entre tous. Et personne ne trouve à redire à cela. Mais même ceux qui sont d’accord avec la stratégie de croissance en général sont susceptibles de s’opposer à certaines mesures spécifiques. Jusqu’à présent, ce type d’opposition a toujours fait obstacle à la mise en œuvre de la politique préconisée. Les mesures qui apporteront des changements majeurs dans l’ordre économique existant ont tendance à rencontrer une très forte opposion de la part de ceux dont les moyens d’existence dépendent du statu quo. Et vu que les profits attendus de ces mesures seront généralement étalés sur une couche plutôt mince et large, leurs supporters actifs sont bien peu nombreux. Surmonter les intérêts particuliers et mettre des réformes en œuvre demande une forte volonté  politique. Le courage du gouvernement Abe sera mis à l’épreuve dans sa capacité à poursuivre jusqu’au bout sa stratégie de croissance.

Les efforts actuels sont insuffisants

La politique de « changement de régime » des « Abenomics » a rendu les marchés financiers – en particulier les investisseurs étrangers – optimistes vis-à-vis du Japon et généré des gains importants dans les prix des actions. Les nouvelles mesures ont également stimulé la consommation et les exportateurs ont été les premiers à obtenir des bénéfices commerciaux. Mais dans une large mesure, ces avancées positives ont été alimentées par l’optimisme du marché et la reprise solide de l’économie réelle, accompagnée d’une plus grande productivité, n’est pas encore au rendez-vous.

Cette année, le gouvernement s’est attaqué à des problèmes à moyen et long terme, comme la révision de la tendance des investissements effectués par le Fonds d’investissement des pensions du gouvernement japonais, la réduction du taux d’imposition sur les entreprises, l’avancée de la position des femmes dans l’entreprise et l’emploi de ressources humaines étrangères dans le secteur de la construction. Mais il est visible que les efforts actuels sont incapables de résoudre les problèmes fondamentaux de l’économie japonaise. Les options restantes pour éviter une stagnation économique à long terme sont limitées. Des réformes structurelles abordant sans détour l’évolution démographique et le déficit budgétaire sont des priorités urgentes. Repousser la stagnation prolongée qui menace nécessitera une position ferme pour mettre en œuvre la déréglementation et les réformes structurelles même dans des domaines où les changements feront très mal.

Les « Abenomics » sont une expérimentation sociale sans précédent et tout le monde espère qu’elle sera couronnée de succès. Mais diriger l’économie japonaise confrontée à d’importants problèmes à moyen et long terme continuera d’être une tâche difficile, même si la fin de la tendance déflationiste est en vue. Sera-t-il possible de trouver une sortie de la politique actuelle d’expansion monétaire massive sans provoquer d’effets secondaire majeurs et de parvenir à une croissance économique soutenue ? Et pourra-t-on faire face à une société japonaise vieillissante et maintenir en même temps la confiance du marché des obligations d’Etat tout en assumant la tâche difficile d’assainir à long terme les finances publiques ? La véritable épreuve des « Abenomics » reste encore à venir.

(D’après un original en japonais paru le 28 octobre 2014)

Tags

économie stratégie emploi travail salaire croissance marché abenomics déflation finance

Autres articles de ce dossier