Hommage à William Eugene Smith, le photographe qui a révélé au monde la tragédie de Minamata

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Doi Emiko [Profil]

Au début des années 1970, le photojournaliste américain William Eugene Smith a joué un rôle capital dans la lutte contre la pollution industrielle en révélant au monde la tragédie de Minamata, une petite ville du littoral de la préfecture de Kumamoto, au sud-ouest du Japon. Le réalisateur américain Andrew Levitas lui a consacré un film intitulé Minamata (sorti en 2020) où il est incarné par Johnny Depp. Dans les lignes qui suivent, nous rendons hommage à ce personnage hors norme avec l’aide du photographe japonais Ishikawa Takeshi qui a été son assistant de 1971 à 1974, pendant les trois années où il résidé à Minamata.

L’arrivée providentielle de William Eugene Smith à Minamata

William Eugene Smith en train de photographier l’usine pétrochimique Chisso, du haut des collines qui dominent la baie de Minamata. (Photo prise en 1971)
William Eugene Smith en train de photographier l’usine pétrochimique Chisso, du haut des collines qui dominent la baie de Minamata. (Photo prise en 1971)

En septembre 1971, W. Eugene Smith et son épouse Aileen Mioko se sont installés à Minamata où ils ont vécu trois ans. Ils ont été rejoints par le photographe japonais Ishikawa Takeshi qui a travaillé avec eux en tant qu’assistant. Le jeune homme avait rencontré le photojournaliste américain en 1971, par le plus grand des hasards. Il avait tout juste terminé ses études au Tokyo College of Visual Arts (École des arts visuels de Tokyo) et habitait le quartier de Harajuku, dans la capitale japonaise. Lorsqu’un jour, il a aperçu W. Eugene Smith en personne dans la rue. Il n’avait eu aucun mal à le reconnaître du fait que sa photographie figurait dans l’un de ses manuels. Ishikawa Takeshi venait par ailleurs de voir une exposition personnelle intitulée Let Truth Be the Prejudice (Donnons la préférence à la vérité) qui lui était consacrée et l’avait fortement impressionné. Prenant son courage à deux mains, il s’est approché du célébrissime photojournaliste et s’est présenté à lui comme un photographe en herbe. Les deux hommes ont aussitôt engagé la conversation. Ishikawa Takeshi était loin d’imaginer qu’il passerait les trois années suivantes à Minamata en tant qu’assistant de son interlocuteur. « Tout ce qui compte dans ma vie, à commencer par la photographie et le jazz, je l’ai appris de lui », avoue-t-il sans hésiter. Ce « tout » inclut aussi la conception de la photographie de W. Eugene Smith qui entendait se servir du huitième art comme d’une « petite voix », voire d’une arme pour défendre ses idées et changer la société. « La première fois où je l’ai rencontré, dans la rue, je n’avais pas d’autre ambition que de gagner ma vie en prenant des photographies. Mais maintenant, je suis toujours en train de me demander ce que je peux faire [pour l’humanité] en tant que photographe. »

William Eugene Smith et son épouse Aileen dans la  maison  de Minamata que leur avait loué la famille Mizoguchi, elle-même victime de la pollution au mercure provoquée par l’usine pétrochimique Chisso (Photo prise en 1972)
William Eugene Smith et son épouse Aileen dans la  maison  de Minamata que leur avait loué la famille Mizoguchi, elle-même victime de la pollution au mercure provoquée par l’usine pétrochimique Chisso. (Photo prise en 1972)

William Eugene Smith et son épouse Aileen Mioko Smith en train de dîner dans la salle de séjour de leur maison de Minamata. Ils portent l’un et l’autre la veste japonaise ouatée (dotera) utilisée traditionnellement par les Japonais en hiver. (Photo prise en 1972).
William Eugene Smith et son épouse Aileen Mioko Smith en train de dîner dans la salle de séjour de leur maison de Minamata. Ils portent l’un et l’autre la veste japonaise ouatée (dotera) utilisée traditionnellement par les Japonais en hiver. (Photo prise en 1972)

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Rédactrice, éditrice et coordinatrice à Nippon.com. Elle a auparavant travaillé pour le bureau de Tokyo du groupe de presse américain spécialisé dans les journaux et les publications Internet Knight Rider (racheté en 2006 par l’entreprise de presse écrite américaine McClatchy Company).

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