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Le cénotaphe et le musée Himeyuri : transmettre les affres de la bataille d’Okinawa et la valeur de la paix
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Le cénotaphe pour les étudiantes, érigé sur le site d’un hôpital-souterrain
« Himeyuri » vient du surnom que s’étaient données deux établissements, l’École secondaire pour filles n°1 de la préfecture d’Okinawa d’un côté, et l’École normale pour jeunes filles d’Okinawa, de l’autre. C’était des écoles prestigieuses, qui rassemblait les jeunes filles les plus brillantes de tout l’archipel d’Okinawa. Le nom de Himeyuri (lys d’étoile) était symbole de fierté pour les élèves et anciennes élèves de ces établissements.
Dès le début de la bataille d’Okinawa, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, les étudiantes de Himeyuri ont été mobilisées en tant que personnel infirmier dans un hôpital militaire. Leur mission était très dure, et se termina par la mort tragique d’un grand nombre de ces jeunes vies. Le cénotaphe Himeyuri se dresse aujourd’hui sur le site du bunker chirurgical n°3 d’Ihara, dans la commune d’Itoman, à l’extrême sud de l’île d’Okinawa. C’est là qu’environ 80 personnes, cachées dans un gama (« une grotte » dans le dialecte d’Okinawa) sont mortes, dans une attaque des forces américaines. Parmi elles se trouvaient 42 étudiantes et enseignants de Himeyuri.
Le musée Himeyuri de la Paix a été construit à côté comme une reproduction de l’école d’origine, qui a de fait brûlé pendant la guerre. Le musée expose des photos et des documents illustrant la vie scolaire de l’époque, un diorama des hôpitaux-souterrains et des messages des survivantes. Himeyuri résonne aujourd’hui dans tout le Japon comme un écho de la tragédie de la guerre, de la vie précieuse et de la valeur de la paix.
Quand la jeunesse monte au champ de bataille en tant que personnel infirmier
Dans le hall du musée est exposée une photographie prise le jour de la cérémonie de remise des diplômes en mars 1944, un an avant le début de la bataille d’Okinawa. C’était déjà la guerre, mais les visages sont souriants, empreints d’une confiance radieuse en l’avenir. Mais l’année suivante, il n’y eut pas de cérémonie de remise des diplômes à Himeyuri.
Le 23 mars 1945, juste avant la cérémonie de remise des diplômes, les bombardements de très forte intensité de l’armée américaine sur Okinawa commencent. Dans la nuit, 222 élèves de Himeyuri, âgées de 15 à 19 ans, sous la conduite de 18 enseignants, sont déplacées sous couvert de l’obscurité jusqu’à l’hôpital de Haebaru, à 5 km au sud-ouest de Naha. Elles pensaient servir dans un hôpital sous le drapeau de la Croix Rouge, à l’abri des combats. De fait, il s’agissait d’un trou creusé à flanc de colline, avec des lits superposés alignés, et c’est tout. D’hôpital, il n’avait que le nom.
Le 1er avril, les troupes américaines débarquent sur l’île principale d’Okinawa. Les blessés arrivent du front à flot continu. Les étudiantes de Himeyuri, outre les soins aux blessés, sont également chargées du transport de la nourriture et de l’eau, de l’élimination des excréments et de l’enterrement des morts. Pour transporter la nourriture, par exemple, elles étaient obligées de sortir du bunker au milieu des obus qui volaient de partout. Sous l’effrayant bruit des bombes, elles travaillent jour et nuit dans la puanteur, transportant les aliments et l’eau avec précaution pour ne rien renverser.
Beaucoup de vies perdues dans la bataille féroce du sud d’Okinawa
Les forces américaines ont occupé la partie centrale de l’île principale d’Okinawa qui s’étend dans la direction nord-sud, afin de la diviser. Lorsqu’elles se sont approchées du château de Shuri (Naha), où se trouvait le quartier général des forces japonaises, à la fin du mois de mai, l’hôpital militaire a reçu l’ordre de se retirer dans la partie sud de l’île. Les étudiantes de Himeyuri, ainsi que les patients qui pouvaient marcher, se sont dirigés à pied vers la ville d’Itoman, à la pointe sud d’Okinawa. Le secteur d’Ihara présente de nombreuses grottes. Et l’hôpital a été divisé sur six grottes. De toute façon, plus aucun soin digne de ce nom n’était dispensé, par absence de toute fourniture médicale.
Puis, le 18 juin, alors que l’étau des forces américaines se referme, les étudiantes de Himeyuri reçoivent l’ordre de se disperser. Ces jeunes filles, toutes mineures, sont alors jetées dans la nature, en plein champ de bataille et on leur dit : « Agissez selon votre propre jugement ». Depuis le début de la guerre, on leur avait inculqué l’image que « les Américains et les Britanniques sont des démons », elles avaient surtout peur d’être faites prisonnières. Elles n’avaient nulle part où aller, elles se sont dirigées vers la côte, se cachant derrière les buissons et les rochers. Plusieurs d’entre elles sont tombées sous les tirs en chemins. On dit que sur la plage d’Arasaki, un enseignant pris de panique, blessé par un tir américain, a fait exploser une grenade à main et s’est suicidé avec ses étudiantes. Une stèle se trouve aujourd’hui sur les lieux de l’événement.
Un total de 136 élèves et enseignants de Himeyuri sont décédés pendant la bataille d’Okinawa. 117 d’entre elles, soit près de 90 %, sont mortes après l’ordre de dispersion, ce qui illustre l’intensité des combats dans le sud.
Les angoisses et la détermination des anciennes élèves de Himeyuri
Après la guerre, les habitants de Mawashi, le village où s’étaient trouvées les enseignantes et les élèves de Himeyuri, furent contraints de déménager et de se reloger dans le secteur de Komesu, à l’est d’Ihara. Sur l’initiative de Kinjô Kazunobu, maire du village à l’époque, et ayant lui-même perdu un membre de sa famille élève de Himeyuri, les restes des corps furent rassemblés à partir de 1946 et déposés dans plusieurs ossuaires érigés sur place : « Le cénotaphe des âmes » (Komesu, commune d’Itoman) et « Le cénotaphe de Himeyuri ».
C’est dans les camps militaires américains que la tragédie des étudiantes de Himeyuri s’est d’abord transmise. C’est là qu’un écrivain okinawaïen, Ishino Keiichirô, l’a entendu, et s’en est servi pour écrire son livre Himeyuri no tô (Le cénotaphe Himeyuri), qui fut porté à l’écran en 1953. Le film connut un immense succès, connut de nombreuses versions, grâce à quoi le nom de Himeyuri est aujourd’hui connu dans tout le Japon.
En 1948, les anciennes élèves des deux écoles ont créé « l’Association des anciennes élèves de Himeyuri ». Mais il a fallu attendre 40 ans pour que le musée Himeyuri de la Paix ouvre ses portes, en 1989. Les survivantes ont continué à souffrir et à regretter. En particulier, il était difficile de vivre en se disant : « Mes amies sont mortes, et je suis la seule à avoir survécu ». Beaucoup d’entre elles hésitaient à parler publiquement de leur expérience de la guerre. Ce n’est qu’après avoir atteint un âge de plus de 60 ans que le besoin de transmettre l’horreur de la guerre et la valeur de la paix aux générations futures leur est apparu comme un devoir envers leurs camarades décédées.
Une phrase est écrite en gros sur un mur de la 5e salle d’exposition : « Nous continuerons à parler de ce que nous savons de la guerre à travers chacune de nos expériences individuelles. »
Cénotaphe Himeyuri et Musée Himeyuri de la Paix
- Adresse : 671-1 Ihara, Itoman, Okinawa
- Heures d’ouverture : 9 h à 17 h 25 (dernière entrée 17h)
- Fermeture : ouvert toute l’année
- Tarif : Adultes 450 yens, lycéens 250 yens, élèves de l’école primaire et du collège 150 yens.
(Reportage, texte et photos de Nippon.com)