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Dormir dans un château japonais, ou comment déclencher une nouvelle vague de tourisme

Tourisme

Amano Hisaki [Profil]

Le Japon a levé les limitations appliquées au tourisme, mettant ainsi fin à plus de deux ans d’isolement national. Nouvelle flèche dans le carquois de l’industrie du tourisme, les « séjours au château » visent désormais les riches visiteurs étrangers, en leur proposant des expériences uniques en vue d’accroître le marché et de stimuler la relance à l’échelle régionale.

Un modèle fondé sur le concept du parador espagnol

Aujourd’hui au Japon, il est possible de trouver un hébergement dans quelques unes des plus célèbres tours de château yagura ou donjons tenshu. L’Agence de tourisme du Japon (JTA, d’après le sigle anglais), pour sa part, cherche d’autres propriétés à subventionner, dans le cadre d’une politique visant à utiliser des biens historiques tels que les châteaux et les temples pour des séjours touristiques.

En Europe, il existe de nombreux châteaux où les touristes peuvent séjourner. En Espagne, on compte près de 100 bâtiments du patrimoine culturels connus sous le nom de paradors — châteaux, palais et monatères — qui, réaménagés en établissements hôteliers et gérés par l’État, constituent une ressource touristique essentielle. Ces établissements, qui associent services d’accueil haut de gamme et attractions touristiques de premier plan, hébergent chaque année quelque 1,4 million de visiteurs, et figurent parmi les destinations touristiques les plus prisées du pays.

Une version japonaise, inspirée du modèle européen mais davantage axée sur le luxe, a vu le jour. Le prototype en a été le château de Hirado (à Hirado, préfecture de Nagasaki), qui a proposé à titre d’essai des séjours d’une nuit en mai 2017. Plus tard, en septembre 2019, le bureau du Transport du district du Tôhoku, rattaché au ministère du Territoire, des Infrastructures, du Transport et du Tourisme, a invité Manlio Cadelo, ambassadeur au Japon de la République de Saint Marin, et son épouse à séjourner dans la tour en bois du château de Shiroishi, dans la préfecture de Miyagi.

L’ambassadeur de Saint Marin au Japon Manlio Cadelo, accompagné de son épouse, porte une armure de samouraï lors de son séjour au château. (Kyodo)
L’ambassadeur de Saint Marin au Japon Manlio Cadelo, accompagné de son épouse, porte une armure de samouraï lors de son séjour au château. (Kyodo)

Avoir le sentiment d’appartenir à la noblesse pour un million de yens la nuit

Ce n’est qu’un début, mais il existe actuellement deux châteaux qui proposent un hébergement : le château de Hirado ci-dessus mentionné et celui d’Ôzu (à Ôzu, préfecture d’Ehime).

Le château d’Ôzu s’est lancé dans ce secteur d’activités en juillet 2020, pendant la pandémie, en hébergeant 11 couples au cours de la période qui va jusqu’en octobre 2022. Ouvert de mars à novembre, il accueille un maximum de 30 couples par an (il ne reçoit pas les personnes voyageant seules). À la date d’aujourd’hui, le château a reçu des demandes en provenance d’une douzaine de couples d’étrangers, motivés en partie par le déclin rapide de la valeur du yen.

Le château d’Ôzu doit sa forme actuelle aux fortifications dont il a fait l’objet au début de l’époque d’Edo (1603-1868). Le donjon principal tenshu, démoli en 1888, a été reconstruit en bois en 2004. Les hôtes sont hébergés dans une chambre à coucher du rez-de-chaussée de la tour. (© Value Management)
Le château d’Ôzu doit sa forme actuelle aux fortifications dont il a fait l’objet au début de l’époque d’Edo (1603-1868). Le donjon principal tenshu, démoli en 1888, a été reconstruit en bois en 2004. Les hôtes sont hébergés dans une chambre à coucher du rez-de-chaussée de la tour. (© Value Management)

Le prix de base est de 550 000 yens par personne et par nuit (3 900 euros). La publicité du château, « vivez comme un seigneur pour un million de yens », fait référence au tarif minimum appliqué pour deux hôtes (six au maximum peuvent être hébergés). Outre les locaux d’hébergement dans la tour, les hôtes peuvent bénéficier d’un repas luxueux dans la tour de guet adjacente et d’un petit déjeuner dans une salle privée de la villa Garyû Sansô, située à proximité, élevée elle aussi au statut de bien culturel national important.

« Nous avons fixé le tarif à un million de yens pour attirer l’attention, » dit Yoshida Satoru, de Value Management, la société qui gère les projets de séjour, « après quoi nous avons conçu des services et des expériences à la hauteur de ce prix. Du fait de la pandémie de Covid-19, nous n’avons reçu jusqu’ici que des hôtes japonais. Nombre d’entre eux se sont étonnés du tarif — qu’ils trouvaient trop bas, aussi surprenant que cela puisse paraître, allant jusqu’à se demander s’il nous permettait de couvrir nos frais. »

Les traditions locales et la bonne préservation du paysage urbain, explique Yoshida, sont les critères qui ont présidé à la conception de l’activité. « L’attention que nous lui avons accordée a favorisé la reconnaissance d’Ôzu. Tant et si bien que l’expérience va bien au-delà d’un simple séjour dans un hôtel de luxe. Nous souhaitons que nos hôtes, japonais comme étrangers, comprennent dès avant leur arrivée que ce séjour dans le joyau de la ville leur donne l’occasion de participer aux efforts consentis en vue d’utiliser, préserver et transmettre un bien culturel. »

Le séjour au château commence à 17 heures, après la fermeture du site au public. L’entrée débute avec une mise en scène de l’arrivée de Katô Sadayasu, le premier seigneur d’Ôzu, venu de la province de Yonago en 1617. (© Value Management)
Le séjour au château commence à 17 heures, après la fermeture du site au public. L’entrée débute avec une mise en scène de l’arrivée de Katô Sadayasu, le premier seigneur d’Ôzu, venu de la province de Yonago en 1617. (© Value Management)

Des résidants locaux, chargés d’accueillir des hôtes lors de la cérémonie d’ouverture, jouent le rôle de membres de l’escadron de la salve, et une conque marine résonne avant l’annonce de l’arrivée de l’hôte, le « seigneur du jour ». (© Value Management)
Des résidants locaux, chargés d’accueillir des hôtes lors de la cérémonie d’ouverture, jouent le rôle de membres de l’escadron de la salve, et une conque marine résonne avant l’annonce de l’arrivée de l’hôte, le « seigneur du jour ». (© Value Management)

Suite > L’esthétique classique du château de Hirado

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Amano HisakiArticles de l'auteur

Né à Akita en 1961, Amano Hisaki est diplômé de l’université Waseda (département d'économie de la faculté des sciences politiques et économiques) et de l’université pour étrangers de Pérouse (département langue et culture italiennes). Il a travaillé une vingtaine d’années comme journaliste sportif au Mainichi Shimbun avant de devenir traducteur et rédacteur freelance.

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