Symbole de force vitale, divinité protectrice de l’eau, pourvoyeur de richesse
Les cultes dédiés aux serpents en tant que divinités ou qui les considèrent comme des messagers divins existent un peu partout dans le monde. La croyance que les serpents apportent jeunesse éternelle et longévité ou incarnent les espoirs de renouveau se fonde le fait qu’ils hibernent et qu’ils muent.
Au Japon, de nombreux échantillons de poterie de la période Jômon (env. 10 000-300 av. J.C.) sont ornés de motifs de serpent, ce qui indique qu’une forme de croyance liée à ces reptiles existait dès cette époque. Dans l’histoire telle que nous la connaissons, les serpents (hebi en japonais) ont été vénérés en tant que divinités de l’eau, et plus particulièrement des sources, étant donné qu’ils vivent dans des zones marécageuses.

Sculpture représentant Ugajin disposée devant le sanctuaire Bentendô du quartier de Ueno, à Tokyo. (Pixta)
À l’époque de Nara (710-794), la croyance dans le serpent en tant que divinité de l’eau allait de pair avec le culte rendu à Benzaiten, la divinité protectrice du bouddhisme, qui avait beaucoup de similitudes avec Saraswati, déesse des rivières en Inde. A partir du Moyen-âge, Benzaiten et Ugajin, la divinité serpent, qui avaient la réputation d’apporter chance et récoltes abondantes, ont été considérées comme une seule et même entité, et appelées toutes deux déesses de la richesse.
Les sanctuaires dédiés aux serpents sacrés sont présents sur tout le territoire japonais. La visite de l’un d’entre eux est susceptible d’apporter la prospérité au cours de l’année à venir.

De nombreux sanctuaires dédiés aux serpents, qui sont liés au culte de la divinité de l’eau, disposent de récipients dans lesquels on peut procéder à un lavage rituel de l’argent. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Hebikubo)
Le sanctuaire Ômiwa
(Sakurai, préfecture de Nara)

Les chroniques anciennes font souvent référence à la belle forme conique du mont Miwa. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Ômiwa)
Dans les temps anciens, Sakurai, dans la préfecture de Nara, était le siège de la cour impériale. Les chroniques historiques Kojiki et Nihon shoki présentent les pentes escarpées du mont Miwa comme la résidence des divinités (kami). Le sanctuaire Ômiwa, dédié à la vénération de la montagne elle-même, passe pour le plus ancien sanctuaire shintô encore debout et continue de célébrer un culte à la nature comme on le faisait avant l’arrivée du bouddhisme au Japon.
Selon la tradition, la divinité qui y est enchâssée, Ômononushi, est un joli petit serpent vénéré en tant que kami de l’industrie, de la médecine et de la préparation du saké. Le sanctuaire attire des fidèles en provenance de tout le territoire nippon.

Le pavillon de culte du sanctuaire, reconstruite au XVIIe siècle, a été élevée au rang de Bien culturel important. La montagne toute entière est vénérée comme étant la divinité, si bien qu’il n’y a pas de sanctuaire principal. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Ômiwa)
Le cèdre Minokami-sugi se dresse en face du pavillon de culte. La croyance veut que l’arbre héberge un serpent incarnant la divinité enchâssée. Les fidèles déposent souvent des œufs, qui ont la réputation d’être l’aliment favori du serpent, dans l’intention d’obtenir la faveur divine.
La ville de Sakurai, site de plusieurs autres temples, sanctuaires, et anciennes ruines dignes d’intérêt, espère figurer à l’avenir sur la liste des sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Arrivés ici, dans le berceau de la nation, les visiteurs peuvent sans aucun doute se faire une idée de la vie qu’on menait jadis.

Le serpent blanc enroulé autour du cèdre Minokami-sugi est surnommé Mi-san. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Ômiwa)
Le sanctuaire Kanahebisui
(Iwanuma, préfecture de Miyagi)

Un cours d’eau descend de la montagne située derrière le sanctuaire. (© Shibuya Nobuhiro)
Le sanctuaire Kanahebisui, enfoui dans une forêt profonde, se trouve à 30 minutes de train et de taxi du centre de Sendai, la ville principale de la région du nord-est. L’histoire de l’origine du sanctuaire est originale :
Sanjô Munechika, un talentueux fabricant d’armes vivant au XXe siècle à Heian-kyô (aujourd’hui Kyoto) se vit demander de fabriquer un sabre pour l’empereur Ichijô. Alors qu’il parcourait le pays en quête de l‘eau pure nécessaire à la fabrication des épées, il installa une forge au bord d’un cours d’eau dédié au culte d’une divinité de l’eau. Mais le coassement des crapauds du voisinage perturbait sa concentration, et ses épées étaient défectueuses. Un jour, il déposa l’effigie d’’un serpent dans une rizière et le coassement s’arrêta sur le champ. Munechika réussit alors à fabriquer une belle épée, grâce à la bénédiction de la divinité, et il offrit un serpent en métal au sanctuaire en gage de sa gratitude. Le kana figurant dans le nom du sanctuaire Kanahebisui dérive du mot kane (acier).

En haut : jamon, fétiches en pierre censés apporter la chance en ce qui concerne l’argent. En bas à gauche : offrandes votives Kanahebisama. En bas à droite : serpent blanc tenant dans sa gueule un omikuji, ou feuille de papier à usage divinatoire. (© Shibuya Nobuhiro)
L’objet vénéré au sanctuaire Kanahebisui est l’effigie de serpent créée par Munechika. Au cours du millénaire qui s’est écoulé entre-temps, le lieu est devenu populaire auprès des fidèles en tant que protecteur de la richesse, de la force et de la vitalité. Dans l’enceinte de l’édifice, des pierres décorées de motifs de serpents ajoutent une touche de mystère.
La structure ajoutée dans le cadre de la rénovation des abords du sanctuaire effectuée en 2020 lui donne aujourd’hui une apparence contemporaine. Le long toit de bois qui recouvre le chemin menant à Kanahebisui coiffe un édifice moderne abritant une aire de repos, un café et une galerie d’art, propices à la diversité de l’expérience offerte aux visiteurs.

Les visiteurs peuvent faire une pause à la terrasse du café. (© Shibuya Nobuhiro)
Le sanctuaire Hakuja Benzaiten
(Môka, préfecture de Tochigi)

Une source sacrée qui nettoie les péchés et les impuretés sourd dans l’enceinte du sanctuaire. (© Shibuya Nobuhiro)
Le sanctuaire Hakuja Benzaiten se trouve à 8 minutes de marche de la gare de Kugeta, sur la ligne de chemin de fer locale Môka. En pénétrant dans l’enceinte, les visiteurs risquent d’être interloqués par les grandes sculptures de serpents enroulés disposées de part et d’autre du chemin d’accès au sanctuaire. Ces serpents blancs, messagers des kami, sont les gardiens du lieu.

L’une des sculptures de serpent, disposée en face de la salle de culte. (© Shibuya Nobuhiro)
Le sanctuaire, dont l’origine remonte à 500 ans, partage une divinité tutélaire avec le célèbre sanctuaire Itsukushima de Miyajima, à Hiroshima. Construit à proximité d’un étang, il regorge de sources naturelles et de verdure, et la rumeur veut que l’étang du sanctuaire hébergeait jadis un serpent blanc.
Une petite chute d’eau baptisée Zeniarai égrène ses gouttes derrière le pavillon de culte. Son eau, censée propice à la santé et à la richesse, attire les visiteurs désireux d’y laver leurs billets de banque et pièces de monnaie. Tout un assortiment de souvenirs du sanctuaire, allant des amulettes en forme de lanières ornées d’un motif de serpent aux tablettes votives ema et aux tampons encreurs du sanctuaire est offert au choix des visiteurs.
Durant les week-ends, la ligne de chemin de fer Môka propose un service spécial de locomotive à vapeur. Voyager dans un train tracté par une locomotive émettant des nuages de vapeur constitue une expérience palpitante pour tout le monde, que l’on soit ou non un amateur de chemin de fer. La ligne passe aussi par Mashiko, ville de poterie, ce qui incite encore davantage à visiter le sanctuaire.

Gauche : la chute d’eau Zeniarai, où l’on procède au lavage de l’argent (Pixta). Droite : Le tampon encreur du sanctuaire représentant un serpent blanc (© Shibuya Nobuhiro).
Le sanctuaire Iwakuni Shirohebi
(Iwakuni, préfecture de Yamaguchi)

Les janome, motifs enroulés en « œil de serpent », et les représentations de serpents abondent dans l’enceinte du sanctuaire. (Pixta)
En dépit du lien étroit existant entre le culte rendu à la divinité de l’eau et les serpents blancs, la présence de ces reptiles n’a été observée qu’en peu d’endroits. Au nombre de ceux-ci figure l’est de la préfecture de Yamaguchi, qui héberge une espèce de serpent blanc, élevée au rang de Trésor naturel, qui n’est pas le fruit d’une mutation spontanée. A l’époque d’Edo (1603-1868), on disait que de tels serpents protégeaient les greniers du clan Iwakuni contre les souris.
Ces serpents blancs, de concert avec la divinité Benzaiten, sont vénérés dans de petits sanctuaires disséminés dans la ville. Selon les croyances religieuses locales, le sanctuaire Iwakuni Shirohebi a été construit en 2012 pour accueillir la divinité vénérée au sanctuaire Itsukushima, situé en face, de l’autre côté de la baie de Hiroshima. Dans le nouveau sanctuaire, le serpent blanc est un messager des kami et ne fait pas en lui-même l’objet d’un culte.

Les représentations de serpents abondent. Celle-ci se trouve à la vasque de purification chôzuya. (Pixta)
Les touristes peuvent voir des serpents blancs dans un établissement ouvert à la visite. Ils peuvent aussi se rendre au Centre de ressource Shirohebi et au Musée Iwakuni Shirohebi voisin du sanctuaire, et marcher jusqu’au célèbre pont Kintai situé à proximité.

On peut voir des serpents blancs vivants au Musée Iwakuni Shirohebi. (Pixta)
Le sanctuaire Hebikubo
(Shinagawa, Tokyo)

Après s’être recueilli dans le pavillon de prière, les visiteurs peuvent aller voir le sanctuaire Hakuja Benzaiten situé au cœur de l’enceinte. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Hebikubo)
Tokyo a aussi des sanctuaires associés aux serpents. Un quartier de Shinagawa était jadis appelé Hebikubo, et bien que ce sanctuaire dédié au culte du serpent soit formellement connu sous le nom de sanctuaire Tenso, on l’appelle familièrement sanctuaire Hebikubo. On l’a fondé au XIVe siècle afin de remercier les kami qui y sont enchâssés pour la pluie qu’ils apportent après une longue sécheresse.
La croyance veut qu’un serpent blanc ait jadis vécu dans l’enceinte du sanctuaire, mais que la sécheresse l’ait privé de ce domicile. Les villageois, qui rêvaient que le serpent souhaitait revenir, ont creusé une mare et enchâssé la divinité Benzaiten à proximité. Ce lieu est le sanctuaire Hakuja Benzaiten situé derrière le pavillon principal du sanctuaire, où les fidèles prient pour obtenir la réussite en affaires, un heureux mariage ou la guérison d’une maladie.

En haut : la vasque de lavage de l’argent de Hebikubo Seisui, où les gens espèrent être chanceux avec l’argent. En bas : le monument au serpent blanc, censé apporter la force vitale lorsqu’on le touche. (Avec l’aimable autorisation du sanctuaire Hebikubo)
Le sanctuaire Hebikubo vend toute une gamme d’amulettes omamori, dont une en particulier est vendue un jour de fête célébré tous les 60 jours. Ce jour-là, les rues commerçantes locales proposent aussi des aliments et des événements associés aux serpents blancs, ce qui fait de ce jour un moment propice à la visite du sanctuaire.

Avec ses éclairages publics en forme de serpent, la rue commerçante menant au sanctuaire adopte elle aussi le thème du serpent. Le serpent blanc est en outre une mascotte locale. (© Shibuya Nobuhiro)
(Photo de titre : Pixta)