[Galerie photos] Les festivals japonais : saisir l’extraordinaire avec le photographe Haga Hinata

Tourisme Tradition

Haga Hinata [Profil]

Le photographe japonais Haga Hinata a immortalisé des festivals d’un bout à l’autre du Japon et dans le monde entier, en s’efforçant de capturer les moments où les gens s’écartent de leur vie ordinaire et trouvent la joie dans l’extraordinaire.

Après les catastrophes et la pandémie, le retour des jours extraordinaires

Ma vision des festivals a radicalement changé après le Grand tremblement de terre de l’Est du Japon et le tsunami du 11 mars 2011, qui ont provoqué des dégâts considérables. Cet événement a fait peser une menace sur la vie ordinaire et paisible à laquelle le Japon était accoutumé, si bien que le pays a sombré dans un sentiment de réserve. J’ai dû, pendant une brève période, me préparer mentalement à la perspective de ne plus être en mesure de photographier des festivals avant un certain temps, mais des localités situées dans la région du Tôhoku ont annoncé qu’elles maintenaient leurs festivals d’été. Le fleuron de tous ces événements était le Hachinohe Sansha Taisai, célébré dans la ville de Hachinohe, préfecture d’Aomori. La décision de maintien a été prise pour permettre aux habitants des régions affectées par la catastrophe de prier pour que les festivals d’été les aident à se remettre du séisme et du tsunami. Obéissant au sentiment qu’une mission m’incombait en tant que photographe, je me suis rendu cette année-là dans la région pour couvrir les festivals pendant les mois de juillet et d’août.

J’ai photographié les participants aux festivals célébrés dans des localités qui avaient subi des transformations considérables du fait de la catastrophe, et mon appareil-photo a révélé l’émergence de leur enthousiasme. J’avais pour mission de montrer l’image de ce regain d’espoir aux gens que le destin de leurs voisins plongeait dans l’anxiété. Les festivals font partie des liens que les gens entretiennent avec leur région natale. Les festivals auxquels j’ai assisté dans chacune des localités où je me suis rendu représentaient des points reliés par des lignes qui, au bout du compte, les rattachaient à l’ensemble du Japon.

 Le Hachinohe Sansha Taisai (31 juillet - 4 août), célèbre pour ses chars aux décorations flamboyantes. Cet événement figurait lui aussi parmi les festivals japonais de chars inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité dressée par l'Unesco.

Le Hachinohe Sansha Taisai (31 juillet - 4 août), célèbre pour ses chars aux décorations flamboyantes. Cet événement figurait lui aussi parmi les festivals japonais de chars inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité dressée par l’Unesco.

Le « Tanabata en mouvement » (6 et 7 août) est un festival à la mémoire des ancêtres qui s'est transmis de génération en génération dans la ville de Rikuzen-Takata, préfecture d'Iwate.

Le « Tanabata en mouvement » (6 et 7 août) est un festival à la mémoire des ancêtres qui s’est transmis de génération en génération dans la ville de Rikuzen-Takata, préfecture d’Iwate.

Au festival Sôma Nomaoi (fin juillet), qui se tient dans la préfecture de Fukushima, les gens allument des chandelles pour manifester leur reconnaissance aux chevaux.
Au festival Sôma Nomaoi (fin juillet), qui se tient dans la préfecture de Fukushima, les gens allument des chandelles pour manifester leur reconnaissance aux chevaux.

La pandémie de Covid-19 qui a commencé en mars 2020 a conduit à la décision de suspendre provisoirement les festivals prévus dans le pays tout entier. Quand cette suspension est entrée dans sa troisième année, les préoccupations quant à la pérennité des traditions portées par ces festivals se sont aggravées, et des divergences ont surgi un peu partout quant à l’opportunité de maintenir ou non les festivals. Quand les festivals ont repris — certes à une plus petire échelle qu’avant —, j’ai commencé à recevoir des invitations à en rendre compte avec mes photos, en insistant sur le fait que c’étaient des « événements complètement locaux ».

À mesure de la sortie du « nouvel ordinaire » au cours duquel nous devions éviter tout contact avec autrui, les jours de l’extraordinaire (hare) sont revenus. Les visages ont recommencé à briller et les gens se sont souvenus de la liberté associée aux carnavals. Nous avons réalisé qu’à l’origine les festivals ne se résumaient pas à une attraction touristique, mais qu’ils étaient surtout un moyen utilisé par les gens pour transmettre les traditions de leurs régions natales à la génération suivante.

Lors de la version 2022 du festival annuel qui se tient au sanctuaire Teppôzu Inari, à Tokyo (2-5 mai), les sanctuaires portables étaient exposés sur des chars plutôt que portés, et les participants au défilé, soucieux de prévenir la diffusion du Covid-19, s'abstenaient de lancer des cris et des appels comme ils le font d'habitude.

Lors de la version 2022 du festival annuel qui se tient au sanctuaire Teppôzu Inari, à Tokyo (2-5 mai), les sanctuaires portables étaient exposés sur des chars plutôt que portés, et les participants au défilé, soucieux de prévenir la diffusion du Covid-19, s’abstenaient de lancer des cris et des appels comme ils le font d’habitude.

Il y a certes bien des localités aux ressources limitées qui sont en train de perdre leur capacité de transmission des traditions liées aux festivals, du fait de l’exode rural affectant les régions où elles se trouvent et du vieillissement de la population. Néanmoins, il existe des cas où des jeunes gens qui ont quitté leurs villes natales et des personnes qui viennent de s’installer dans ces régions interagissent avec des habitants de longue date et insufflent une nouvelle vie dans les festivals traditionnels. Ces événements, qui ont un effet unificateur sur les gens et la terre, injectent de l’énergie dans les régions au niveau local. Je pense qu’on est en droit de dire que ce lien est une source de joie pour bien des Japonais.

Tant qu’il y aura des gens qui recherchent le genre de joie que procurent les hare, la diversité des festivals ne doit pas se perdre. Et je continuerai d’apporter l’aide que je suis en mesure de fournir avec mes photographies.

La danse Kokko-desho est le clou du Nagasaki Kunchi (7-9 octobre). Au point culminant, un char portant des tambours chevauchés par quatre enfants est jeté en l'air et les festivaliers tendent les mains pour l'attraper.

La danse Kokko-desho est le clou du Nagasaki Kunchi (7-9 octobre). Au point culminant, un char portant des tambours chevauchés par quatre enfants est jeté en l’air et les festivaliers tendent les mains pour l’attraper.

* Les dates données pour les festivals sont les jours où ils ont lieu au cours d’une année type.

(Photo de titre : Mikoshi-Shinkô, ou le transfert de la divinité, lors du festival Sannô qui se déroule au sanctuaire Hiyoshi dans la préfecture de Shiga)

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Haga HinataArticles de l'auteur

Photographe des festivals au Japon et dans le monde. Né en 1956, il dirige la Bibliothèque Haga, où sont archivés des photographies et autres matériaux liés aux festivals et aux arts populaires du spectacle. Membre de la Société des photographes professionnels du Japon, de l’Association japonaise des écrivains du voyage et de l’Association japonaise des arts populaires du spectacle.

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