
[Galerie photos] Métabolisme, le courant d’architecture originaire du Japon d’après-guerre
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À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le Japon était en grande partie dévasté. Au cours de la première décennie qui a suivi le conflit, le pays s’est attelé au chantier de la reconstruction, avant de changer de direction au début de la période de forte croissance économique dont il a bénéficié entre la fin des années 1950 et la crise pétrolière de 1973. Ces années ont vu l’émergence d’une nouvelle génération d’architectes, qui ont joué un rôle important dans le développement urbain en concevant de nombreux projets fondés sur une vision utopique de l’avenir.
Conseillé par Tange Kenzô (1913-2005), ce groupe de jeunes architectes a conçu des bâtiments et d’autres édifices géants, donnant ainsi naissance au Métabolisme, mouvement qui s’appuyait sur le principe biologique de la régénération. Sur sa lancée, le groupe a produit des leaders mondiaux dans le domaine de l’architecture. Maki Fumihiko (né en 1928) et Isozaki Arata (né en 1931) ont tous deux reçu le prix Pritzker d’architecture, le premier en 1993 et le second en 2019.
L’article qui suit traite de divers projets issus de ce mouvement expérimental. S’il est un bâtiment qui incarne le Métabolisme, c’est bien la Nakagin Capsule Tower, qui se dresse à Tokyo dans le quartier de Ginza (Note: elle a été démantelée en avril 2022, après la parution de notre article). Proche de sites touristiques populaires, elle occupe en outre un emplacement qui la rend très accessible aux médias, ce qui a contribué à sa longévité. Pourtant, son état de détérioration a conduit ses propriétaires à céder aux pressions incitant à la reconstruction.
Maquette de la Nakagin Capsule Tower exposée dans une pièce du bâtiment appartenant à Sekine Takayuki. Conçue par Kurokawa Kishô et construite en 1972, la tour est l’un des rares édifices du mouvement du Métabolisme encore debout en 2021. Photographie prise le 23 juillet 2016.
La majorité des bâtiments privés nés du Métabolisme et construits à cette époque ont été démolis en raison du coût excessif exigé par leur entretien à mesure de leur dégradation. Avec le déclin démographique, le nombre des bâtiments publics mis en chantier a lui aussi diminué. C’est en 2016 que j’ai commencé à travailler sur mon projet d’illustration de l’architecture issue du Métabolisme, et certains des bâtiments que j’ai photographiés ont été démolis entre-temps. Ceux qui ont survécu vont presque certainement disparaître sous peu.
Bien qu’il fût un mouvement tourné vers l’avenir, le Métabolisme reposait sur l’idée d’un cycle de renouvellement, dans lequel la destruction de l’ancien permet la construction du nouveau, une idée qui présente des similitudes avec les enseignements du shintoïsme.
Les photos d’édifices du Métabolisme encore debout au Japon qui accompagnent cet article s’efforcent de capturer leur forme dans le contexte de leur environnement. Cette sélection de photos provient de ma récente monographie intitulée L’architecture du futur au Japon : utopie et métabolisme, publiée en novembre 2020 aux éditions Le Lézard noir.
Qu’est-ce que le Métabolisme ?
Ce mouvement est né lorsqu’un groupe de jeunes architectes et designers japonais a publié un manifeste intitulé « Métabolisme : propositions pour un nouvel urbanisme » à l’occasion de la Conférence mondiale du design qui s’est tenue à Tokyo en 1960. Au nombre des membres de ce groupe figuraient les architectes Kurokawa Kishô, Kikutake Kiyonori, Maki Fumihiko et Ôtaka Masato, ainsi que les designers Ekuan Kenji et Awazu Kiyoshi et le critique d’art Kawazoe Noboru. Le groupe prônait un concept de croissance organique des villes et des bâtiments survenant en réaction au développement de la société et à l’augmentation de la population, sur le modèle du métabolisme cellulaire biologique. Les créations des métabolistes sont connues dans le monde entier comme des chefs-d'œuvre de l’architecture non-occidentale.
Nakagin Capsule Tower
- Conception : Kurokawa Kishô (1934-2007)
- Emplacement : Ginza, arrondissement de Chûô, Tokyo
- Construction : 1972
- Démantelée en avril 2022
Cet immeuble résidentiel se compose de 140 « capsules » mesurant chacune 10 mètres carrés. À l’époque de sa construction, ses promoteurs l’ont présenté comme un « refuge » pour hommes d’affaires et il a été mis en vente par l’intermédiaire de grands magasins. Sekine Takayuki, qui, en 2005 a acheté une cellule avec sa femme pour 4 millions de yens (30 000 euros), a participé activement aux efforts en vue de préserver et de rénover le bâtiment.
En 2007, les propriétaires de capsules ont voté en faveur du remplacement de la tour, mais par la suite, la société d’investissement en charge du projet a déclaré faillite. Certains propriétaires ont alors entrepris d’acheter d’autres capsules et se sont engagés dans des initiatives visant à préserver et rénover l’édifice. Mais, au printemps 2021, celui-ci a été vendu à une société immobilière qui projette de réhabiliter le site. Le début de la démolition est prévu pour mars 2022.
À gauche, la Nakagin Capsule Tower vue d’en dessous la voie express de Tokyo. Photographie prise le 6 octobre 2016. À droite, Sekine Takayuki à l’intérieur de sa capsule. Photographie prise le 23 juillet 2016.
Centre international de conférences de Kyoto
- Conception : Ôtani Sachio (1924-2013)
- Emplacement : arrondissement de Sakyô, Kyoto
- Construction : 1966
Premier palais des congrès construit au Japon, c’est là que le protocole de Kyoto a été signé en 1997. L’ensemble se dresse sur un vaste terrain de 15,6 hectares, au bord de l’étang et du parc Takaragaike. La toiture intègre des éléments traditionnels du style gasshô au sein d’une architecture moderne. Le bâtiment principal a été achevé en 1966. Parmi les ajouts ultérieurs figurent la salle des fêtes (1985) et l’annexe (1988). Toutes les salles ont été conçues par Ôtani Sachio et ses partenaires.
Photographies prises le 14 juin 2016
Maison de la culture de Yamanashi
- Conception : Tange Kenzô (1913-2005)
- Emplacement : Kôfu, préfecture de Yamanashi
- Construction : 1966
L’édifice abrite les bureaux des groupes de médias locaux Yamanashi Nichinichi Shimbun, Yamanashi Broadcasting System (système de radodiffusion) et Sannichi YBS Group. La toiture est surmontée d’une énorme tour de radiodiffusion remontant à l’époque de la diffusion analogique. Le support de l’édifice étant assuré par une ossature de colonnes et de poutres, il n’a pas été nécessaire de construire des parois intérieures, et l’espace ainsi dégagé se prête à de multiples usages. Grâce à la rénovation ultérieure du bâtiment, la surface au sol est passée de 18 000 à 21 900 mètres carrés, ce qui entérine la pertinence du concept de Métabolisme.
Photographie prise le 7 juillet 2016
Tôkôen
- Conception : Kikutake Kiyonori (1928-2011)
- Emplacement : Yonago, préfecture de Tottori
- Construction : 1964
Ce centre d’hébergement se trouve dans la célèbre station thermale de Kaike, sur le littoral de la mer du Japon. Tôkôen a été conçu comme un ajout moderne à une auberge existante. La salle d’hébergement du dernier étage, qui repose sur six piliers géants, fait penser au shinden (salle de la divinité) d’un sanctuaire shintô. Chacun des piliers principaux est soutenu par une solide ossature de colonnes et de poutres, ce qui confère à l’édifice en béton armé une allure de construction traditionnelle en bois. Le concepteur, Kikutake Kiyonori était un membre fondateur du mouvement métaboliste.
Photographies prises le 9 septembre 2016
Bâtiment administratif du sanctuaire d’Izumo
- Conception : Kikutake Kiyonori
- Emplacement : Izumo, préfecture de Shimane
- Construction : 1963
Ce bâtiment, qui abritait les services administratifs du sanctuaire d’Izumo, a été construit en remplacement de l’édifice en bois qui le précédait et qui avait été détruit par un incendie en 1953. La structure est ornée de motifs représentant les râteliers utilisés par les paysans pour sécher les gerbes de riz après la récolte. Ce magnifique édifice était constitué de deux énormes piliers reliés par une traverse de quarante mètres de long. Divers procédés modernes, tels que l’usage du béton armé pour garantir la résistance au feu, ont certes été utilisés dans sa construction, mais ses concepteurs ont voulu qu’il soit en harmonie avec son site ancien et la terre sacrée sur laquelle il se dresse. Le bâtiment a malheureusement été démoli en novembre 2016.