Dérive de l’éducation japonaise

La « maladie japonaise » de l'enseignement supérieur

Économie Société Culture

Alors qu'il est beaucoup question de la nécessité d'aller vers la mondialisation des ressources humaines, l'affaissement des universités japonaises, le lieu de leur formation au Japon, est préoccupant. Où exactement se situe le problème ? M. Kariya, qui a enseigné à l'université au Japon avant de prendre un poste en Grande-Bretagne et étudie l'éducation du point de vue de la sociologie, nous livre son analyse.

Les problèmes de l'enseignement supérieur au Japon

Il est certain que l'enseignement supérieur au Japon a réussi une massification rapide, et que, du point de vue de la quantité, il a pu offrir de nombreuses opportunités à un grand nombre de jeunes. Mais étant donné que cette massification a été accomplie grâce à l'expansion des universités privées, l'accès à l'enseignement supérieur n'a cessé d'être conditionné par les contraintes économiques liées au niveau de revenu des ménages. Comme les frais de scolarité n'ont cessé d'augmenter, et que la politique gouvernementale en matière de bourses s'est montrée insuffisante, il a échoué à éliminer ces contraintes économiques. Par conséquent, la différence en termes d'accès à l'enseignement supérieur a continué à être liée à la naissance ou non dans un foyer économiquement favorisé, en dépit de la massification quantitative.

Un autre problème important est que la massification de l'enseignement supérieur s'est accompagnée d'une baisse de sa qualité. Ici aussi, le fait qu'il s'est massifié essentiellement autour des universités privées et que cette massification s'est faite conformément au principe qui veut que l'enseignement supérieur constitue un avantage individuel a aggravé le problème. Tout d'abord parce que les universités privées qui n'ont pas de fondations financières solides sont fortement dépendantes des frais de scolarité, ce qui fait qu'elles peuvent difficilement exclure des étudiants sur la base de leurs résultats, quelle que soit leur volonté de maintenir la qualité de l'enseignement au-dessus d'un certain niveau. De plus, afin de réduire leurs frais de fonctionnement, leur taux d'encadrement (ratio professeur/étudiants) est de plus en plus élevé. Il est difficile pour un enseignant qui a beaucoup d'étudiants de les suivre de près et de les écouter. Enfin, la plupart des cours n'imposent pas de lectures obligatoires. Selon une enquête réalisée par l'institut de recherche de Benesse, un organisme d'enseignement privé, 73 % des étudiants consacrent moins de trois heures par semaine à préparer leur cours (et 20 % pas une seule minute) ; 81 % passent moins de trois heures à travailler seuls (32 % pas une seule minute). Ce qui revient à dire que dans les universités japonaises, on n'apprend que pendant les cours.

Qu'un grand nombre d'universités qui offrent officiellement des cursus de quatre ans d'études accordent en réalité un diplôme à leurs étudiants au bout de trois n'arrange rien. En effet, leurs étudiants consacrent l'essentiel de leur temps à partir de la fin de troisième année à la recherche d'un emploi et sont trop occupés pour suivre les cours. Et la plupart des universités privées n'ont d'autre choix que d'accepter ce manque d'assiduité, leur renommée étant en grande partie déterminée par la réussite de leurs étudiants à trouver du travail. Pour attirer un nombre stable de nouveaux étudiants, elles doivent au contraire les aider dans leurs recherches professionnelles, et ne peuvent en aucune façon les en empêcher. Il leur est difficile de les noter sévèrement et de contraindre certains à abandonner leurs études. C'est compréhensible, puisque la majorité des universités privées dépendent financièrement des revenus que leur apportent les frais de scolarité.

Pourquoi la recherche d'un emploi commence-t-elle tellement si tôt qu'elle nuit aux études ? Pour le comprendre, il faut s'intéresser à la valeur accordée par la société japonaise aux études universitaires. Examiner ce qui explique cette situation permet aussi de mieux comprendre la pathologie de la « maladie japonaise ».

Suite > Les manifestations de la maladie japonaise dans la formation des ressources humaines

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