Le sanctuaire Shimogamo de Kyoto : un patrimoine mondial et sa forêt millénaire
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Aoi matsuri, le grand festival du sanctuaire Shimogamo
À l’image du festival de Gion ou de celui de Jidai, le festival Aoi est l’un des trois grands festivals de Kyoto. Cet évènement, mettant à l’honneur les sanctuaires Shimogamo et Kamigamo, se tient depuis 1 500 ans et jouit d’un certain prestige, car il se trouve que des messagers impériaux y sont envoyés depuis la période Heian (745-1185).
Tenu chaque année le 15 mai, le festival comprend une procession de bateaux et de chars colorés, ainsi qu’un cortège de 500 personnes parées de vêtements d’époque, accompagnant la vedette de l’évènement, la Saiô-dai, depuis le palais impérial jusqu’aux deux sanctuaires.
Une plongée dans un complexe de sanctuaires
Les sanctuaires Shimogamo et Kamigamo, connus sous le nom de « Kamosha », étaient les sanctuaires titulaires du clan Kamo, qui vivait en amont de la rivière du même nom. Le sanctuaire Shimogamo, situé en aval de la rivière, lui, est consacré aux ancêtres de ce clan.
Selon ses archives, le sanctuaire Shimogamo aurait été fondé avant l’ère chrétienne. En effet, des vestiges de rituels datant de la période Jômon (10 000 - 300 av. J.-C.) ont été retrouvés dans la forêt primaire de Tadasu, attenante au sanctuaire, ne laissant aucun doute sur la longue histoire de celui-ci en tant que site de pratiques cérémoniales. Toute la zone est un site historique national : elle fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994 en tant que « Monuments historiques de l’ancienne Kyoto ».
Étant l’un des plus importants de Kyoto, le sanctuaire Shimogamo a beaucoup à offrir tant en termes de paysages que de faveurs divines. Selon la légende, la divinité principale, Kamo-taketsunumi, se serait transformée en Yatagarasu, un corbeau mythique à trois pattes qui protégerait des mésaventures et des accidents de circulation. L’oiseau aurait guidé le premier empereur du Japon, Jinmu, dans son expédition militaire à travers le Yamato (actuellement correspondant à la préfecture de Nara). Kamo-taketsunumi est sacralisée avec sa fille, Tamayori-hime, qui est elle-même la mère de Kamo-wakeikazuchi, la déité principale du sanctuaire Kamigamo, associée aux enfants et aux accouchements.
Les sanctuaires des deux déités sont érigés côte à côte. Leurs toits à l’architecture traditionnelle, recouverts de bardeaux d’écorces de cyprès du Japon, sont profondément allongés sur la face avant. Ces structures, où l’on prépare les offrandes aux dieux, ne sont généralement pas ouvertes au public mais peuvent être visitées à certaines périodes de l’année.
Le complexe du sanctuaire comprend 53 structures désignées Biens culturels importants. En plus du pavillon principal, la porte Rômon et le maidono, une scène dédiée à la danse Kagura, se distinguent particulièrement.
On observe que certaines salles de culte disposent de piliers porteurs qui, au lieu d’être enterrés, sont posés sur des dalles de pierre. Cette méthode de construction était probablement pratiquée afin de faciliter le démantèlement et la reconstruction des structures lors du rituel Shikinen Sengû, qui se tient tous les 21 ans, et ce depuis plus d’un millénaire.
Le complexe s’étend sur 124 000 m2 et comprend plusieurs sanctuaires auxiliaires. Les visiteurs s’y rendent pour se ressourcer auprès des nombreux arbres sacrés et des eaux bénites, sans oublier de se procurer des amulettes et autres porte-bonheurs.
Les sept mini-sanctuaires Kotosha
Le Kotosha consiste en sept mini-sanctuaires alignés dans le pavillon principal. Les divinités vénérées en ces lieux sont la manifestation de la déité fondatrice, Ôkuninushi, sous différents noms. Elles sont les protectrices des signes du zodiaque chinois et en représentent chacune un ou deux.
Une variété fascinante d’amulettes sont en vente dans la boutique du plus large sanctuaire, à gauche de la porte Chûmon. Les amulettes brodées d’argent ou faites en crêpe de soie promettent l’accomplissement des rêves et la bonne fortune. Elles sont particulièrement populaires auprès de la gent féminine. D’autres, comme celles en denim, attirent plutôt les hommes.
Trois sanctuaires auxiliaires
Le sanctuaire Inouesha
Le sanctuaire Inouesha, à l’est de la porte Chûmon, préserve des désastres. On dit que la personne qui trempe ses pieds dans le bassin Mitarashi qui lui fait face, le jour du Bœuf à la fin juillet, se voit protégée des épidémies. Le bassin sert également à la Saiô-dai avant le festival Aoi matsuri en tant que lieu de purification.
Par ailleurs, les très populaires Mitarashi dango, boulettes de riz cuites à la vapeur dans une sauce sucrée et servies sur des piques, sont originaires du sanctuaire Shimogamo. Elles seraient inspirées des bulles provenant de la source alimentant le bassin analogue.
Le sanctuaire Aioisha
Le sanctuaire auxiliaire Aioisha, proche de la porte Rômon, est dédié à une divinité associée aux relations amoureuses, aux grossesses et naissances sans encombre ainsi qu’aux relations familiales harmonieuses. Un arbre sacré sakaki aux troncs enlacés attire les gens recherchant les bonnes ondes dans leur quête du partenaire idéal.
Le sanctuaire Kawai
Le sanctuaire Kawai est le sanctuaire auxiliaire le plus au sud du complexe. La divinité sanctifiée ici est la mère de l’empereur Jinmu, réputée pour sa magnificence. Elle est vénérée en tant que protectrice des femmes, mais aussi des mariages, des naissances, de la grossesse et de la beauté.
On trouve suspendues dans ce sanctuaire des tablettes ema en forme de miroir à main. Les acheteurs dessinent un visage sur les tablettes pré-décorées et inscrivent leur vœu sur l’autre côté. Ce qui leur donnerait, dit-on, un meilleur teint. Le riz distribué à l’achat d’une de ces tablettes vous promet lui aussi la beauté (autant intérieure qu’extérieure !), une fois que vous l’aurez mélangé à votre riz ordinaire.
La forêt millénaire de Tadasu
La forêt de Tadasu (Tadasu no mori, « la forêt de la justice ») est peuplée d’arbres ayant des centaine d’années et couvre une grande partie du domaine du sanctuaire. La végétation composée entre autres de zelkovas mais aussi de micocouliers de Chine (Celtis sinensis) est restée pratiquement la même depuis la période Jômon. Elle abrite des oiseaux, en particulier des canards sauvages, mais aussi des insectes tels que des scarabées en critique danger d’extinction.
Cet espace vert a été longtemps source d’inspiration pour des figures littéraires. Le Dit du Genji inclut une scène où le prince Genji, quittant le palais impérial pour s’exiler après une accusation infondée, composa un poème exprimant son espoir que « la forêt se rende compte que la justice n’a pas été rendue ». Le poète et essayiste du XIe siècle, Kamo no Chômei, fils du prêtre du sanctuaire Kawai et auteur de Notes de ma cabane de moine, prêchait dans ses travaux les eaux limpides s’écoulant à travers la forêt. La paisible ambiance de ce lieu offre calme et inspiration à quiconque s’y promène.
Une petite pause chez Saruya
La maison de thé Saruya est idéale pour faire une pause tout en appréciant les paysages saisonniers, avec le sarumochi en pâtisserie phare. Cette gourmandise est une sorte de boulette dont la peau rose clair est farcie de pâte de soja, rappelant le ciel aux tons orangés de l’aube. Le soja provient de la région de Tanba, qui faisait autrefois partie du domaine du sanctuaire. Jusqu’à peu, les sarumochi étaient offerts aux messagers impériaux venant visiter le sanctuaire quelques jours avant le festival Aoi.
Le thé nature quant à lui accompagne merveilleusement le sarumochi. Il est lui aussi préparé à partir du soja de la région de Tanba et était à l’origine servi aux prêtres avant les cérémonies religieuses. On lui accorde des vertus médicinales.
Sanctuaire Shimogamo
- Adresse : 59 Shimogamo Izumigawachō, Sakyō-ku, Kyoto
- Accès : Depuis la gare JR Kyoto, prendre le bus de ville numéro 4 en direction de « Nishigamo Shakomae » et descendre à l’arrêt « Shimogo Jinja », adjacent au sanctuaire.
- Horaires : de 6 h 30 à 17 h 00 (de 10 h 00 à 16 h 00 pour les visites spéciales); Maison de thé Saruya : de 10 h 00 à 16 h 30
- Frais : gratuit (500 yens pour les visites spéciales telles que Oidono, Okuruyama ou le sanctuaire Kawai)
(Reportage, texte et photos de Edit Plus)