[Diaporama] Le Tôhoku — physionomie, habitants, us et coutumes
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Arrêt sur image sur l’histoire et la physionomie du Tôhoku d’avant le 11 mars
Depuis le mois de mars 2012, l’exposition de photographies « Le Tôhoku – physionomie, habitants, us et coutumes » (organisée par la Fondation du Japon), présentée d’abord à Pékin en Chine puis à Rome en Italie, parcourt le monde entier. A travers quelque 120 œuvres de 19 photographes japonais, l’objectif est de montrer l’histoire, la physionomie, les traditions et le quotidien des habitants du Tôhoku, la région qui occupe le nord-est de l’île principale du Japon, Honshû.
Les photographies présentées sont l’œuvre de Chiba Teisuke, Kojima Ichirô, Haga Hideo, Naitô Masatoshi, Ôshima Hiroshi, Lin Meiki, Tatsuki Masaru, Sendai Collection, Tsuda Nao et Hatakeyama Naoya (9 photographes et un collectif). L’éventail est large, des villages d’agriculteurs photographiés par Chiba et Kojima dans les années 50 et 60 aux fêtes et coutumes traditionnelles immortalisées par Haga, Naitô et Tatsuki, en passant par l’histoire personnelle d’Ôshima et de Hatakeyama, surimposée aux paysages de leur région natale, sans oublier la splendide nature du Tôhoku capturée par l’objectif de Lin, la quête des origines de l’esprit japonais à laquelle se livre Tsuda à travers les vestiges de l’ère Jômon ou encore la série de « Paysages sans nom » de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, œuvre des artistes du collectif Sendai Collection, sous la direction d’Itô Tôru. Et la période couverte est longue, des clichés de Chiba et Kojima dans les années 1940-60 aux photographies postérieures à l’an 2000 prises par Tatsuki, Tsuda et Hatakeyama. Toutes dessinent néanmoins un visage largement méconnu du Tôhoku.
Les images d’après la catastrophe, volontairement écartées
Le facteur décisif à l’origine de cette exposition est bien entendu, la catastrophe qui a frappé le nord-est du Japon le 11 mars 2011. Un séisme de magnitude 9, immédiatement suivi d’un puissant tsunami, a provoqué des dommages sans précédent, faisant près de 20 000 morts et disparus. De plus, le grave accident survenu dans la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, dont le système de refroidissement a été privé d’alimentation électrique, a contraint de nombreux habitants à fuir leur domicile.
Immédiatement après la catastrophe, le nom des préfectures les plus durement touchées – Iwate, Miyagi et Fukushima – et celui de nombre d’autres lieux du Tôhoku ont été fréquemment cités dans les médias. Mais si les dégâts ont fait l’objet de reportages détaillés, l’histoire du Tôhoku et la vie de ses habitants, en revanche, ont quasiment été passées sous silence.
L’exposition « Le Tôhoku – physionomie, habitants, us et coutumes » tente de combler le vide qui s’est fait entre l’état d’urgence provoqué par le séisme et le tsunami et le quotidien d’avant. Au fil de la sélection des œuvres, le choix d’ajouter des clichés montrant l’ampleur des dommages liés au 11 mars s’est évidemment présenté. Cependant, nous avons décidé d’exclure les images d’après la catastrophe. Comme je l’ai dit, les images des zones sinistrées ont déjà été largement diffusées, dans les journaux, les revues, sur internet, et il ne nous a pas semblé nécessaire d’en ajouter de nouvelles. Une autre raison est que nous souhaitions, dans cette exposition, mettre en avant la dimension historique du Tôhoku, en d’autres mots, ses origines.
Une région où vivent encore les traditions de la culture Jômon
C’est ainsi qu’est apparu le poids qu’occupe encore la culture Jômon dans le paysage spirituel et culturel du Tôhoku. La culture Jômon s’est épanouie il y a entre 15 000 et 3 000 ans, quand nos ancêtres, vivant principalement de la cueillette et de la chasse, fabriquant des poteries aux motifs « cordés » caractéristiques et détenteurs d’une spiritualité particulièrement riche, se sont fixés dans l’Archipel. La région du Tôhoku est celle où la culture Jômon s’est le plus solidement enracinée, mais, considérée ensuite comme une région où le développement avait pris du retard, elle a été placée sous la coupe du gouvernement central.
Pourtant, les traditions de la culture Jômon, nourries de la communion avec les entités surnaturelles et dont le dynamisme vital s’exprime à travers la fabrication de poteries et l’organisation de rites religieux, apparaissent parfaitement intégrées dans le quotidien des habitants de la région du Tôhoku.
Devant les œuvres des photographes qui participent à cette exposition, cet esprit de Jômon semble se manifester sous diverses formes. C’est bien sûr le cas des photographies des rites populaires prises par Haga Hideo et Naitô Masatoshi, mais cette tradition reste vivace aussi dans les scènes du quotidien capturées par Ôshima Hiroshi et Hataketama Naoya, ainsi que dans les splendides et mystérieux paysages — dignes de ceux qui s’offraient sans doute aux yeux des Japonais de la période Jômon — immortalisés par Lin Meiki et Tsuda Nao. Un sentiment qui s’est confirmé tout au long de la préparation de cette exposition.
Le « Tôhoku », terre de confins et de la possibilité d’une renaissance culturelle
A y bien réfléchir, le nom de « Tôhoku », littéralement « le nord-est », est extrêmement suggestif. Il souligne le fait qu’il s’agit des confins, à une certaine distance de la politique et de la culture du centre.
En ce sens, le « Tôhoku » ne désigne pas seulement une région du Japon, mais peut être considéré comme un concept universel. Le « Tôhoku » de l’Europe, c’est la Russie, et le « Tôhoku » de la Russie, c’est la Sibérie. Lorsque le centre s’homogénéise sous la poussée de la globalisation et sombre dans la sclérose, le « Tôhoku » se pose au contraire en possibilité de redynamiser une riche culture faite de communion et d’assimilation avec la nature.
Ce projet d’exposition a constitué, pour moi qui suis originaire de l’arrondissement de Miyaginoku à Sendai, dans la préfecture de Miyagi, une expérience chargée d’émotions. Par chance, ma mère et mes sœurs ont réchappé de la catastrophe et la maison familiale n’a subi pratiquement aucun dommage, mais le tsunami a approché jusqu’à quelques petits kilomètres et elles ont vraiment frôlé le pire. Parmi les photographes exposés, certains, comme Hatakeyama Naoya, originaire de Rikuzen-Takata dans la préfecture d’Iwate, ont vu leur maison natale emportée par le tsunami et ont perdu leurs proches. Malgré tout, ils continueront sans doute à prendre des photographies, à produire des œuvres. J’espère du fond du cœur qu’à travers leur travail, de nombreuses personnes découvriront le potentiel du « Tôhoku ».
Texte : Iizawa Kotaro (critique photographique)
Coopération : Fondation du Japon
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