Le Japon face à la menace climatique

L’indépendance est la meilleure arme pour affronter les catastrophes naturelles

Société

En 2011, lorsque la ville de Kamaishi, située dans la préfecture d’Iwate, a été frappée par le terrible tsunami consécutif au Grand tremblement de terre de l’Est du Japon, la quasi totalité des élèves de ses écoles élémentaires et de ses collèges ont survécu. S’ils ont pu s’échapper rapidement, c’est en partie grâce aux cours de préparation aux catastrophes que leur a donnés Toshitaka Katada, qui appelle ici à une plus grande indépendance des individus face à l’augmentation des dangers liés aux catastrophes naturelles.

La menace de typhons d’une violence sans précédent

Suite au Grand tremblement de terre de l’Est du Japon de mars 2011, la politique japonaise de gestion des risques naturels s’est focalisée sur les séismes et les tsunami. Ce sont, à l’évidence, de sérieux sujets de préoccupation, mais les catastrophes d’origine sismiques ne se produisent qu’occasionnellement. La menace que font peser les phénomènes climatiques est en fait beaucoup plus grave.

Depuis quelques temps, la fréquence des orages d’été connus sous le nom de « guerilla rains » a notablement augmenté, mais ces pluies torrentielles sont extrêmement localisées et ne ravagent jamais une région entière. Plus inquiétante est la montée en puissance des typhons. L’élévation des niveaux de température des mers est anormale et le climat maritime semble le premier affecté par le réchauffement planétaire. À cause de cette hausse de la température des eaux, il est devenu habituel que les typhons se renforcent à l’approche du Japon. Si cette tendance se confirme, il est tout à fait possible que nous soyons frappés par des mégatyphons.

En témoigne le super-typhon Neoguri, qui a balayé Okinawa en juillet 2014. La pression enregistrée en son centre était de 930 hectopascals le 7 juillet et, comme on prévoyait que la situation allait encore s’aggraver, une alerte d’urgence a été émise. Fort heureusement, la tempête ne s’est pas renforcée, mais d’autres typhons l’ont suivie, accompagnés de nouvelles pluies torrentielles. Au début du mois de novembre 2013, le typhon Haiyan, doté d’une pression centrale de 895 hPa, s’est déchaîné sur l’île de Leyte, aux Philippines, tuant plus de 6 000 personnes. Jusque-là, les tempêtes d’une telle intensité ne se produisaient pas au mois de novembre, qui est une époque tardive pour la saison des typhons. À titre de comparaison, la plus basse pression relevée dans le cas du typhon Muroto, qui a frappé le Japon en 1934, était de 911 hPa, et le chiffre enregistré en 1959 lors du typhon de la Baie d’Ise était de 929 hPa. Ces données montrent bien l’intensité exceptionnelle du typhon Haiyan.

La conduite exemplaire des enfants de Kamaishi face au tsunami

En avril 2012, l’Agence météorologique du Japon a produit des simulations d’où il ressortait qu’il pourrait y avoir un jour des typhons d’une pression centrale inférieure à 850 hPa. Si nous ne nous préparons pas dès maintenant à affronter des mégatyphons de ce genre, quand le ferons-nous ?

En 2004, j’ai commencé à enseigner la préparation aux catastrophes aux élèves des écoles et collèges de Kamaishi, une ville située sur le littoral de la préfecture d’Iwate. En 2010, les estimations pour les trente années suivantes établissaient à 99 % la probabilité d’un fort séisme et d’un tsunami au large des côtes de la préfecture de Miyagi, juste au sud d’Iwate, et à 90 % pour la région de Sanriku, à laquelle appartient Iwate. En dépit de ces prévisions, les habitants de Kamaishi ont continué d’ignorer les alertes au tsunami et les avis d’évacuation tout au long de la période qui a précédé le séisme et le tsunami du 11 mars 2011. C’est ce qui me porte à penser que ce sont les cours de préparation aux catastrophes donnés dans les écoles de la ville qui expliquent le comportement des enfants au moment du séisme : alors que le tsunami qui a balayé la ville a coûté la vie à plus de 1 000 personnes, bien des enfants ont montré l’exemple en prenant la fuite avant que les eaux déferlent, et la quasi totalité des élèves des 14 écoles et collèges de la ville, soit quelque 3 000 enfants, ont survécu à la catastrophe.

L’essence de la gestion des risques naturels réside dans l’étendue des mesures prises à l’avance pour diminuer les risques encourus. Mais au Japon, depuis 1995, année du Grand séisme de Hanshin-Awaji, la gestion des catastrophes est axée, non pas sur la prévention, mais sur la réaction, autrement dit les mesures à prendre après coup. On ne s’est préoccupé que de l’aide aux survivants : par exemple la satisfaction de leurs besoins en alimentation et en eau, ou le bon fonctionnement des centres d’évacuation.

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