De nouveaux horizons pour l’économie japonaise

La redynamisation de l’agriculture japonaise sous l’angle de la compétitivité internationale

Économie

Dans le cadre des négociations sur la participation au Partenariat transpacifique (TPP), la compétitivité internationale de l’agriculture japonaise fait actuellement débat. Comment redynamiser le secteur agricole ? Nous allons examiner les problèmes et les enjeux liés à cette question, en particulier en ce qui concerne la production de riz.

Les dégâts de la politique agricole japonaise

1 – Le soutien aux petits riziculteurs à temps partiel

Premièrement, les mesures d’aide aux producteurs de riz ont avant tout profité aux riziculteurs à temps partiel dont le rendement est faible, sans parvenir à apporter un soutien suffisant aux agriculteurs professionnels.

L’examen des données de base sur la situation des exploitations rizicoles révèle les disparités avec les autres exploitations agricoles, maraîchères, fruitières ou d’élevage. Une situation qui n’est pas étrangère au fait que le marché des fruits, des légumes et de la viande est dérégulé, alors que celui du riz est subventionné.

  • 60% des exploitations agricoles sont des exploitations rizicoles.
  • Le riz représente 22% du volume total de production.
  • Le chiffre d’affaires médian des exploitations rizicoles est bas, à 1,4 million de yens (contre 6,7 millions pour la filière maraîchère, 3 millions pour la filière fruitière et 1,5 million pour l’élevage).
  • 61% des riziculteurs sont des agriculteurs à temps partiel, un pourcentage très élevé (contre 20 à 35% dans les autres filières).
  • La moyenne d’âge des riziculteurs, 66,6 ans, est la plus élevée.

On entend souvent dire que « les riziculteurs gagnent peu d’argent, leur vieillissement est préoccupant et ils n’ont pas de successeurs », mais les faits montrent que ce n’est pas forcément le cas.

La plupart des agriculteurs à temps partiel, qui comptent pour 60% des riziculteurs, travaillent en fait dans l’administration, les coopératives agricoles ou en usine, et possèdent donc une source de revenus réguliers, hors de l’agriculture.

De plus, l’âge de la retraite est fixé à 60 ou 65 ans pour les employés et les fonctionnaires, mais il n’existe aucune limite d’âge dans l’agriculture. Lorsque cette population cesse son activité non-agricole, elle continue la culture qui était jusqu’alors un loisir, rejoignant ainsi statistiquement les rangs des agriculteurs professionnels. De ce fait, la moyenne d’âge est forcément élevée. On estime que 10% des riziculteurs relèvent de ce cas de figure. Par ailleurs, dans les familles d’agriculteurs professionnels, on compte des employés ou des fonctionnaires qui ne travaillent pas dans l’exploitation familiale durant leur vie active, mais la rejoignent après leur départ à la retraite ; ils représenteraient 10% du total. Cette catégorie est en progression depuis quelques années.

Au bout du compte, les 20% restants sont les agriculteurs professionnels à plein temps. Concernant les autres 80%, l’image d’une activité aux faibles revenus et d’un vieillissement problématique est erronée, de même qu’il n’y a pas pénurie de successeurs : il n’y en a simplement pas besoin.

La riziculture est choisie par ceux qui s’essaient à l’agriculture après la retraite ou qui cumulent agriculture et emploi salarié, car, à la différence d’autres cultures, le riz demande un faible investissement humain, à hauteur de 45 heures de travail annuel.

La politique agricole japonaise, en consacrant d’énormes budgets à la riziculture, a finalement maintenu l’existence des petites exploitations et de l’agriculture à temps partiel, sans améliorer la compétitivité des exploitants professionnels.

2 – L’augmentation des friches agricoles

En second lieu, abordons le problème de l’augmentation des friches agricoles.

En 2010, la déprise agricole atteignait 390 000 hectares, soit le double de la superficie de la préfecture de Tokyo. De plus, environ un quart de ces friches sont situées sur des terrains cultivables plats. La cause en revient principalement aux mesures de réduction de la production, pilier de la politique agricole japonaise.

Depuis 1970, alors que la consommation de riz ne cesse de décroître, une politique de réduction de la production destinée à maintenir les prix élevés du riz est en vigueur. Ces mesures, qui consistent en l’octroi de subventions proportionnelles à la superficie des rizières mises en jachère ou allouées à d’autres cultures, coûtent chaque année 200 milliards de yens, soit un montant cumulé de plus de 7 mille milliards de yens depuis leur introduction. Parmi les rizières mises en jachère dans ce cadre, certaines, sans être affectées à des cultures différentes, deviennent des friches.

Il ne s’agit pas là du seul impact négatif des mesures de réduction de la production. Elles sont également le principal facteur de pérennisation de la structure du secteur évoquée précédemment, opposant de nombreux agriculteurs à temps partiel au bas rendement à un faible pourcentage d’agriculteurs professionnels à temps plein. Le choix de maintenir les prix du riz à un niveau élevé a engendré un cercle vicieux : les micro-exploitants à temps partiel, qui arrivent à vendre à un prix élevé le riz cultivé le week-end, n’ont aucune raison de se séparer de leurs terres, entravant ainsi l’expansion des exploitations professionnelles, dont les revenus n’augmentent pas malgré leur spécialisation dans le riz, à cause des coûts de fonctionnement élevés. Ces mesures de réduction de la production ont suscité des protestations dans le Japon entier, dès leur application. On se souvient en particulier des manifestations à Ôgata, dans la préfecture d’Akita, ainsi que dans une partie de la préfecture de Niigata, régions où la productivité était déjà élevée. A leur origine, le montant des subventions versées pour la mise en friche des rizières, inférieur aux revenus tirés de la riziculture sur ces mêmes parcelles. Cet exemple montre clairement que les mesures de réduction de la production ont en fait participé à entraver l’amélioration de la productivité par le biais de l’intensification agricole.

Cependant, c’est avant tout la population qui est lésée par cette politique. Les mesures de réduction de la production, véritable « cartel », pèsent doublement sur les Japonais, en leur imposant d’acheter du riz cher et de financer les subventions allouées à cette politique.

Le ministère de l’Agriculture, pour répondre à ces critiques, a promulgué une réforme en 2004, passant de la réduction de la production à sa régulation. Les subventions ne portent plus sur les superficies concernées, mais sur les volumes de production en jeu. Cependant, le maintien des prix élevés du riz, qui constitue le cœur du problème, reste de mise et les mêmes effets pernicieux que ceux des mesures de réduction de la production perdurent.

L’augmentation du nombre de friches est due au faible coût de détention de ces terrains, objets d’avantages fiscaux successoraux et fonciers. A la base, ces avantages fiscaux avaient pour but d’éviter la baisse de rendement liée au démembrement des parcelles en cas d’impossibilité de payer ces taxes, mais, hélas, ils sont devenus une incitation à laisser les terrains agricoles en friche. Les avantages fiscaux successoraux et fonciers sont accordés à toute parcelle enregistrée comme terrain agricole, même non cultivée. Pour cette raison, nombre de parcelles en friche sont encore déclarées comme terrain agricole.

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