Quand gourmandise rime avec plaisir
L’incontournable pâtisserie « taiyaki » et sa fidèle boutique dévouée depuis plus d’un siècle
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L’encas de tous les Japonais
Sur le petit rideau traditionnel (noren) à l’entrée de l’établissement Naniwaya, dans le quartier tokyoïte d’Azabu-Jûban, est inscrit ganso, « l’original ». Car l’on se trouve effectivement devant la plus ancienne boutique de taiyaki du Japon. Le taiyaki ? Une gaufre en forme de poisson fourrée de pâte de haricots rouges anko. Kanbe Masamori, de la quatrième génération de propriétaires de Naniwaya fondée en 1909, explique que « sur l’échelle de la sophistication, le taiyaki arrive en dernier des gâteaux japonais, mais niveau charme, c’est l’un des meilleurs. »
Le taiyaki peut s’acheter partout, dans les gares aussi bien que dans les centres commerciaux, et les passants peuvent souvent en observer la préparation. Petit en taille mais bourratif, il est aussi bon marché, avec un prix de vente entre 100 et 300 yens la pièce. De nos jours, des variantes proposent des taiyaki fourrés au chocolat, à la crème anglaise ou encore à la patate douce pour titiller les papilles des consommateurs. Certains rajoutent même de la farine de tapioca pour obtenir une croûte de couleur très pâle.
« Je pense que les gens aiment les taiyaki tout simplement parce qu’ils sont chauds », explique Kanbe. « Dans le passé, peu de maisons étaient chauffées en hiver, alors une friandise qui réchauffe un peu le corps n’était pas de refus. »
Et sa forme en poisson ajoutait à son charme.
« Les enfants s’amusaient à faire “nager” leur taiyaki, et les adultes discutaient pour savoir s’il fallait commencer par la tête ou la queue. Celui qui a eu l’idée du taiyaki était vraiment un génie. »
Un air de luxe à petit prix
Le taiyaki est une friandise populaire, mais malgré toutes les théories sur ses origines, il existe peu de réelles références. « La seule chose que je puisse affirmer, c’est qu’il existe depuis plus d’un siècle » dit Kanbe. « Et comme Naniwaya est la plus vieille boutique de taiyaki du pays, on dit que tout a commencé ici-même... »
Les frères qui ont fondé le magasin étaient originaires d’Osaka et lui ont donné l’ancien nom de leur ville, Naniwa. Ils ont commencé par ouvrir deux restaurants à Tokyo, dans les quartiers de Kudan et Nihonbashi. Encore aujourd’hui, le deuxième étage du magasin d’Azabu-Jûban propose du yakisoba (nouilles sautées) et autres collations, ainsi que des desserts traditionnels tels le kakigôri (glace rasée au sirop) et le anmitsu qui est fabriqué à partir de fruits, haricots rouges azuki, et petits cubes de gelée d’agar-agar, le tout recouvert d’un sirop sucré. « Au départ, le taiyaki était proposé comme dessert dans les deux restaurants. On utilisait des moules pour créer des formes variées, comme les gâteaux ronds imagawa-yaki, les kamenoko-yaki en forme de tortue, et même des zeppelin-yaki en forme de dirigeable ! »
De nos jours, les moules utilisés sont souvent des grosses plaques en fonte qui permettent la fabrication de plusieurs taiyaki en même temps. Mais chez Naniwaya, on utilise toujours les moules individuels munis de pinces. Dans le temps, la préférence pour les moules individuels venait du fait que ça permettait de fabriquer des formes différentes, et donc proposer plus de choix aux consommateurs.
Kanbe croit que c’est son nom qui a rendu le taiyaki populaire. « On associe le mot tai (dorade) à medetai, un évènement propice. C’est pour cela que la dorade est souvent assimilée aux fêtes : on continue encore à servir ce poisson à des mariages et autres heureux évènements, et c’est une nourriture de luxe pour les gens du peuple. Je pense que le taiyaki a eu du succès car c’était un moyen peu onéreux de s’associer à quelque chose de chic. »
L’essor du taiyaki et sa clientèle variée
Les fondateurs de Naniwaya avaient le sens des affaires. Ils ont mis en place un système de franchises de 150 magasins dans la capitale, bien que le nombre ait été réduit à l’approche de la Seconde Guerre mondiale. La boutique d’Azabu-Jûban a pris la place de Kudan comme magasin principal vers 1948.
Kanbe est reconnaissant du choix de ce quartier. « Si nous n’étions pas venu nous installer ici, le magasin aurait disparu il y a des années. »
Déjà à l’époque, un restaurant très connu de soba se trouvait juste en face de Naniwaya. Après avoir mangé, les clients s’arrêtaient souvent acheter des gâteaux traditionnels dans les magasins avoisinants, tels que Mamegen ou Kibundô, ou des taiyaki à Naniwaya. Azabu-Jûban est à côté d’un quartier résidentiel chic et la clientèle régulière de Naniwaya comprenait des artistes, sportifs, hommes politiques et hommes d’affaires qui parlaient du magasin autour d’eux.
Par une heureuse coïncidence, une chanson dans un programme télévisé pour enfant en 1975 a déclenché un boom du taiyaki, et Naniwaya a pu gagner en notoriété. La chanson en question, intitulée Oyoge taiyaki-kun (Nage, petit taiyaki) racontait l’histoire d’un taiyaki qui a pris la mer après une querelle avec le vieil homme qui tenait le magasin où il était né.
La version en dessin animé de l’histoire s’est inspiré du père de Kanbe, Morikazu, comme modèle du vieil homme gérant l’établissement. Grâce à la popularité du programme, les gens se sont mis à faire la queue devant le magasin même avant l’ouverture, et tout le monde connaissait le nom de Naniwaya. De nos jours, il existe une dizaine de succursales de Naniwaya à Tokyo, ainsi qu’à Kamakura et Osaka.
De nombreux hommes d’affaires, artistes, et autres comptent parmi les clients réguliers de Naniwaya, ainsi que beaucoup d’étrangers, comme le magasin se trouve à proximité de plusieurs ambassades étrangères. Il paraît que les membres du groupe Aerosmith adorent le taiyaki et passent au magasin chaque fois qu’ils viennent en tournée au Japon. Ils ont même commandé du taiyaki lors d’un concert à Osaka, et la succursale de Naniwaya à Osaka est allée sur le site du concert avec tous les équipements nécessaires pour leur préparer la fameuse pâtisserie nippone.
Chez Naniwaya, on grille le taiyaki individuellement
L’ingrédient le plus important du taiyaki est la pâte anko de haricots rouges. Le magasin utilise ceux provenant de Tokachi, une région de l’île de Hokkaidô productrice bien connue de haricots rouges. Quant à la pâte, elle est toute simple, juste de la farine délayée avec de l’eau pour donner une croute fine autour de l’anko, un peu comme la croûte légère du kintsuba, un autre gâteau traditionnel.
Les plus grands amateurs de taiyaki font la différence entre ceux qui sont cuits individuellement et ceux grillés à plusieurs dans un grand moule. Ils comparent les taiyaki individuels aux poissons « purs » qu’on attrape individuellement à la pêche à la ligne, plutôt que ceux qu’on attrape pêle-mêle dans des filets. « Quand on cuit les taiyaki séparément, avec attention, ils sont bien meilleurs, et le gout de chaque est différent », nous dit Kanbe.
On commence par la tête ou par la queue ?
Il existe toute une discussion pour savoir s’il est préférable de commencer par croquer la tête onctueuse, remplie de an, ou la queue qui est plus croustillante. « Le taiyaki est une friandise du peuple et peu importe de commencer par la tête ou la queue » dit Kanbe. Toutefois il met en garde contre manger le taiyaki trop chaud, car l’anko a un goût trop sucré quand il est trop chaud. Il vaut mieux attendre que ça refroidisse un peu.
« Les connaisseurs cassent le taiyaki en deux et attendent que ça se refroidisse un peu. » Kanbe ramène ses taiyaki chez lui. Il les préfère réchauffés un peu au four pour rendre l’extérieur croustillant, rajoutant que le taiyaki s’accorde bien avec le thé vert, mais aussi avec le lait. « C’est un peu comme boire du lait en mangeant des anpan (petits pains sucrés fourrés à l’anko). C’est un duo gagnant ! »
Toujours faire mieux
Bien que Naniwaya soit la référence du taiyaki, Kanbe sait pertinemment qu’il ne peut pas se reposer sur ses lauriers. « Même un magasin centenaire ou bicentenaire peu faire faillite si quelqu’un d’autre propose un meilleur produit. C’est à nous de toujours faire l’effort pour continuer à satisfaire les goûts de nos clients. »
Il pense que l’anko qui a un goût assez fort convient le mieux au taiyaki. Mais avec l’amélioration des souches de haricots rouges à Tokachi, il est devenu difficile d’obtenir une telle saveur. C’est en accumulant des données sur les variétés de haricots azuki cultivées dans diverses parties de la région que Kanbe a pu trouver la variété idéale pour ses taiyaki. Il a développé une telle sensibilité du palais qu’il dit pouvoir reconnaitre au goût de quelle partie de Tokachi viennent les haricots utilisés par d’autres fabricants. C’est ce genre de rigueur qui permet à Naniwaya de préserver le goût particulier de son taiyaki,
« Le taiyaki est sans doute le moindre des wagashi, mais les employés de Naniwaya sont fiers de leur savoir-faire et œuvrent à créer un produit de qualité. Si vous n’avez jamais goûté à un taiyaki grillé individuellement, venez en essayer chez Naniwaya. Vous saisirez vite la différence. »
Boutique de taiyaki Naniwaya
- Adresse : 1-8-14 Azabu-Jûban, Minato-ku, Tokyo
- Heures d’ouverture : 11 h à 19 h
- Fermé le mardi et le troisième mercredi du mois
(Reportage, texte et photos de Nippon.com, sauf mentions contraires)