Le Japon et la Première Guerre mondiale

La politique étrangère du Japon après la Première Guerre mondiale

Politique

Sakurai Ryôju [Profil]

À l’issue de la Première Guerre mondiale, le Japon a changé de ligne de conduite en politique étrangère, notamment vis-à-vis de la Chine, se détournant de l’impérialisme et cherchant à agir de concert avec les autres grandes puissances. L’historien Sakurai Ryôju revient ici sur les événements qui ont accompagné ce changement de cap et sur la pensée qui le sous-tendait. 

Des initiatives visant à préserver l’influence du Japon en Chine

Mais il ne faut pas oublier que, dans le cadre de la politique chinoise, ancrée dans la coopération internationale, qu’il a poursuivie tout au long de cette période, le Japon a continué de prendre des initiatives liées à ses ambitions stratégiques.

Lors de la réunion du 8 décembre 1918 du Conseil pour les affaires étrangères, la position que le Japon devait prendre à la Conférence de la paix qui allait se tenir à Paris a fait l’objet d’un débat entre les participants. La thèse formulée à cette occasion était que, en ce qui concernait la Chine, le Japon devait prendre l’initiative d’appeler à la suppression des droits extraterritoriaux et au rappel des troupes étrangères. Il fut suggéré que cette initiative tournerait à l’avantage du Japon dans sa future politique à l’égard de la Chine, car elle favoriserait « l’ouverture de nouveaux domaines et de nouvelles implantations ». L’idée était que, pour préserver l’influence qu’il exerçait sur la Chine, le Japon avait tout intérêt à appliquer à titre préventif la politique chinoise épousée par les États-Unis, autrement dit cesser d’interférer dans les affaires intérieures de la Chine et respecter l’indépendance et la souveraineté de ce pays en attendant qu’il se développe. Mais ces questions n’ont pas été abordées lors des négociations de Paris.

La priorité pour le Japon consistait alors à maintenir son influence en Mandchourie. Au sud de la Grande Muraille, la Chine se trouvait de facto en état de guerre civile et, si le Japon devait intervenir dans ce conflit, le risque existait que les autres grandes puissances s’en mêlent aussi et qu’elles finissent par se partager la Chine. En fait, des tentatives avaient déjà eu lieu pour placer le pays sous tutelle internationale, une éventualité que le Japon était bien déterminé à empêcher de se réaliser. On est donc en droit de dire que Tokyo se devait de montrer l’exemple en s’orientant vers une politique d’observation bienveillante et en se fiant aux efforts consentis par la Chine en vue de sortir du chaos et de se réunifier.

Le Japon a maintenu cette ligne de conduite après la Conférence de Washington. Fin juin 1922, il retira ses troupes de Hankou. Et, dès le 30 mai, le cabinet avait décidé de rappeler les forces stationnées dans le nord de la Chine depuis la Rébellion des Boxers. Ces initiatives reflétaient, est-il besoin de le dire, la position du ministère des Affaires étrangères et de l’armée, qui jugeaient désormais plus avantageux d’afficher envers la Chine une attitude amicale et généreuse. C’est de cette façon que le Japon espérait remédier à la dégradation de sa position sur la scène internationale consécutive à ses comportements pendant la Première Guerre mondiale.

La Grande-Bretagne n’ayant pas approuvé la proposition de retrait des garnisons internationales stationnées à Pékin, le Japon, soucieux de ne pas dévier de l’orientation coopérative de sa politique étrangère, n’a pas appliqué la décision prise par son gouvernement. Mais le simple fait que cette décision ait été prise s’inscrit à l’encontre de la thèse conventionnelle selon laquelle le Japon se serait trouvé contraint d’entériner le « dispositif de Washington » en raison de la faiblesse de sa position. En fait, Tokyo s’efforçait de trouver une nouvelle ligne de conduite à l’égard de la Chine tout en se servant du dispositif de Washington.

(D’après un original en japonais écrit le 30 juin 2014. Photo de titre : TopFoto /Aflo)

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Sakurai RyôjuArticles de l'auteur

Professeur à l’Université de Reitaku. Né à Chiba en 1957. Diplômé de l’Université de Sophia en 1981, où il s’est spécialisé en histoire. A obtenu son doctorat d’histoire à l’Université de Sophia en 1988. Auteur de divers ouvrages, dont Shingai kakumei to Nihon seiji no hendô (La révolution Xinhai et les revirements politiques du Japon) et Teito Tōkyō no kindai seijishi (L’histoire politique du Tokyo moderne).

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