La démocratie parlementaire japonaise

Pourquoi les chefs de gouvernement sont si éphémères en Italie et au Japon

Politique

Dans les années 1990, le Japon et l’Italie ont tous les deux introduit dans leurs systèmes électoraux des circonscriptions uninominales avec le même but, parvenir au bipartisme. Comparer ces deux pays qui se ressemblent à certains égards, notamment par l’instabilité de leurs gouvernements, permet de mettre en évidence les spécificités du système politique japonais.

Japon : les premiers ministres changent, le parti au pouvoir reste le même

La défaite du Parti libéral démocrate en 1993 eut pour résultat un changement de gouvernement. Mais grâce à l’alliance qu’il forma l’année suivante avec le Parti socialiste, il revint au pouvoir l’année suivante, dans le gouvernement dirigé par M. Murayama. Il reconquit le poste de premier ministre en 1996 avec la nomination de M. Hashimoto. Ainsi, le PLD qui avait remporté les premières élections tenues après la réforme électorale, réussit à garder le pouvoir jusqu’aux élections générales de 2009 remportées par le Parti démocrate. Il y a moins de changements de partis au pouvoir qu’en Italie. Le Japon connaît aussi des gouvernements de coalition, mais les partis qui les composent sont moins nombreux qu’en Italie, et les coalitions plus stables. Enfin, on n’y voit pas de gouvernements composés de personnalités issues de la société civile, dépourvus de bases politiques solides. Mais les chefs de gouvernement changent plus souvent qu’en Italie. Pourquoi ?

Serait-ce parce que la Chambre haute est puissante ? Il est indéniable que les élections de « mi-parcours » (la moitié des membres de cette Chambre sont élus tous les trois ans avec un mandat de six ans) ont une influence sur le gouvernement et sa stabilité. L’échec du PLD aux élections à mi-parcours de la Chambre haute en 1998 conduisit le premier ministre Hashimoto à démissionner. Un échec à ces élections ne conduit pas nécessairement à une démission mais affaiblit certainement le premier ministre en place.

De plus, si le parti du chef de gouvernement ne dispose pas de la majorité dans les deux Chambres, cela l’affaiblit et favorise l’instabilité. On l’a vu ces dernières années avec la démission de plusieurs premiers ministres, MM. Abe, Fukuda et Kan. Mais la force de la Chambre haute et la difficulté à gouverner le pays lorsque les deux Chambres n’ont pas la même majorité ne peuvent suffire à expliquer que le Japon change plus souvent de chefs de gouvernement que l’Italie. MM. Mori, Koizumi et Hatoyama ont tous les trois démissionné à des moments où les deux Chambres avaient la même majorité.

Des mécanismes internes au parti qui poussent le premier ministre à la démission

Les contraintes imposées au premier ministre par son parti constituent l’élément moins visible qui l’explique. Le PLD change de président tous les trois ans (jusqu’en 2002, c’était tous les deux ans – article 84 des statuts du parti). Cette élection a lieu même lorsque le président du PLD occupe le poste de premier ministre, et ses modalités ne changent pas. Le PLD a envisagé à plusieurs reprises de dissocier les deux fonctions mais ne l’a pas fait : le président du parti devient premier ministre si le PLD est au pouvoir, et s’il n’arrive pas à se faire réélire, il démissionne de sa fonction de premier ministre.

Le parti politique d’où est issu le chef du gouvernement est construit de telle manière qu’il crée l’instabilité pour lui. Par le passé, il est arrivé qu’un premier ministre perde les primaires au sein de son parti, ne se présente pas à l’élection et démissionne, comme l’a fait Fukuda Takeo en 1978. Ces dernières années, aucun premier ministre en exercice n’a perdu les élections à la présidence du PLD, mais ce système lui-même qui veut qu’un parti au pouvoir entraîne la démission d’un premier ministre issu de ses rangs, au lieu de le soutenir, est étrange. Dire que cette structure ignore le peuple n’est pas excessif.

De plus le paragraphe 2 de l’article 84 des statuts du PLD stipule que si le président du parti vient à faire défaut pendant son mandat, le mandat du nouveau président élu pour le remplacer correspond à la durée du mandat qui restait à son prédécesseur. Enfin, les règles s’appliquant au président du parti sont extrêmement sévères. L’article 10 des règles gouvernant l’élection du président du parti, qui n’existait pas au moment de la création du parti, stipule par exemple qu’« un président ne peut exercer plus de deux mandats successifs ». Voilà pourquoi M. Koizumi a dû se retirer, malgré le soutien populaire dont il disposait (et sa possible volonté de rester premier ministre).

En Grande-Bretagne, Mme Thatcher a dû démissionner lorsqu’elle n’a pas été réélue président du Parti conservateur, mais elle était alors premier ministre depuis plus de dix ans. Le Parti conservateur et le Parti travailliste élisent tous les deux leur leader, mais la durée du mandat du président n’est pas fixée. En Allemagne, elle l’est, et le président d’un parti peut ne pas être réélu, mais on ne l’exige pas d’un chancelier. Le leader du parti ne devient d’ailleurs pas nécessairement chancelier (en 1998, Schröder l’est devenu, alors qu’il n’était pas président du SPD.) .

Au Japon, les parlementaires de la majorité manœuvrent très fréquemment pour faire tomber le premier ministre suite à des dissensions internes, à d’autres moments que l’élection du président du parti ou les élections générales. Etant donné que le parti au pouvoir qui devrait logiquement soutenir le chef de l’exécutif est à l’origine de mouvements pour faire tomber son gouvernement, la stabilité gouvernementale est impossible. Les partis au pouvoir sont responsables de la brièveté des gouvernements.

Suite > L’unité des partis et la stabilité gouvernementale

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