Les endroits à visiter à tout prix !
La ville de Takaoka : sous le regard du Grand Bouddha, l’art du cuivre à son apogée
Visiterle Japon
Tourisme Design Ville- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
À la recherche du troisième Grand Bouddha du Japon
L’appellation de « Grand Bouddha », ou daibutsu, rappelle à beaucoup de gens la gigantesque statue du temple Tôdai-ji de Nara ou alors celle de Kamakura, trônant majestueusement en plein air au temple Kôtoku-in. Si elles sont considérées comme les deux Grands Bouddha historiques, les Japonais se cherchent depuis longtemps un troisième daibutsu. Qui sont donc les prétendants au titre ? On trouve parmi eux le Grand Bouddha de Takaoka (temple Daibutsu-ji, Takaoka) le Grand Bouddha de Gifu (temple Shôbô-ji, Gifu), le Grand Bouddha de Hyôgo (temple Nôfuku-ji, Kobe) et le Grand Bouddha de Tokyo (temple Jôren-ji, arrondissement d’Itabashi).
Même si de nombreux facteurs tels que l’histoire, le prestige, la taille et la valeur artistique entrent en ligne de compte dans cette liste, toutes ses statues sont vénérées par leurs communautés, et chacune d’entre elles cherche à vanter ses charmes touristiques afin que leur daibutsu local surpasse ses « concurrents » et devienne le troisième Grand Bouddha du Japon.
Le Grand Bouddha de Takaoka, en particulier, symbolise l’artisanat local de la fonderie traditionnelle, qui fructifie à Takaoka depuis le XVIIe siècle. La ville est renommée pour ses objets en cuivre, incluant notamment ceux liés à la cérémonie du thé (sadô), les vases, les accessoires des autels bouddhiques et bien d’autres articles. Quand Maeda Toshinaga (1562-1614), chef du fief de Kaga, construisit un château à Takaoka, il a déplaça dans le village une statue en bois de Bouddha fabriquée au XIIIe siècle, qui se tenait originellement sur le mont Futagami, au nord-ouest de Takaoka. Après que les flammes détruisirent la statue par deux fois, en 1821 et 1900, sa reconstruction en cuivre résistant au feu fut décidée. Crée en partie pour promouvoir l’industrie locale du cuivre, l’actuel Grand Bouddha de Takaoka a été fabriqué par les artisans locaux et complété en 1933.
En comptant sa base, le géant se tient sur 15,85 mètres de hauteur. La statue elle-même mesure 7,43 mètres, soit environ la moitié de la taille du Grand Bouddha de Nara. Représentant le Bouddha Amida (Amitâbha), la statue de Takaoka est connue pour ses jolis traits faciaux et le disque de lumière derrière sa tête, admirablement confectionné. La poète Yosana Akiko, qui a célébré la finesse des traits du Grand Bouddha de Kamakura (Shakyamuni, le Bouddha historique) dans une de ses œuvres, aurait trouvé le Grand Bouddha de Takaoka encore plus beau, après avoir visité la ville peu après l’achèvement de la statue.
Kanayamachi, le lieu de naissance de la dinanderie de Takaoka
L’industrie de la dinanderie (le travail du cuivre) de Takaoka est née quand Maeda Toshinaga invita sept artisans de son lieu de naissance à s’installer à Kanayamachi. Au début, la production comprenait essentiellement des outils agricoles ou des articles pour la maison tels que des pots et des bouilloires, mais à partir du XVIIIe siècle, les artisans commencèrent à fabriquer des vases en alliages de cuivre, des articles liés à la cérémonie du thé et des accessoires pour les autels bouddhiques avec des décorations en métal repoussé.
Dans les années 1870, la dinanderie de Takaoka était présentée dans des expositions à l’étranger, où elle s’est attirée de nombreux éloges. Sa popularité n’a cessé de croître depuis lors au Japon comme à l’étranger. Aujourd’hui, la dinanderie de Takaoka compte pour près de 90 % de la production domestique de cuivre, et les artisans de la région fabriquent toutes sortes d’objets, des plus imposants tels que les cloches de temples ou les statues en bronze, aux plus petits tels que les accessoires, ainsi que les vases et les équipements d’autels pour la maison.
Aujourd’hui, si de nombreux artisans des produits issus de la fonderie se sont installés dans le complexe industriel de la métallurgie de Takaoka, certains ont préféré rester à Kanayamachi, officiellement désigné en tant que « district patrimonial ». Il comprend les galeries d’art et les boutiques des artisans, des marchands d’antiquités en cuivre et de bouilloires en fer, ainsi que des restaurants et des cafés. Le premier arrêt conseillé pour les visiteurs devrait être le musée de la fonderie de la ville de Takaoka, situé au début de la rue principale pavée de Kanayamachi, dans lequel ils pourront apprendre l’histoire de la région et mieux comprendre la technologie derrière les fonderies de métaux.
Sur le chemin se trouve le Kôryô Kinju-dô, dans lequel la statue en cuivre ayant servi de modèle au Grand Bouddha de Takaoka est exposée. La statue a été créée grâce à l’argent fourni par la communauté, et le sculpteur en aurait fait plusieurs copies pour offrir aux donateurs. La statue exhibée en ces lieux serait l’une d’entre elles.
Parmi les œuvres présentes dans le Kôryô Kinju-dô, on retrouve des créations d’artisans élevés au rang de « Trésor national vivant », tels que Kanamori Eiichi et Ôzawa Kômin. Dans la pièce en tatami à l’arrière de la boutique, des douzaines de magnifiques bouilloires à thé ainsi que des objets collectés de tout le pays valent également le coup d’œil.
Rencontre avec un orfèvre de plus de 60 ans d’expérience
L’atelier Rizaburô est l’une des entreprises à avoir décidé de rester à Kanayamachi. Leur boutique vend des vases et des bouilloires à thé fabriquées à la main en utilisant des méthodes traditionnelles, et à l’arrière de l’atelier, les visiteurs peuvent s’essayer à la fonderie. Utilisant leur ongle pour tracer des lettres ou des décorations dans des moules en sable dans lesquels de l’étain en fusion est ensuite déposé, ils peuvent fabriquer de petits porte-plats ou porte-baguettes uniques à emporter à la maison en souvenir de leur passage.
Jinpachi Sôichirô, l’orfèvre de Rizaburô sur la cinquième génération, pratique son art depuis 60 ans. Utilisant les techniques traditionnelles tout en ajoutant des éléments plus modernes à son travail, il déclare que le fait de continuer à travailler à Kanayamachi est très important pour lui. Lorsque certaines de ses créations ne correspondent pas exactement au résultat qu’il espérait, il n’hésite pas à consulter les vieilles archives afin de trouver des astuces. C’est pour lui une nouvelle occasion d’acquérir du savoir, et de réfléchir à la manière dont ses prédécesseurs travaillaient.
« Souvent, quand je rencontre une difficulté dans mon travail, je me remémore les gestes précis des anciens. J’essaye d’imiter leurs mouvements et je comprends finalement certaines choses que je ne concevais pas auparavant. L’expérience m’a fait réaliser que certaines techniques fonctionnent simplement mieux. »
Si le moment est propice, il est possible de visiter l’atelier de Rizaburô. L’observation des artisans expérimentés plongés dans leur travail est une expérience digne d’intérêt, alors n’hésitez pas à prendre contact avec le maître pour arranger un tour de son atelier.
Takaoka protège fièrement le travail des artisans
La galerie Yotsukawa expose et vend deux lignes de produits : Kisendô, qui se concentre sur l’esthétique traditionnelle des objets en cuivre de Takaoka, et la marque Kisen, axée sur le style de vie, qui offre une approche plus moderne de l’artisanat.
La marque Kisen, qui comprend des vases uniformisés et des refroidisseurs de vin ainsi que des objets combinant le bois et le métal, s’est bien vendue, mais le président de la compagnie, Yotsukawa Motomasa, souligne l’importance de vendre à la fois des produits traditionnels et des objets modernes populaires. La tendance actuelle est de réinventer les objets d’autrefois avec des lignes contemporaines. M. Yotsukawa prédit toutefois que la tradition et la modernité seront appréciées à l’avenir pour leurs qualités respectives.
M. Yotsukawa ajoute qu’il est important pour les manufacturiers de protéger le travail des artisans.
« La fonderie à Takaoka est un processus collaboratif, avec différentes personnes travaillant pour différentes phases de la production, il est donc vital d’avoir une gamme de produits bien équilibrée. Par exemple, si nous ne fabriquons que des objets qui ne requièrent pas de polissage, de moins en moins d’artisans spécialistes de cette technique auront de chances de se faire connaître. C’est un problème, car quand nous voudrons fabriquer un objet nécessitant une expertise en polissage, il n’y aura plus personne pour accomplir ce travail... Les manufacturiers devraient penser aux moyens de subsistance de leurs travailleurs et à leur motivation lorsqu’ils conçoivent leurs nouvelles gammes de produits. »
Il met un point d’honneur au fait d’aller voir les artisans pour leur montrer le produit fini. Dans l’artisanat traditionnel, chaque aspect de la production est géré par une personne différente. Ainsi, de nombreux artisans ne s’occupent que d’une partie du projet et n’ont jamais la chance de voir le produit complet. Il est aussi fréquent que ces derniers ne connaissent que leur rémunération, sans savoir à combien le produit est vendu. Ce n’était pas un problème dans les années 1980 et 1990, pendant les années de la bulle économique, quand les manufacturiers recevaient d’importantes commandes de la part de négociants en gros. Mais de nos jours les ventes en détail sont la norme, et les employeurs doivent prendre en compte ces changements et être clairs avec leurs employés afin que ces derniers restent motivés.
« Je crois vraiment au potentiel de notre art à Takaoka. Les artisans locaux peuvent travailler avec le cuivre ainsi qu’avec d’autres métaux comme l’or, l’argent et le titane. Ils peuvent produire toutes sortes de choses, des statues aux bijoux, et ils ont également grandement développé leurs techniques de coloration et de modelage. Puisque je travaille avec les artisans et la communauté locale, je souhaite étendre la visibilité de la marque des objets en métal de Takaoka. »
M. Yotsukawa s’est également tourné vers une nouvelle activité, ouvrant le Kane-no-sanzun, un hôtel situé dans une ancienne maison rénovée, en décembre 2020. Il espère que les visiteurs viendront passer une nuit en ces lieux et utiliser les objets en cuivre dans leurs chambres afin de se familiariser avec les attractions de l’artisanat local durant leur séjour.
(Reportage, texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : l’entrée du temple Daibutsu-ji, où se trouve le Grand Bouddha de Takaoka)