Allons voir les festivals japonais !
Des festivals japonais hauts en couleur : d’une saison à l’autre, des prières pour protéger l’existence
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Des festivals pour protéger l’existence humaine
Au Japon, les diverses religions sont depuis des temps immémoriaux ouvertes aux influences extérieures, le shintô, animiste, coexistant voire se fondant, avec le bouddhisme. Les traditions rendent hommage à la fois aux esprits qui peuplent le monde naturel mais également à ceux d’ancêtres disparus. Même les esprits diaboliques assoiffés de vengeance ont parfois été vénérés en raison de leur force en tant que kami protecteurs (divinités) capables de prévenir des maladies telles que la peste et les catastrophes naturelles.
Traditionnellement, les fidèles prient non seulement pour le kami sur terre mais également pour les esprits et divinités qui sont de passage selon les périodes. Les différents festivals qui ont lieu tout au long de l’année rythment le cycle des saisons et sont tout autant d’occasions pour prier pour de généreuses récoltes que pour implorer la protection contre les différents fléaux qui menacent l’existence.
Dans différentes régions, les représentations et performances exécutées en l’honneur des kami lors de ces festivals ont développé leur propre style. Les épaules des porteurs ploient sous le poids des mikoshi, les sanctuaires portatifs, et parcourent les rues de la ville. Des chars appelés dashi font souvent partie de processions où chacun revêt des habits traditionnels pour l’occasion, un spectacle divertissant à coup sûr pour les kami tout autant que pour la population locale.
Ko-Shôgatsu : la prière du « petit Nouvel An »
Après avoir fait ses adieux aux toshigami (divinités du Nouvel An), le Ko-Shôgatsu (littéralement « petit Nouvel An ») est l’occasion de s’adonner à des rituels, qui augureront, du moins l’espérait-on, de récoltes abondantes au cours de l’année à venir. Généralement, il a lieu autour du 15 janvier, mais cette date peut parfois varier en fonction de l’ancien calendrier lunaire. Ces prières peuvent prendre différentes formes selon les régions. Dans la région du Tôhoku (nord-est), les participants effectuent des secchû-taue, qui consistent à « planter » du riz ou des bottes de céréales dans les champs encore recouverts de neige, comme s’il s’agissait de rizières. À Tokyo, même si l’idée de riziculture est toujours présente, ce rite est très différent ; le sanctuaire Tokumaru Kitano (arrondissement d’Itabashi) organise une célèbre cérémonie appelée taasobi, au cours de laquelle des scènes avec des tambours taiko sont érigées dans les rizières pour célébrer la plantation de riz.
Dans la préfecture nordique d’Aomori des agriculteurs exécutent une danse appelée enburi. Les danseurs d’un jour plantent des outils agricoles en forme de perche, appelés eburi, dans le sol gelé. Il s’agit de libérer les démons piégés dans la terre pour ainsi inaugurer le printemps. Un festival similaire a lieu dans la préfecture de Kagoshima, au sud du Kyûshû, pourtant à l’autre extrémité de l’Archipel. Lors d’une cérémonie appelée Harameuchi, des enfants chantent et martèlent le sol avec des bâtons. Là encore, les participants prient pour des récoltes abondantes et la fertilité des jeunes mariés.
Setsubun : chasser les ogres oni
Le rite du Setsubun a généralement lieu le 3 février. En japonais, ce terme est composé de l’idéogramme 節 (setsu), qui signifie « saison ». Initialement, il marquait le changement de saison, mais aujourd’hui, il désigne plutôt le jour précédant le Risshun, le jour de l’arrivée du printemps, selon le calendrier traditionnel. Ce changement s’explique probablement par la pratique du célèbre rituel mamemaki, ou lancer de haricots.
Au Japon, on croyait traditionnellement que les esprits maléfiques de la peste et des catastrophes naturelles faisaient plus facilement leur apparition au moment des changements de saison. Les fidèles s’adonnent au rituel mamemaki d’un bout à l’autre du Japon lors du Setsubun au printemps, lors duquel les enfants chassent les démons (ou ogres) en jetant des haricots sur leurs yeux grands ouverts. Il s’agit en fait d’une prière pour rester en sécurité et en bonne santé.
Au printemps, des prières pour d’abondantes récoltes
Lorsque les fleurs sont en pleine floraison, peu avant la saison des pluies tsuyu, le moment de plantation du riz est célébré à l’occasion de festivals appelés taue. De nombreux participants arborent à cette occasion des motifs de fleurs aux couleurs criardes, une tradition qui serait vieille de plus de 2 000 ans ! La floraison du printemps était perçue comme de bon augure, promesse de récoltes abondantes en automne. Au sanctuaire Ôi Hachimangû à Yaizu, dans la préfecture de Shizuoka, se tient le festival Fujimori no Taasobi, où les jeunes participants portent des couronnes fleuries de plus d’un mètre de haut, dansent et prient en chantant hanayo, saki, hirake (Ô fleur, éclos et ouvre-toi).
Autrefois, l’agriculture s’articulait autour des liens au sein d’une communauté d’un village, tout comme les festivals. Tout le groupe travaille main dans la main en chantant des chansons pour la plantation des semis et en remerciant les dieux kami qui protègent les champs. Les saotome, ces femmes qui plantent du riz dans les rizières submergées d’eau, sont une image emblématique de la campagne japonaise.
Protéger les champs de la peste à la saison des pluies
Avec l’arrivée de la saison des pluies à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, les agriculteurs s’adonnent à des rituels appelés mushi-okuri, dans l’espoir de chasser les parasites de leurs cultures. Dans l’est du Japon, traditionnellement, les agriculteurs donnent à leurs bottes de paille l’apparence de gros insectes, afin d’attirer les nuisibles sur les chemins entre les champs, puis les brûlent ou les jettent dans la rivière ou à la mer.
Dans l’ouest du Japon, ce rituel est lié à l’histoire de Saitô Sanemori, un général du clan Heike. Pendant la Guerre de Genpei (1180-1185), Sanemori trouva la mort lorsque son cheval trébucha sur de la paille. « Je deviendrai un parasite et je hanterai ces rizières » furent ses dernières paroles. Aujourd’hui encore, les agriculteurs perpétuent la tradition en défilant dans les rizières, transportant une poupée à l’effigie de Sanemori, juchée sur un cheval de paille. Ils espèrent ainsi chasser les insectes et les esprits.
En été, éloigner les esprits porteurs de maladies
Au Japon, les étés sont chauds et humides, des conditions propices à la prolifération des bactéries. Autrefois, les maladies étaient donc fréquentes, mais beaucoup pensaient que les âmes des morts étaient à l’origine de ces pathologies. C’est pourquoi de nombreux festivals avaient lieu dans le but de chasser ces esprits.
Le plus vieil exemple de ces croyances est le Gion matsuri, à Kyoto. Il a eu lieu pour la première fois au IXe siècle, alors que la peste faisait de nombreuses victimes dans l’Archipel. Initialement, les participants avaient pour coutume d’ériger 66 lances décorées, une pour chaque région du Japon à l’époque, et un sanctuaire portatif mikoshi pour la divinité de la peste Gozu Tennô était emmené en pèlerinage hors du sanctuaire Gion (aujourd’hui sanctuaire Yasaka) pour prier pour la sécurité du pays tout entier. Au fil des siècles, les lances ont laissé place à de magnifiques chars appelés yamahoko, aujourd’hui élément central du festival le plus élégant du pays.
Les festivals de feux d’artifice qui se déroulent en été ont eux aussi la même origine. Ils ont d’abord eu lieu car beaucoup croyaient qu’ils permettaient d’éviter les catastrophes naturelles. Le plus ancien feu d’artifice du Japon est celui du fleuve Sumida à Tokyo. qui date de l’ère Kyôhô (1716-1736), autre période où la peste faisait rage au Japon. Des feux d’artifice étaient allumés le long du fleuve pour apaiser les esprits et chasser les maladies.
Dans la région du Tôhoku, les festivals d’été semblent être l’occasion pour les habitants de laisser s’exprimer toute l’énergie qu’ils ont accumulée au cours des longues journées d’hiver. Des festivals tels que le Nebuta matsuri d’Aomori et le Hanagasa matsuri de Yamagata sont particulièrement connus pour leurs danses et leurs défilés remarquables. Ils attirent des visiteurs de tout le Japon.
Remercier les dieux pour les récoltes abondantes
Traditionnellement, pendant la saison des récoltes d’automne, les habitants offrent les premiers épis de riz en guise de remerciement et prient pour une récolte tout aussi généreuse l’année suivante. Le Niiname-sai est un rituel si ancien qu’il est mentionné dans le Nihon shoki, chronique historique du Japon datant de 720.
Les mikoshi et les chars transportant les kami défilent tout autour des rizières avant et pendant la récolte, afin de montrer les nouveaux épis verts et les vieux épis de riz séchés par le soleil brûlant. Lors du Kawagoe matsuri, dans la préfecture de Saitama, 29 chars magnifiquement décorés défilent dans les rues de Kawagoe. Chargée d’histoire, cette ville est connue sous le nom de « Petite Edo ». L’été est vraiment la saison la plus animée de l’année au Japon pour les festivals.
Raviver l’esprit en hiver
En hiver, comme pour faire leurs adieux aux divinités qui regagnent leurs montagnes, les habitants du villages exécutent des représentations de yokagura. Selon d’anciennes croyances, l’âme humaine serait la plus faible au moment du solstice d’hiver, lorsque les journées sont les plus courtes. Le moment est donc parfait pour raviver l’esprit.
Lors du Tôyama no Shimotsuki matsuri, qui a lieu dans la ville d’Iida, dans la préfecture de Nagano, ou du Hana matsuri dans la région d’Okumikawa, au nord de la préfecture d’Aichi, les participants jouent une pièce appelée Yudatekagura, au cours de laquelle les visiteurs sont aspergés d’eau bouillie dans une marmite, symbole du souffle des kami. L’esprit s’en trouverait renforcé, ce qui serait de bon augure pour l’année à venir.
Note : les dates indiquées pour les festivals correspondent aux jours où ils ont habituellement lieu.
(Photo de titre : le festival Sannô matsuri au sanctuaire Hie, également connu sous le nom de Festival de printemps de Takayama, dans la ville du même nom, dans la préfecture de Gifu, les 14 et 15 avril. Lors de cet événement les participants portent 12 chars laqués à trois niveaux, dont 3 sont réservés pour la représentation de marionnettes karakuri. Photos © Haga Library, sauf mentions contraires)