Les nombreuses facettes des relations entre le Japon et la Chine

Les problèmes maritimes et l’avenir des relations sino-japonaises

Politique

Kôda Yôji [Profil]

Dans le contexte de tension permanente qui règne autour des îles Senkaku, le passage de navires chinois dans les eaux qui entourent les îles Ryûkyû constitue un nouveau sujet de préoccupation pour la sécurité régionale du Japon. Kôda Yôji, vice-amiral en retraite des Forces maritimes d’autodéfense du Japon, propose ici une analyse de l’état actuel des relations sino-japonaises et une réflexion sur les moyens à employer pour instaurer un climat de confiance mutuelle.

Construire un système de gestion des risques

Les litiges à propos des Senkaku, des Ryûkyû et du Pacifique occidental posent, tant pour la Chine que pour le Japon, des problèmes fondamentaux de souveraineté et de sécurité, qui seront donc difficiles à résoudre à court terme. L’instauration de la confiance mutuelle constitue un élément clef du processus de résolution de ces problèmes. Mais les échanges officiels entre les Forces d’autodéfense du Japon et l’armée chinoise ont été interrompus, et les quelques contacts qui existent entre officiers en retraite des deux pays sont les seuls canaux qui restent ouverts. Ma propre expérience de ces échanges m’a certes appris qu’ils contribuent à compenser l’absence d’interactions officielles, mais ils sont un peu marginaux. Les contacts que j’ai eus avec les Chinois m’ont notamment laissé l’impression que, tout en restant intransigeants sur la question des Senkaku, ils ont pris conscience que la direction prise par les événements mène à l’impasse et que le maintien de ce cap est contraire à leurs intérêts nationaux, si bien qu’ils commencent à chercher une façon de sortir de la confrontation. Pour que des progrès concrets puissent avoir lieu, il est urgent que le Japon et la Chine prennent des mesures en vue d’instaurer la confiance mutuelle et mettent sur pied un dispositif de crise.

Le Japon et la Chine feraient bien de se pencher sur l’Accord américano-soviétique de 1972 sur les incidents en mer, un pacte pionnier qui a contribué à instaurer la confiance entre les deux grands adversaires de la guerre froide. L’Accord sur la prévention des incidents en mer signé en 1993 entre le Japon et la Russie a lui aussi amélioré les relations bilatérales et permis de mettre sur pied un dispositif de gestion de crise. C’est un accord de ce genre que le Japon et la Chine doivent forger. À cette fin, les dirigeants des deux pays vont devoir se montrer aussi résolus que ceux des États-Unis et de l’Union soviétique l’ont été à l’époque de la guerre froide. Pour que cette entreprise puisse aboutir, le point clef consistera à maintenir une ligne de démarcation bien nette entre le processus d’instauration de la confiance et le côté émotionnel des problèmes bilatéraux. Les dirigeants du peuple japonais comme du peuple chinois doivent avoir le courage et la magnanimité de traiter le problème des îles Senkaku séparément des autres questions ; c’est seulement à ce prix que nous pouvons espérer voir les relations bilatérales prendre une heureuse tournure.

(D’après un article original en japonais paru le 12 mai 2014. Photographie du titre : Japan Coast Guard.)

▼A lire aussi :
Les menaces chinoises et la stratégie navale du Japon Edito nippon de Shiraishi Takashi (juillet 2013)

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Kôda YôjiArticles de l'auteur

Vice-amiral en retraite des Forces maritimes d’autodéfense du Japon (FMAD). Né en 1949 dans la préfecture de Tokushima. Diplômé de l’Académie nationale de défense en 1972, il a rejoint les FMAD. A suivi une formation au US Naval War College (École navale des États-Unis) en 1992. A été directeur général du Bureau interarmes de l’état-major, commandant du district de Sasebo et commandant en chef de la Flotte d’autodéfense. A pris sa retraire en 2008. Associé principal au Centre pour l’Asie de l’Université Harvard.

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