Le Japon et Taïwan : une histoire d’amour compliquée

Le Japon, deuxième patrie des enfants-ouvriers taïwanais de jadis

Société Vie quotidienne

Hitoto Tae, née d’un père taïwanais et d’une mère japonaise, a découvert, grâce à un ami, qu’autrefois de très jeunes hommes taïwanais étaient venus travailler dans les usines militaires japonaises.

Des enfants-ouvriers qui ont beaucoup donné pour « l’empire »

M. Li raconta qu’à son retour à Taïwan après la défaite du Japon, il avait mené sa vie sans s’intéresser au gouvernement nationaliste et que depuis 1988 il consacrait toute son énergie au club. Il exprima sa fierté d’avoir réussi à organiser le retour au Japon de nombreux anciens enfants-ouvriers en 1993 à l’occasion du cinquantième anniversaire de leur venue à Kôza et termina son allocution en disant que le Japon était sa deuxième patrie. Ce printemps, le gouvernement japonais l’a décoré de l’ordre du Soleil levant, Rayons d’or avec rosette.

J’ai eu l’occasion de parler avec plusieurs anciens enfants-ouvriers. « Nous avons dû affronter le froid et la faim, c’est certain, et travailler dans un pays étranger n’était pas facile, mais nous n’avons fait que ce que nous devions faire en tant que Japonais. » Ils m’ont expliqué que les habitants de Kôza partageaient avec eux ce qu’ils avaient à manger et les invitaient chez eux. L’un d’entre eux m’a dit que le Japon occupait une place à part dans son cœur parce qu’il y avait passé une partie de sa jeunesse.

Ces anciens enfants-ouvriers étaient nés japonais, et ils avaient fait leur devoir vis-à-vis de leur « patrie ». Ils se sentaient japonais, et même après la guerre, une fois qu’ils étaient devenus citoyens d’un autre pays, ils ont continué à en être fiers, sans jamais oublier la gentillesse avec laquelle ils avaient été reçus au Japon. Leurs liens avec ce pays demeuraient vivants en eux.

Le Japon toujours présent dans les cœurs

Pendant que Taïwan était sous occupation japonaise, de 1895 à 1945, le japonais était la langue d’enseignement, et la culture japonaise dominait. Il est impossible de parler des relations entre les deux pays sans évoquer cette histoire. La génération qui a connu cette période est celle de ces anciens enfants-ouvriers dont la moyenne d’âge est aujourd’hui de 85 ans.

Mon père est taïwanais. Né en 1928, il a connu cette époque. J’ai écrit un livre sur sa vie, Ma boîte, dont la traduction chinoise est parue à Taïwan en mars dernier.

En l’écrivant, j’ai découvert à travers l’histoire de mon père les relations entre le Japon et Taïwan, auxquelles je ne m’étais jamais intéressée. Cela m’a fait réfléchir au problème d’identité ressenti par mon père et les gens de sa génération, qui ont vécu des temps très agités qui leur ont fait se demander s’ils étaient japonais ou taïwanais.

Après la guerre, cette interrogation a troublé mon père au point qu’il n’a pu se concentrer sur son travail et a souffert de dépression. Dans mon esprit, la silhouette de ces enfants-ouvriers s’est superposée à celle de mon père, pour qui avoir deux patries était un tourment. Les gens de sa génération avaient chacun leur opinion sur le Japon, mais sa présence dans leur cœur était une réalité indéniable.

Suite > Taïwan et le Japon : une relation fraternelle qui dure depuis plus d’un siècle

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