La modernité de l’esthétique traditionnelle

Les créations en laque de Jôbôji : pour l’amour de l’artisanat et la sauvegarde des traditions

Art Design Tourisme

La technique de la collecte de la sève en incisant les arbres à laque au Japon fait partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, et ce savoir-faire plus que millénaire a été préservé dans le laque de Jôbôji, situé au nord-est de l’Archipel. Ce petit quartier produit à lui seul 70 % de tout le laque du pays, grâce à l’amour de l’artisanat.

Plus on s’en sert, plus le lustrage est beau

La création d’une pièce en laque de Jôbôji commence par la coupe du bois et la préparation du support par les tourneurs, suivie des étapes successives de laquage qui peuvent consister en plus de 40 opérations et prendre trois mois. Durant l’époque d’Edo, les objets créés pour les nobles étaient souvent de couleurs vives et décorés de feuilles d’or, mais la laque de Jôbôji a toujours été fondamentalement sobre. On évite les dessins et motifs, et les objets sont le plus souvent d’une seule couleur, en noir ou vermillon. Et une fois la dernière couche de laque en place, on ne lustre pas. Le fini mat fait ressortir la beauté du laque, et plutôt que d’évoquer quelque chose de grandiose venant d’un artisanat millénaire, il crée un sentiment de familiarité.

Fujimura explique : « Nous avons beaucoup d’arbres à laque dans cette région et nous pensons que des produits sobres mettent en valeur la qualité supérieure de notre laque. Les produits en laque de Jôbôji sont des objets d’usage quotidien, et notre boutique Urumi Kôgei met l’accent sur des objets monochromes faciles à manipuler et dont on ne se lasse pas ».

De nombreux objets en laque de style sobre sont exposés dans la boutique de Fujimura Maki. (© Shoepress)
De nombreux objets en laque de style sobre sont exposés dans la boutique de Fujimura Maki. (© Shoepress)

En lavant les produits en laque de Jôbôji avec de l’eau froide et en les essuyant, les granules de laque en surface s’estompent au fil du temps et l’objet se patine et se lustre. Dans la boutique Urumi Kôgei, on peut ainsi voir côte à côte un bol tout neuf et un autre qui a servi pendant dix ans. La qualité de la patine sur le bol qui a été utilisé charme de nombreux clients qui ne peuvent plus résister à l’achat...

« L’objet reste réparable tant qu’il n’est pas lourdement endommagé, ce qui en fait un produit artisanal adapté à l’environnement d’aujourd’hui. Quand on nous demande de réparer un objet tout patiné qui a servi cinq ou dix ans, j’ai l’impression qu’on m’a remis un membre de la famille », dit Fujimura Maki.

Deux bols côte à côte. Celui de gauche est neuf, tandis que celui de droite a développé une patine rouge après dix ans d’usage. (Photo avec l’aimable autorisation de Urumi Kôgei)
Deux bols côte à côte. Celui de gauche est neuf, tandis que celui de droite a développé une patine rouge après dix ans d’usage. (Photo avec l’aimable autorisation de Urumi Kôgei)

Préserver les traditions coûte que coûte

En 2006, l’Agence des affaires culturelles a mis en place une initiative de maintien des forêts liées au patrimoine culturel pour garantir l’approvisionnement de produits nécessaires pour la sauvegarde et réparation des structures, tels que le bois, l’écorce de cyprès, le chaume et le laque. Jôbôji a été le premier lieu à recevoir cette appellation, et continue à planter des arbres à laque, et faire venir des jeunes artisans de tout le Japon pour les former en collecte de laque.

En 2015, l’Agence a précisé que seul le laque produit au Japon pourrait être utilisé pour la restauration de trésors nationaux et biens culturels importants. La production de laque sur l’Archipel a presque doublé dans les cinq années qui ont suivi, pour atteindre une autonomie de 5 %. Tous les regards sont rivés sur Jôbôji qui soutient cette croissance et qui utilise le laque produit localement en quantité.

L'exploitation des forêts d’arbres à laque de Jôbôji permet aussi de former les gens. (Photo avec l’aimable permission de la ville de Ninohe)
L’exploitation des forêts d’arbres à laque de Jôbôji permet aussi de former les gens. (Photo avec l’aimable autorisation de la ville de Ninohe)

Si l’avenir de l’industrie de produits en laque est loin d’être assuré, Fujimura reste malgré tout fidèle à la tradition. « J’ai vu mes grands-parents créer des produits en laque, et aussi tant de clients fidèles qui font réparer des produits qu’ils utilisent toujours. J’aime beaucoup la couleur très particulière et riche des laques de Jôbôji. Je continue parce que je ne veux absolument pas que ce savoir-faire disparaisse. »

Les amateurs de laque visitant Morioka peuvent participer à des ateliers d’initiation en peinture sur laque (sur réservation et payants) à la boutique Urumi Kögei. Ils ne manqueront pas d’être séduits par la beauté sobre des produits en laque de Jôbôji.

Boutique Urumi Kôgei

  • Adresse : 2-9-23 Chûô-dôri, Morioka-shi, Iwate-ken
  • Horaires : 10 h à 18 h
  • Fermé pendant les fêtes de fin d’année
  • Accès : 15 minutes à pied de la gare de Morioka

(Voir également notre article : [Galerie photos] L’art du laque de Ônishi Isao, trésor national vivant)

(Photo de titre : des recipients en laque de la boutique Urumi Kôgei aux côtés de la plaque désignant officiellement le créateur de ses objets comme « maître artisan du laque ». © Shoepress)

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