Le Japon et Taïwan : une histoire d’amour compliquée

Comprendre les liens entre le Japon et Taïwan à travers le phénomène des « hari »

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À la fin des années 1990, un groupe de fans inconditionnels du Japon a fait son apparition à Taïwan, et il a surpris autant les adultes taïwanais et les Japonais. Hari Kyôko, la figure marquante de cette « tribu » des jeunes, que l’on désigne sous le nom de « hari », nous raconte comment les choses se sont passées.

Un amour irrépressible pour le Japon

Le mot « hari », c’est moi qui l’ai inventé. Jusque-là, il n’existait pas dans la langue chinoise que l’on parle à Taïwan. La première fois que je l’ai utilisé, c’est dans le manga de quatre cases intitulé Zaoan Riben (Good Morning Japan) que j’ai publié en 1996. Ensuite, je m’en suis servi comme pseudonyme. Le terme hari est composé de deux idéogrammes dont le premier 哈 (ha) signifie « désir extrême » ou « irrépressible » dans le dialecte hokkien minnan, et le second 日(ri) désigne le Japon. Il fait donc référence à un « amour sans limites pour le Japon ». Je l’ai inventé parce que je n’arrivais pas à exprimer ce que je voulais dire dans le chinois de Taïwan. Pour moi, hari est un état pathologique contre lequel il n’existe pas de traitement. C’est pourquoi j’ai ajouté au mot hari, un troisième caractère  症 (zheng), qui indique qu’il s’agit d’une sorte de maladie.

Le terme hari est devenu célèbre quand je suis passée à la télévision dans une émission sur les livres très connue. Les medias taïwanais ont alors commencé à qualifier de « tribu » hari ceux qui adorent le Japon au point d’en faire une maladie.

J’ai toujours eu envie d’aller étudier au Japon mais mon rêve ne s’est pas encore réalisé. J’ai visité le Japon pour la première fois à l’âge de vingt-deux ans. Quand je l’ai vu de mes yeux, j’ai eu l’impression de m’enfoncer dans un puits sans fond d’amour irrépressible. Je suis littéralement tombée sous le charme de ce pays. Outre les mangas, il y avait tant de choses fascinantes à découvrir : la langue, la cuisine de style traditionnel, les superbes paysages de l’Archipel, les arts traditionnels et les édifices anciens. C’était aussi mon premier voyage à l’étranger. Je crois que ce séjour a éveillé le gène du hari qui dormait en moi car depuis, je suis retournée plus de soixante fois au Japon. Et chaque fois j’y reste encore plus longtemps. Au début mes séjours se limitaient à quelques jours qui se sont transformés par la suite en plusieurs mois. Maintenant, je reste jusqu’à la date d’expiration de mon visa. Il faut pratiquement me ramener de force à Taïwan.

L’an 2000 : le point culminant du « phénomène hari »

« Zaoan Riben » (Good Morning Japan), le manga de Hari Kyôko qui a déclenché le phénomène hari à Taïwan.

Dès que je suis rentrée à Taïwan, j’ai eu envie de repartir pour le Japon. J’ai raconté ce que j’avais vécu dans un manga de quatre cases en essayant de faire partager à mes lecteurs les émotions que j’avais vécues en descendant de l’avion et durant le peu de temps qu’a duré mon premier séjour. Axing, l’héroïne de ce manga est atteinte d’un harizheng particulièrement grave et elle se livre à des activités étranges qui seraient impensables pour des gens ordinaires au Japon comme à Taïwan. Et il va de soi qu’elle tient beaucoup de moi. Zaoan Riben a été publié en 1996, au moment d’un incident à propos des îles Senkaku (Diaoyutai en chinois), en mer de Chine orientale, qui a quelque peu refroidi les relations entre les deux pays. Mais rien ne pouvait affecter mon enthousiasme pour le Japon et en 1998, j’ai réuni en un volume un ensemble de textes à propos de l’influence que la culture japonaise a eu sur moi. C’est ainsi que j’ai fait mes débuts en tant qu’écrivaine.

Les medias se sont emparés du phénomène hari et celui-ci a atteint son point culminant en l’an 2000. La chaîne McDonald a proposé une série de produits Hello Kitty qui a eu un tel succès que certains n’on pas hésité à manquer l’école ou à ne pas aller travailler pour avoir une chance d’en acheter. Les medias japonais sont allés à Taïwan pour observer de près cet étrange phénomène. J’ai fait la connaissance de personnes qui travaillaient dans les medias et en janvier 2001, j’ai publié mon premier livre de textes en japonais Hari Kyôko no Nippon chûdoku (Hari Kyôko ou l’addiction au Japon) que l’on peut se procurer sous forme de livre numérique sur Internet depuis août 2013. Je suis ravie que cet ouvrage paraisse à nouveau, plus de douze ans après sa première publication.

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