Les nombreuses facettes des relations entre le Japon et la Chine

Les problèmes environnementaux de la Chine

Politique

Kubota Jumpei [Profil]

L’accès de la Chine au statut de superpuissance économique s’est accompagné de l’apparition de graves problèmes environnementaux, dont l’augmentation alarmante de la pollution de l’air par les particules en suspension PM2,5. Un expert se penche ici sur les problèmes qui en découlent et suggère la mise en place d’une coopération régionale en vue de les résoudre.

Selon des statistiques publiées en avril 2014 par l’Organisation mondiale du commerce, la Chine a dépassé les États-Unis en 2013 en termes de volume total des échanges, devenant par la même occasion le numéro un mondial en ce domaine. À mesure que sa croissance économique se poursuit, la Chine se trouve confrontée à un certain nombre de défis pour lesquels aucune réponse effective n’est encore en vue. Les problèmes environnementaux font partie du lot, et notamment la pollution sévère de l’air, dont les niveaux élevés de PM2,5 (particules en suspension d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres) sont représentatifs. Outre cela, la Chine est désormais le premier émetteur mondial de dioxyde de carbone, avec une part de 24 % dans le montant total des émissions mondiales de ce gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. Elle et les États-Unis, le second plus gros émetteur, produisent à eux deux plus d’un tiers du CO2 émis dans le monde.

À la liste des problèmes environnementaux de la Chine, il faut ajouter, outre la pollution de l’air, celle de l’eau et les atteintes à la sécurité alimentaire. Dans cet article, je me propose d’examiner l’état de ces différents problèmes et de considérer dans quelle mesure une coopération bilatérale et régionale qui ne se limiterait pas au cadre de l’assistance technique fournie par le Japon peut aider à les résoudre.

Les deux grands chocs écologiques de la fin des années 1990

La croissance de l’économie chinoise consécutive à la mise en œuvre de la réforme et à l’adoption de la politique de la porte ouverte (1978) s’est accélérée à partir de 1992. Il est vrai que c’est essentiellement au cours de cette période d’un peu plus de vingt ans que sont apparus les problèmes environnementaux, mais il faut aussi préciser qu’ils ont passablement changé de nature dans l’entretemps.

La Chine a connu deux grands chocs écologiques à la fin des années 1990 : l’assèchement du fleuve Jaune, d’une ampleur sans précédent, et les inondations du Yang-Tsé-Kiang, respectivement en 1997 et 1998.

Le premier de ces phénomènes a été imputé à la croissance de l’agriculture et de l’industrie ainsi qu’à l’augmentation de la demande urbaine d’eau. Mais l’affaire n’est pas aussi simple. D’après un projet de recherche mené par notre Institut de recherche sur l’humanité et la nature (RIHN), la hausse de la consommation d’eau liée aux activités de boisement entreprises pour remédier à la désertification a elle aussi contribué à l’assèchement du fleuve Jaune. Environ 70 % de l’eau extraite du fleuve Jaune est certes consacrée à un usage agricole et les quantités d’eau prélevées à cette fin ont augmenté dans les années 1980 ; mais elles n’ont guère progressé dans la seconde moitié de la décennie suivante, au cours de laquelle s’est produit l’assèchement.

Dans le même temps, l’étude du RIHN a montré que la consommation d’eau dans la région du plateau du Lœss a grandement changé après les années 1980. La réussite relative des activités de reboisement menées dans le cadre d’un projet national visant à remédier à la désertification de la région a entraîné une augmentation du volume d’eau utilisé (par le biais de l’évaporation) par les arbres nouvellement plantés, ce qui a fini par réduire le débit de l’eau en aval. On voit donc qu’un projet de reboisement conçu pour lutter contre un problème environnemental en a provoqué un autre : l’assèchement du fleuve Jaune.

Un site reboisé à la périphérie de Wuhai, une ville houillère du milieu du bassin du fleuve Jaune. Le reboisement a diminué l’impact des tempêtes de sable qui soufflent sur la ville, mais la pousse des arbres dans une région aussi sèche consomme de grandes quantités d’une ressource précieuse : l’eau de la rivière. (Photo prise par l’auteur, le 12 mai 2012)

En ce qui concerne les inondations de 1998 du Yang-Tsé-Kiang, des chutes de pluie inhabituelles en ont sans doute été la cause directe, mais on pense qu’elles ont été aggravées par les excès de la déforestation liée à l’expansion des terres agricoles dans les zones montagneuses. La réaction du gouvernement chinois aux inondations a consisté à mettre en œuvre une politique de reforestation des terres agricoles, une initiative extrêmement inhabituelle dans un pays où l’expansion des terres agricoles a toujours accompagné celle de la population.

Suite > Le développement urbain génère de nouveaux problèmes environnementaux

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Kubota JumpeiArticles de l'auteur

Directeur général adjoint et professeur à l’Institut de recherche sur l’humanité et la nature (RIHN) depuis 2012. Titulaire d’un doctorat d’agriculture de l’Université de Kyoto. Ancien professeur associé à l’Université d’agriculture et de technologie de Tokyo. Spécialiste de l’hydrologie, de l’hydrologie forestière et du contrôle de l’érosion.

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