Quand gourmandise rime avec plaisir
« Unagi pie » : quand l’anguille se transforme en viennoiserie du soir des Japonais
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De nombreuses villes du Japon ont leur pâtisserie réputée, très populaire comme souvenir à offrir en revenant d’un voyage dans ces régions. C’est le cas d’Hamamatsu, qui n’est pas particulièrement connue pour ces attractions touristiques mais dont la spécialité pâtissière jouit d’une popularité nationale.
En plus d’être une « pâtisserie sucrée à l’extrait d’anguille » originale, l’accroche « viennoiserie du soir » est assez intrigante. À la première bouchée, on découvre une authentique pâte feuilletée à la une texture agréablement croustillante de type « palmier ». Son goût est resté pratiquement inchangé depuis son lancement il y a 60 ans, et il est apprécié par les enfants comme par les adultes.
Le fabricant, Shunka-dô, a ouvert l’Unagi Pie Factory en 2005 pour promouvoir davantage sa pâtisserie phare. Les visites de l’usine sont gratuites, pour découvrir le processus de production des unagi pie, puis déguster des variétés plus pointues au café attenant. Lorsque nous nous sommes rendus à l’usine pour une interview, le concierge nous a fait une visite détaillée, expliquant comment la viennoiserie avait été créée, le processus de fabrication traditionnel et les secrets de sa popularité.
Une viennoiserie créée en s’inspirant du « palmier » français
Shunka-dô fut fondée au milieu de la période Meiji. À l’origine, il s’agissait d’un salon de thé réputé pour son amanatto (haricots confits) dans l’actuelle ville de Fujieda. Le magasin a ouvert à Hamamatsu en 1889, lors de l’ouverture de la ligne Tôkaidô. Après la guerre, le président de l’époque (2e du nom), Yamazaki Kôichi, a voulu créer une confiserie unique à Hamamatsu.
Aujourd’hui, Hamamatsu est une ville industrielle, qui abrite le siège social ou les usines de certains des principaux fabricants japonais d’instruments de musique, dont Yamaha, Kawai Musical Instruments et Roland. C’est aussi à Hamamatsu que se trouve le siège de Suzuki Motor Corporation et le lieu de naissance de Honda. Mais à l’époque, la ville n’était pas très connue. Lorsqu’un voyageur disait qu’il venait de Hamamatsu, ses interlocuteurs inclinaient souvent la tête d’un air de dire : Hamamatsu ? Où ça peut bien être ? Et si l’on expliquait que ça se trouvait près du lac Hamana, on finissait par répondre : « Ah, je vois, les anguilles… » Bref, la pâtisserie a commencé à développer une confiserie en forme d’anguille.
La base qui fut choisie pour créer cette nouvelle pâtisserie était la pâte feuilletée du biscuit que les Français appellent « palmier ». Après de nombreux prototypes pour faire un biscuit qui ait la forme d’une anguille, la forme actuelle fut définitivement fixée. Un autre point essentiel est que la poudre d’anguille incorporée à la pâte est obtenue à partir de têtes et d’arêtes d’anguilles.
Quand une stratégie marketing barrée fait mouche
En 1961, lorsque les unagi pie ont commencé à être vendues dans les kiosques des gares, le succès est venu entre autres de l’originalité du concept. En 1964, le train à grande vitesse Shinkansen Tôkaidô a été inauguré en gare de Hamamatsu, et en 1969, l’autoroute Tômei a été ouverte à la circulation sur son parcours définitif. La croissance des entreprises locales a attiré les voyageurs d’affaires de nombreux fournisseurs, qui ont participé de façon significative à la célébrité de l’unagi pie comme cadeau-souvenir.
L’accroche « viennoiserie du soir » a également contribué à renforcer la popularité du produit. Le président Yamazaki, qui s’inquiétait du fait que le temps passé en famille diminue avec l’entrée des femmes dans la vie active, souhaitait, avec l’unagi pie, favoriser le développement d’un moment agréable après le dîner autour de cette friandise.
D’autre part, les anguilles sont connues pour être un aliment énergisant. Au fur et à mesure que Hamamatsu se développait en tant que ville industrielle et qu’il y avait de plus en plus de monde la nuit, de plus en plus de gens ont commencé à les acheter pour le plaisir, en interprétant le terme « viennoiserie du soir » comme « stimulant énergétique ».
Shunka-dô a pris note de la tendance. S’inspirant du complément alimentaire Mamushi Drink (Boisson énergisante « La Vipère »), très populaire à l’époque, l’emballage est passé du bleu au rouge, noir et jaune, à l’image des eaux du lac Hamana. En effet, le biscuit est pétrie d’extraits d’anguille, riches en vitamine A et efficace pour soulager la fatigue et combattre le coup de pompe de la canicule estivale. Le président Yamazaki a également profité de ce que lui avaient appris des clients, que les pâtisseries ne doivent pas seulement avoir du goût mais aussi une valeur ajoutée. Les ventes ont encore grimpé.
Le travail manuel d’artisans qualifiés et une sauce « Hamamatsu » secrète
Le processus de production est resté quasiment inchangé depuis ses débuts. La pâte est fabriquée uniquement à partir de blé, de beurre, d’eau et de poudre d’anguille. Le processus de fabrication de la pâte, qui nécessite des ajustements délicats en fonction de la température et de l’humidité, est assuré par des artisans qualifiés, et une personne pétrit environ 3,6 tonnes de pâte par jour. Elle est ensuite étalée finement et saupoudrée de sucre avant d’être pliée et repliée jusqu’à atteindre un total d’environ 9 000 couches, créant ainsi une texture croustillante unique.
La cuisson au four a été mécanisée, mais la procédure reste la même. Chaque biscuit est lentement grillé à environ 300°C pendant 10 minutes et, comme pour le kabayaki, une sauce secrète est appliquée au pinceau à la fin. La recette de la sauce est un secret commercial, connu seulement de cinq personnes dans l’usine, où y travaillent plus de 150 employés...
On sait néanmoins qu’il y aurait une petite quantité d’ail. Celui-ci élimine la légère odeur de cru qui subsiste dans l’extrait d’anguille et ajoute sa profondeur gustative.
Le président Yamazaki s’est inspiré des gyôza qui commençaient à devenir populaires lorsqu’il a développé le produit, ce qui l’a conduit à utiliser de l’ail. Hamamatsu est actuellement une « ville du gyôza » aux côtés d’Utsunomiya. La tarte à l’anguille, qui contient des éléments des deux spécialités gastronomiques locales, l’anguille et les gyôza, peut donc se vanter de représenter le véritable goût d’Hamamatsu.
Une fois cuits, ils sont inspectés manuellement, avant d’être ensachés et chargés sur des camions. Environ 200 000 unagi pie sont produits par jour.
D’excellentes friandises à base d’unagi pie
Si l’unagi pie standard est identique à elle-même depuis 60 ans, de nombreuses variantes sont apparues depuis, comme la « mini-unagi pie », l’unagi pie aux amandes ou avec du miel et des noix. L’« unagi pie V.S.O.P. », à base de brandy et de noix de macadamia, est particulièrement recommandée aux adultes. Son slogan est « la viennoiserie de minuit » et elle accompagne parfaitement les boissons alcoolisées.
Après la visite de l’usine, faites une pause en dégustant une friandise à base d’unagi pie. Elles se marient parfaitement avec la crème glacée et les fruits. Et si vous aimez déjà les unagi pie, nous vous recommandons chaudement de visiter l’usine, où vous pourrez découvrir le processus de production et l’histoire de ce biscuit du soir, et déguster des variétés spéciales. Vous deviendrez certainement encore plus accro à leurs charmes secrets.
Unagi Pie Factory
- Adresse : 748-51 Okubô-chô, Nishi-ku, Hamamatsu-shi, Shizuoka-ken
- Heures d’ouverture : 10 h - 17 h 30
- Fermé : mardi et mercredi
- Tarif : gratuit
- Site officiel : https://www.unagipai-factory.jp/
(Reportage, texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : le « camion unagi pie », près de l’usine)