Quand gourmandise rime avec plaisir
La cuisine tokyoïte : le marché extérieur de Tsukiji connaît un regain de popularité
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Les visiteurs sont de retour !
Le personnel de l’office de tourisme Plat Tsukiji, à Tokyo, est tout sourire ces jours-ci, occupé par la reprise des flux de visiteurs dans l’emblématique marché extérieur de Tsukiji. « Au plus fort de la crise sanitaire, nous n’avions qu’une poignée de visiteurs tous les jours, explique un membre du personnel. Comparé à cela, nous accueillons maintenant trois ou quatre cents personnes quotidiennement, nous avons beaucoup de travail. »
Avec le recul de la pandémie, les touristes, beaucoup en provenance de l’étranger, se dirigent à nouveau vers Tsukiji. Plat Tsukiji pense que cette affluence est due à la réouverture du pays après une longue période de restrictions et à l’influence des réseaux sociaux qui attirent les clients vers les adresses populaires du marché.
Une des adresses les plus connues : Yamachô et ses omelettes roulées à la japonaise, les tamagoyaki. Situé juste en face de Plat Tsukiji, les visiteurs n’hésitent pas à faire la queue pour déguster un kushidama, un des casse-croûtes les plus populaires du marché. Les ventes ont explosé grâce au retour en force des voyageurs étrangers, pour qui Yamachô est une étape incontournable dans leur excursion à Tsukiji. Au cours d’une journée habituelle, le magasin vend l’intégralité de sa production quotidienne, soit 2 000 omelettes.
Double coup dur pour le tourisme
Après le déménagement du marché intérieur de vente au gros de Tsujiki à Toyosu en 2018, le marché extérieur, composé de détaillants et de grossistes ouverts au public, a lancé une campagne publicitaire pour faire savoir qu’il opérait toujours et ne serait pas déplacé.
À l’origine, le marché intérieur avait remplacé le marché aux poissons de Nihonbashi, détruit lors du Grand tremblement de terre du Kantô en 1923. Le nouveau marché avait été construit sur un terrain appartenant au gouvernement, avec une opération de vente en gros de fruits et légumes ajoutée en 1935. Officiellement appelé « marché central de gros de Tsukiji à Tokyo », il était plus simplement connu sous le nom de Tsukiji. La zone nord-est du site était auparavant le cimetière du temple Tsukiji Hongan-ji, mais les tombes ont été déplacées après le séisme. Des magasins vendant du poisson, des fruits de mer et des ustensiles de cuisine, ainsi que des restaurants pour les travailleurs du marché intérieur se sont installés dans cette zone libérée, créant ce que l’on appelle aujourd’hui le marché extérieur de Tsukiji.
Contrairement au marché intérieur, ouvert uniquement au commerce de gros, le marché extérieur s’adresse à tout le monde, proposant du poisson et des fruits de mer frais, des ingrédients séchés essentiels à la cuisine japonaise et des fournitures pour restaurants. Le quartier a rapidement attiré la curiosité du grand public, qui s’y pressait surtout en fin d’année pour acheter des spécialités des fêtes du Nouvel An. À partir des années 1980, le marché extérieur est aussi devenu une destination populaire auprès des visiteurs étrangers, grâce en partie à la popularité grandissante des sushis à l’étranger.
Avec le transfert du marché intérieur à Toyosu en octobre 2018, les entreprises du marché extérieur craignaient que le déménagement fasse diminuer leur clientèle. Mais l’arrondissement de Chûô, où se trouve Tsukiji, a pris des mesures pour conserver la vitalité du marché, en construisant notamment Tsukiji Uogashi, un nouvel établissement où se sont installés une soixantaine de commerces, pour beaucoup opérés par des distributeurs intermédiaires basés à Toyosu. Tsukiji Uogashi est prisé par les acheteurs ordinaires à la recherche de poissons ou de fruits de mer de saison de la meilleure qualité, ainsi que par les restaurateurs pour qui Toyosu est situé trop loin. Cette nouvelle installation attire aussi les visiteurs étrangers, qui s’y rendent après avoir fait du shopping ou après un spectacle de kabuki au théâtre Kabuki-za, dans le quartier avoisinant de Ginza.
Cependant, la pandémie de Covid-19 a gravement affecté le tourisme. Les quelque 500 magasins du marché extérieur ont vu leurs ventes chuter avec le tarissement du flux de visiteurs, et les mesures contre le coronavirus les ont forcés à réduire leurs heures d’ouverture, contraignant beaucoup à mettre la clé sous la porte.
Des queues se forment dès le petit matin
Depuis l’automne 2022 et l’assouplissement des restrictions d’entrée sur le territoire japonais, le marché extérieur connaît une augmentation constante du nombre de visiteurs étrangers. Aidé aussi par la faiblesse du yen, les voyageurs, qui ont souvent déjà visité le Japon par le passé, se dirigent vers les boutiques les plus en vogue sur les réseaux sociaux. À l’approche de la saison du Nouvel An, au grand soulagement des commerçants, le marché extérieur était bondé et animé comme jamais.
En effet, au cours des dernières années, le marché extérieur connaissait une baisse significative de la circulation piétonne début janvier, après les premières enchères de l’année du marché intérieur. Cette tendance s’est maintenant complètement inversée, avec un nombre de visiteurs encore plus important que lorsque le marché intérieur était à Tsukiji.
Le retour des visiteurs dans le marché extérieur a entraîné un changement de clientèle dans de nombreux magasins établis de longue date. Pour les restaurants populaires de la rue Monzeki comme Yamachô, Kitsuneya et ses donburi ou Wakaba et ses râmen, leur clientèle consistait auparavant de travailleurs du marché et de personnes habitant ou travaillant dans les entreprises du quartier. Mais aujourd’hui, les visiteurs japonais et étrangers accourent à ces adresses, attirés par les revues publiées sur les réseaux sociaux.
Même à la boutique locale de boulettes de riz Marutoyo sur la rue Namiyoke, de longues files d’attente, mélanges de touristes et d’employés de bureau, se forment dès le petit matin. La boutique propose 40 sortes d’onigiri, le plus populaire étant le « shake harasu » (ventre de saumon). Elle vend chaque jour des centaines de boulettes de riz et de tekkamaki, des maki au thon.
Une bouchée de sashimi frais ?
Les petites assiettes de sashimi et les mini bols de riz garnis de fruits de mer font partie des plats les plus populaires du marché extérieur. Habituellement, les commerces affiliés à des grossistes intermédiaires vendent aux restaurateurs, mais comme leurs affaires étaient en chute libre pendant la pandémie, ils ont réorienté leur activité. Ils sont désormais davantage axés vers les consommateurs généraux, et certains, lorgnant sur le commerce lucratif du tourisme, ont commencé à attirer des clients avec des petits plats savoureux qui peuvent être dégustés dans la rue.
Saitô Suisan, spécialiste des produits haut de gamme comme le thon rouge, le sébaste, la dorade rouge, l’oursin et le kegani (variété de crabe de Hokkaidô), a longtemps été un fournisseur pour les restaurants et les bars à sushis. Mais dernièrement, il s’est mis à proposer différents types de sashimi en petites portions, que les visiteurs peuvent rapidement savourer avec une touche de sauce soja et du wasabi. De longues files de gourmets patientent tous les jours devant la boutique.
Le gérant de Saitô Suisan explique que les petits plats permettent aux visiteurs de déguster une variété de poissons délicieux tels que le thon, la dorade rouge et la sériole à petit prix, chaque plat étant proposé à 500 yens (3,2 euros).
Le magasin de fruits de mer Aeya vend également des petites portions de sashimi pour 500 yens. Le week-end, il propose des bols de fruits de mer débordant des meilleurs ingrédients. Parmi les autres plats succulents, on trouve les nigiri-zushi à base de thon, d’oursin et de dorade rouge, ou encore des poissons pêchés dans la baie de Tokyo comme le congre et le kohada (alose tachetée).
Les fruits, autres stars du marché
Le marché extérieur de Tsujiki vaut également le détour pour d’autres produits que les fruits de mer. Les fruits japonais sont connus pour leur qualité et ils sont présents à Tsukiji : on croise beaucoup de visiteurs achetant des paquets de fruits, comme des fraises mûres. Tsukiji n’est peut-être pas communément associé aux fruits, mais l’ancien marché intérieur possédait un département de fruits récoltés dans tout le pays, qui a depuis été transféré à Toyosu.
En avril, Yamashô Shôten, qui s’approvisionne en fraises depuis Toyosu, a commencé à vendre une variété de fraises blanches appelées Yuki Usagi, ou « lapin d’hiver », une spécialité de la préfecture de Saga. Apparaissant comme enrobées de lait concentré, elles ont une saveur agréablement acidulée. Ici aussi, les clients peuvent déguster des fraises et du melon juteux coupés en portions individuelles.
Et même du bœuf japonais
D’autres produits intéressants abondent. La boutique Aji no Hamatô est connue pour ses variétés de surimi, fait à base de pâte de fruits de mer haché et de saikyô-zuke, du poisson mariné dans du miso sucré du style de Kyoto. Le satsuma-age ou le morokoshi-age, des gâteaux de poisson ou de maïs, sont parfaits pour être mangés sur place. Une autre adresse, Fuji Ham Shôkai, fait griller du bœuf wagyû sur place, emplissant l’air de son odeur alléchante toute la journée.
Autrefois, les clients venaient généralement au marché extérieur de Tsukiji pour manger ou pour acheter des produits alimentaires à emporter chez eux. De nos jours cependant, la démarcation est moins nette, car les gens se promènent en grignotant après avoir fait des courses pour des ingrédients ou des souvenirs. L’atmosphère du marché extérieur a changé au cours des dernières années, les visiteurs s’intéressant désormais à essayer toutes sortes de nourritures. Il est courant de voir des acheteurs se promener en mangeant du sashimi, des gâteaux de poisson, des onigiri ou encore des bols de fruits de mer, choisissant plus tard un dessert entre boulettes sucrées et divers fruits.
Un responsable d’une association locale émet toutefois une mise en garde : alors que le marché extérieur prospère comme jamais auparavant, la hausse du nombre de visiteurs suscite des inquiétudes sur les problèmes de forte affluence et les détritus. En collaboration avec les autorités locales, l’association s’efforce de garantir à tout un chacun une expérience sûre et agréable dans le marché extérieur de Tsukiji.
(Photo de titre : plusieurs variétés de sashimi, ainsi que des oursins et des huîtres, exposées à Saitô Suisan. Toutes les photos sont de Nippon.com)
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