Les nombreuses facettes des relations entre le Japon et la Chine

Les problèmes maritimes et l’avenir des relations sino-japonaises

Politique

Kôda Yôji [Profil]

Dans le contexte de tension permanente qui règne autour des îles Senkaku, le passage de navires chinois dans les eaux qui entourent les îles Ryûkyû constitue un nouveau sujet de préoccupation pour la sécurité régionale du Japon. Kôda Yôji, vice-amiral en retraite des Forces maritimes d’autodéfense du Japon, propose ici une analyse de l’état actuel des relations sino-japonaises et une réflexion sur les moyens à employer pour instaurer un climat de confiance mutuelle.

La tension monte dans l’archipel des Ryûkyû et le Pacifique occidental

Si la situation semble s’améliorer dans les Senkaku, la tension monte dans les eaux qui baignent les îles Ryûkyû. Dans leur couverture des incursions de plus en plus fréquentes de la marine et de l’aviation chinoises dans le Pacifique occidental depuis la mer de Chine orientale, les médias japonais ont tendance à faire un amalgame entre cette question et celle des Senkaku, et par voie de conséquence à la confondre avec les « bruits de sabre » autour de ces dernières. S’il est vrai que ces activités s’apparentent à des « bruits de sabre » au sens large du terme, on ne peut pas dire que celui-ci rende compte de leur principal objectif. En fait, c’est surtout dans le cadre d’un projet purement militaire que les Chinois s’y livrent, à savoir la stratégie A2/AD mentionnée plus haut, qui vise essentiellement à faire contrepoids aux capacités des FAD japonaises et de l’armée des États-Unis. Le tableau ci-dessous dresse l’inventaire des passages de bâtiments de la marine chinoise dans l’archipel des Ryûkyû depuis 2008.

En octobre 2013, l’opération « Manœuvre 5 » a réuni les trois principales flottes de la marine chinoise (Flotte de la mer du Nord, Flotte de la mer de l’Est et Flotte de la mer du Sud) pour une série d’exercices de haut niveau dans les eaux qui s’étendent au Sud des Ryûkyû. Pour les bâtiments chinois, ces exercices ont servi (1) à répéter les manœuvres à effectuer pour éviter d’être bloqués par le Japon et les États-Unis lors du franchissement de la « première chaîne d’îles », (2) à remédier à la carence actuelle des capacités antiaériennes et anti-sous-marins de la Chine, (3) à mettre au point des tactiques A2/AD, (4) à instaurer des régions spécifiques d’activité pour les trois flottes principales et (5) à doter l’armée, l’aviation et le Deuxième corps d’artillerie (chargé des missiles stratégiques) d’un terrain de pratique établi. Les Chinois ont certes le droit de mener des exercices dans les eaux internationales, mais leur manque de transparence dans la définition des limites géographiques des manœuvres allait à l’encontre du Règlement international de 1972 pour prévenir les abordages en mer et risquait de provoquer de dangereuses retombées, dans la mesure où la Chine imposait unilatéralement aux pays voisins ses propres normes militaires.

En réaction à cette initiative chinoise, le Japon a déployé des unités d’observation dans les eaux et l’espace aérien avoisinant les manœuvres, en se référant aux accords internationaux qui l’autorisaient à le faire. Il existe toutefois une différence considérable entre le face-à-face de navires de patrouille dans l’archipel des Senkaku et des opérations dans lesquelles les FMAD et la Marine chinoise se côtoient dans un contexte de compréhension limitée de leurs activités mutuelles. À mesure que le temps passe, le deuxième cas de figure est porteur d’un plus grand risque d’incident imprévu et d’une évolution des problèmes de sécurité qui pourrait amener la région au bord du gouffre. Les navires chinois ont été à l’origine de situations potentiellement dangereuses dans le passé, par exemple en braquant un radar de tir sur une frégate japonaise ou en barrant le chemin à des navires de surveillance de la marine américaine. On parle beaucoup des Senkaku, mais l’absence de mesures préventives ou de dispositif de prévention des crises dans la zone des Ryûkyû fait que la situation y est beaucoup plus volatile.

Incidence des passages d’unités de la marine chinoise dans l’archipel des Ryûkyû

Année 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Passages 2 2 4 5 11 7

Sources : le chiffre pour 2013 a été calculé par l’auteur. Pour les années précédentes, les chiffres proviennent de l’édition 2013 du Bôei hakusho (Livre blanc sur la défense) du ministère de la Défense

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Kôda YôjiArticles de l'auteur

Vice-amiral en retraite des Forces maritimes d’autodéfense du Japon (FMAD). Né en 1949 dans la préfecture de Tokushima. Diplômé de l’Académie nationale de défense en 1972, il a rejoint les FMAD. A suivi une formation au US Naval War College (École navale des États-Unis) en 1992. A été directeur général du Bureau interarmes de l’état-major, commandant du district de Sasebo et commandant en chef de la Flotte d’autodéfense. A pris sa retraire en 2008. Associé principal au Centre pour l’Asie de l’Université Harvard.

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