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L’île de Gunkan-jima, un « haikyo » figé dans le temps

Tourisme Histoire

Située près de Nagasaki, l’île de Gunkan-jima est célèbre en tant que haikyo (廃虚), c’est à dire une structure laissée à l’abandon en milieu urbain. Un tour-opérateur propose aux visiteurs d’observer ces ruines de près et en apprendre sur leur histoire.

Le charbon qui a contribué à l’industrialisation du Japon

Située à 18,5 kilomètres au sud-ouest du centre-ville de Nagasaki, l’île de Hashima est également appelée Gunkan-jima (« l’île des cuirassés »), un surnom qui lui vient de sa ressemblance avec le cuirassé Tosa de l’ère Taishô (1912-1926).

La nature a repris ses droits sur l’île laissée à l’abandon depuis la fermeture de sa mine de charbon en 1974, plongeant les bâtiments au cœur de la végétation, à la manière du célèbre anime des studios Ghibli Le château dans le ciel, suscitant l’intérêt des personnes curieuses des haikyo (des structures abandonnées en milieu urbain).

Les bâtiments abandonnés comme blottis les uns contre les autres surplombent les falaises de Hashima.
Les bâtiments abandonnés comme blottis les uns contre les autres surplombent les falaises de Hashima.

Initialement, Hashima était un récif, complètement dépourvu de végétation. Et en 1890, le conglomérat Mitsubishi, fondé par Iwasaki Yatarô, en a fait un lieu d’exploitation des gisements de charbon sous-marins. Ces ressources alimentent notamment l’usine sidérurgique Yawata de la préfecture de Fukuoka, exploitée par le gouvernement, contribuant ainsi de manière significative à la prospérité de Mitsubishi et à la modernisation du Japon. Cercle vertueux : la demande accrue de charbon amène davantage de travailleurs avec leurs familles sur l’île. Celle-ci a même dû être agrandie à plusieurs reprises, au point de multiplier sa superficie par trois.

Travailleurs à la mine (© Musée numérique de Gunkan-jima)
Travailleurs à la mine (© Musée numérique de Gunkan-jima)

Festival sur l’île afin de prier pour la sécurité des travailleurs dans la mine de charbon. (© Musée numérique de Gunkan-jima)
Festival sur l’île afin de prier pour la sécurité des travailleurs dans la mine de charbon. (© Musée numérique de Gunkan-jima)

Année après année, Mitsubishi a eu recours aux dernières technologies en matière de génie civil et de construction, permettant de développer l’infrastructure de cette petite île isolée, loin de tout. Et l’île de Hashima a été le témoin de nombreuses premières dans l’histoire : premier immeuble d’habitation de sept étages en béton armé au Japon (achevé en 1916) et premier réseau d’eau sous-marin (1957). Pendant la période faste de croissance économique d’après-guerre, plus de 30 appartements en béton armé ont été construits, ainsi que des écoles, un cinéma, un salon de pachinko, un temple bouddhiste et un sanctuaire shintoïste. À partir de 1910, des cultures ont été plantées sur les toits des appartements, annonciateur du style de villes compactes modernes que nous connaissons aujourd’hui.

Des espaces verts sur toit, une première au Japon (© Musée numérique de Gunkan-jima)
Des espaces verts sur toit, une première au Japon (© Musée numérique de Gunkan-jima)

Le vrombissant marché d’Aozora (© Musée numérique de Gunkan-jima)
Le vrombissant marché d’Aozora (© Musée numérique de Gunkan-jima)

En 1960, alors à son apogée, avec une superficie totale d’environ 6,3 hectares, l’île abritait une population de plus de 5 200 habitants, une densité démographique, à l’époque, bien supérieure à celle de Tokyo ou même de New York ! Le niveau de vie y était élevé ; par exemple, la plupart d’entre eux possédaient un téléviseur, contre seulement 10 % des foyers dans l’ensemble du pays à l’époque.

Pendant le boom économique, le Japon a peu à peu délaissé le charbon pour le pétrole et le gaz naturel, devenus principales sources du bouquet énergétique nippon. Le charbon de l’île étant principalement utilisé pour la production d’acier, la demande est tout de même restée élevée. Mais tout cela, c’était jusqu’en 1964, année où un incendie a provoqué l’inondation du puits de mine principal. Se heurtant à la difficulté de construire une nouvelle mine, Mitsubishi a estimé que le charbon ne pouvait plus être exploité en sécurité sur l’île. La mine de charbon de Hashima, bien que toujours rentable, fut fermée en janvier 1974, entraînant en avril de la même année la désertification de l’île.

Fête d'adieu organisée par les derniers élèves de l'école primaire sur l'île (© Musée numérique de Gunkan-jima)
Fête d’adieu organisée par les derniers élèves de l’école primaire sur l’île (© Musée numérique de Gunkan-jima)

Hashima, peu à peu tombée dans l’oubli, refait parler d’elle au début des années 2000. En 2001, elle devient la propriété de la ville de Nagasaki, et en 2008, consécration, elle est inscrite sur la liste de proposition de sites du patrimoine mondial de l’Unesco. En 2009, les premières visites grand public sont organisées. Les photos prises sur place ne tardent pas à stimuler l’imagination d’un grand nombre, de la jeune génération en particulier. Des images y ont été capturées pour le film Skyfall (2012), et c’est également sur l’île qu’a été tourné le film japonais en prises de vues réelles L’Attaque des Titans en 2015, renforçant davantage encore sa notoriété auprès du grand public. En juillet 2015, l’île a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial en tant que site de la Révolution industrielle de Meiji : le fer et l’acier, la construction navale et l’extraction du charbon.

Visite guidée du patrimoine de la Révolution industrielle de Gunkan-jima

En 2024, la série télévisée japonaise The Sleeping Diamond in the Sea (« Le diamant endormi dans la mer ») a été tournée sur l’île. L’intrigue se déroule pendant les années de boom économique. Au fil des années, Hashima a suscité un intérêt croissant dans le cœur de nombreux visiteurs, à tel point que cinq entreprises proposent maintenant de partir à la découverte de ses mille et un mystères.

Ci-dessus : le bateau de croisière affrété par Gunkanjima Concierge. Le pont supérieur offre des vues à couper le souffle et une boutique de souvenirs pour le grand bonheur des visiteurs. Ci-dessous : dans la cabine des passagers, des écrans montrent des images du patrimoine mondial de Nagasaki, avec des sous-titres en anglais. (© Gunkanjima Concierge).
Ci-dessus : le bateau de croisière affrété par Gunkanjima Concierge. Le pont supérieur offre des vues à couper le souffle et une boutique de souvenirs pour le grand bonheur des visiteurs. Ci-dessous : dans la cabine des passagers, des écrans montrent des images du patrimoine mondial de Nagasaki, avec des sous-titres en anglais. (© Gunkanjima Concierge).

Gunkanjima Concierge présente sa croisière comme une visite guidée du patrimoine de la révolution industrielle de la région de Nagasaki. Deux bateaux partent chaque jour depuis le terminal Tokiwa, situé à proximité de Glover House, une résidence occidentale qui appartient au même groupe de sites du patrimoine mondial. À bord, les passagers peuvent voir la plus ancienne grue électrique en activité au Japon (datant de 1909), une salle de réception de style occidental (1904) utilisée pour accueillir les invités japonais et étrangers, ainsi que d’autres installations du chantier naval Mitsubishi Heavy Industries Nagasaki, qui n’est pas ouvert au public. La bateau passe par une autre île, Takashima, où Thomas Glover (qui a construit Glover House) a contribué à l’exploitation d’une mine de charbon, rachetée plus tard par Mitsubishi. La traversée dure 40 minutes mais les visiteurs, écoutant attentivement les explications fournies par le guide, ne voient pas le temps passer.

À gauche : la grue cantilever géante de 62 mètres de haut.  À droite : le bâtiment de style occidental Senshôkaku domine le port de Nagasaki. (© Nippon.com)
À gauche : la grue cantilever géante de 62 mètres de haut. À droite : le bâtiment de style occidental Senshôkaku domine le port de Nagasaki. (© Nippon.com)

La porte d'eau verte (au centre droit) mène aux docks de construction et de réparation navales, relique du patrimoine de la Révolution industrielle. (© Nippon.com).
La porte d’eau verte (au centre droit) mène aux docks de construction et de réparation navales, relique du patrimoine de la Révolution industrielle. (© Nippon.com).

Enfin, au large, voici Gunkan-jima. Construite en pierre à l’ère Meiji, l’île a été renforcée plus tard par une digue en béton de 15 mètres. Cette digue ainsi que le puits de mine, qui descend à 1 000 mètres sous la mer, forment la zone tampon qui protège ce site du patrimoine mondial.

Ci-dessus : à droite au premier plan, l'installation d'amarrage. Le phare au sommet de la colline érigé après que l'île a peu à peu été désertée.  Ci-dessous : vue de la digue ; endommagée par une mer très agitée, elle révèle une partie de l'ancienne armature en pierre. (© Nippon.com).
Ci-dessus : à droite au premier plan, l’installation d’amarrage. Le phare au sommet de la colline érigé après que l’île a peu à peu été désertée. Ci-dessous : vue de la digue ; endommagée par une mer très agitée, elle révèle une partie de l’ancienne armature en pierre. (© Nippon.com).

La visite de l’île commence au quai et emmène les visiteurs vers certaines des installations minières. (© Gunkanjima Concierge).
La visite de l’île commence au quai et emmène les visiteurs vers certaines des installations minières. (© Gunkanjima Concierge).

La visite dure entre 40 et 50 minutes. Les touristes parcourent avec le guide environ 220 mètres jusqu’à l’emplacement des anciennes installations minières. Là, ils voient l’entrée du puits de mine, où un ascenseur emmenait les mineurs à 600 mètres sous terre, et le bureau principal, qui disposait d’une salle de bain commune pour les mineurs, avant de visiter le Bloc d’appartements 30, le plus ancien immeuble d’habitations en béton armé construit au Japon. Mais accusant le poids des années, il risque de s’effondrer à tout moment. Ces bâtiments, témoins du temps qui passe sont saisissants, surtout lorsqu’ils sont vus de près.

Ci-dessus : l'ancien bureau principal, à gauche, près de l'entrée du puits de mine à droite. Ci-dessous : visite guidée et explications devant le Bloc d'appartements 30. (© Gunkanjima Concierge)
Ci-dessus : l’ancien bureau principal, à gauche, près de l’entrée du puits de mine à droite. Ci-dessous : visite guidée et explications devant le Bloc d’appartements 30. (© Gunkanjima Concierge)

L’accès à l’ancienne zone résidentielle est interdit au grand public en raison du risque d’effondrement des bâtiments. Il arrive que de fortes vagues empêchent les bateaux d’accoster, les contraignant à faire le tour de l’île. De retour sur la terre ferme, les visiteurs se remémorent ce qu’ils ont vu sur place.

Lorsque le bateau ne peut pas accoster, il fait le tour de l'île, une occasion pour les passagers de voir le côté ouest. (© Nippon.com).
Lorsque le bateau ne peut pas accoster, il fait le tour de l’île, une occasion pour les passagers de voir le côté ouest. (© Nippon.com).

Visite virtuelle des ruines

La visite guidée proposée par Gunkanjima Concierge comprend une entrée pour le Musée numérique de Gunkan-jima. Situé à peine cinq minutes de marche du terminal naval, l’endroit est parfait pour les visiteurs qui veulent enrichir leurs connaissances de l’île avant ou après la visite.

Ci-dessus : sur quatre étages, le musée dispose également d'un café. Ci-dessous : galerie de photos d'un ancien habitant de l'île qui a vécu dans le Bloc d'appartements 30 en 1972. (© Nippon.com).
Ci-dessus : sur quatre étages, le musée dispose également d’un café. Ci-dessous : galerie de photos d’un ancien habitant de l’île qui a vécu dans le Bloc d’appartements 30 en 1972. (© Nippon.com).

Ci-dessus : modèle d'un immeuble d'habitations avec cultures sur toit. Ci-dessous : intérieur d'appartement type de la fin des années 1950. (© Nippon.com)
Ci-dessus : modèle d’un immeuble d’habitations avec cultures sur toit. Ci-dessous : intérieur d’appartement type de la fin des années 1950. (© Nippon.com)

Le musée a su conserver toute une série de documents donnés par d’anciens habitants de l’île, ainsi qu’une vaste exposition numérique. Une section de réalité virtuelle utilisant des images de drones permet même aux visiteurs d’admirer les ruines de la ville vues du haut. Ceux qui n’ont pas la possibilité de se rendre sur l’île peuvent se plonger dans l’atmosphère des lieux grâce au musée et au Glover Garden situé à proximité.

Dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant du haut à gauche : reconstitution en 3D de Gunkan-jima après la fermeture de la mine ; « Road to the Coal Mining Point » (ou chemin vers la mine de charbon), une expérience reconstituée du trajet en ascenseur puis en chariot jusqu’à l’endroit où était extrait le charbon ; « Wonder Island » (île merveilleuse), exposition interactive qui s'illumine lorsqu'une ombre y est projetée. (© Nippon.com).
Dans le sens des aiguilles d’une montre, en partant du haut à gauche : reconstitution en 3D de Gunkan-jima après la fermeture de la mine ; « Road to the Coal Mining Point » (ou chemin vers la mine de charbon), une expérience reconstituée du trajet en ascenseur puis en chariot jusqu’à l’endroit où était extrait le charbon ; « Wonder Island » (île merveilleuse), exposition interactive qui s’illumine lorsqu’une ombre y est projetée. (© Nippon.com).

En collaboration avec le gouvernement municipal de Nagasaki, Gunkanjima Concierge souhaite proposer des visites spéciales de la zone résidentielle de l’île en 2025. Les bâtiments des appartements, témoins du développement du Japon au début de l’ère moderne et de sa période faste, subissent chaque jour un peu plus les affres du temps. La visite de ces ruines est donc une occasion précieuse et unique.

Le paysage de l’île, en perpétuelle évolution (© Gunkanjima Concierge)
Le paysage de l’île, en perpétuelle évolution (© Gunkanjima Concierge)

Pour de plus amples informations sur les visites et les réservations, rendez-vous sur le site officiel de Gunkanjima Concierge.

(Reportage, texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : © Gunkanjima Concierge)

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