
Le château de Bitchû Matsuyama, un chef-d’œuvre médiéval qui redevient célèbre grâce à un chat
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Un chef-d’œuvre médiéval laissé à l’abandon et envahi par des singes
À partir de la Restauration de Meiji (1868), la totalité des châteaux de l’Archipel a été placée sous la tutelle du ministère de la Guerre et en 1873, le gouvernement japonais a promulgué un décret ordonnant leur « suppression » (haijô). Dès lors, ces édifices ont été vendus à des municipalités ou des écoles, mis à part ceux qui se trouvaient dans de grandes villes où ils pouvaient servir à des fins militaires. Le château de Bitchû Matsuyama a quant à lui été laissé à l’abandon. S’il n’a pas subi le même sort que les autres, c’est parce qu’il se trouvait sur une montagne escarpée, très difficile d’accès, et qu’il ne disposait pas de terrains importants. Procéder à sa démolition et descendre dans la vallée les matériaux qui pouvaient être récupérés aurait été bien trop coûteux. Il a donc commencé à se dégrader et à tomber peu à peu en ruines.
Le château de Bitchû Matsuyama n’est sorti de l’oubli que soixante ans plus tard, grâce à un professeur de collège particulièrement zélé. Au tout début de l’ère Shôwa (1926-1989), Shinano Tomoharu (1890-1970) a été nommé professeur d’histoire au collège de Takahashi qui dépendait de la préfecture d’Okayama. Quand il s’est rendu au château, il a été horrifié par l’état dans lequel se trouvait cet ensemble architectural jadis si prestigieux. Une grande partie des tours étaient en ruines. Quant au donjon, prêt à s’effondrer, il était envahi par des singes.
Le donjon majestueux du château de Bitchû Matsuyama a été bâti sur une éminence rocheuse. Il a été classé Bien culturel important du Japon. On a du mal à croire que ce chef-d’œuvre de l’architecture médiévale était sur le point de s’effondrer quand Shinano Tomoharu l’a fait sortir de l’oubli.
La « tour à deux niveaux » (nijû yagura) du château de Bitchû Matsuyama se trouve derrière le donjon. Elle a elle aussi été classée Bien culturel important du Japon. Quand on suit le sentier en direction du nord, on traverse les ruines des fortifications édifiées en 1240 par la famille Akiba sur le mont Ômatsu. Puis on rejoint le poste d’observation aménagé sur les vestiges du rempart de Tenjin (tenjin no maru), le point le plus élevé du Gagyû (480 mètres). Et de là, on a droit à un point de vue extraordinaire sur les environs.
L’enthousiasme communicatif d’un professeur d’histoire
Conscient de la valeur historique du château, Shinano Tomoharu lui a consacré tout le temps qu’il pouvait. Il a commencé par faire un repérage des lieux en prenant des notes, ce qui l’a amené à effectuer l’ascension du mont Komatsu un nombre incalculable de fois en compagnie de son fils et de ses amis. Ceux-ci l’ont aidé à prendre des mesures et à établir un plan du site ainsi qu’un relevé précis de la structure et des dimensions du donjon. En 1930, il a publié un ouvrage intitulé « Le château de Bitchû Matsuyama et la ville située à son pied » (Bitchû matsuyama jô oyobi sono jôka). En voyant ce livre témoin des efforts enthousiastes de Shinano Tomoharu, la population locale s’est rendu compte qu’un véritable trésor dormait tout près, au sommet de la montagne. Une Association pour la protection de Takahashi (Takahashi hoshôkai) a été créée en vue de restaurer le château. En 1939, la ville de Takahashi a doté ce projet d’un budget spécifique et il a été décidé que l’on commencerait par démonter le donjon pour le réparer, et par restaurer les murs de pisé.
Les travaux ont d’abord progressé lentement en raison d’un manque de fonds et de l’accès difficile du site qui rendait le transport des matériaux particulièrement problématique. Il fallait en particulier amener 20 000 tuiles de céramique au sommet de la montagne. Ce sont des enfants des établissements scolaires qui s’en sont chargés. Pendant leurs vacances d’été, des élèves de tous niveaux, depuis l’école primaire jusqu’au lycée, ont gravi le sentier escarpé menant au château en portant de lourdes tuiles (environ deux kilos chacune) sur leur dos. L’enthousiasme de Shinano Tomoharu a fini par gagner la ville toute entière tant et si bien qu’en 1940, le château de Bitchû Matsuyama avait déjà été magnifiquement restauré. Il a ensuite fait l’objet de deux nouveaux chantiers importants qui ont pris fin respectivement en 1960 et en 2002.
L’intérieur du donjon, où le maître des lieux résidait avec sa famille uniquement en cas d’attaque, a été transformé en espace d’exposition. Le premier niveau est équipé d’un foyer (irori), une rareté dans les châteaux médiévaux. Et le second niveau abrite un autel shintô (goshadan).
Les photographies que l’on voit ci-dessus datent des travaux de restauration du château de Bitchû Matsuyama effectués dans les années 1939-1940. On y voit notamment des écolières japonaises en train de transporter sur leur dos des tuiles en céramique destinées aux toitures.
L’arrivée providentielle d’un chat, le nouveau « maître du château »
Le château de Bitchû Matsuyama est devenu la principale attraction touristique de la ville de Takahashi et son véritable trésor. Le nombre des visiteurs n’en a pas moins stagné pendant un certain temps. Par ailleurs les pluies diluviennes qui ont fait d’énormes dégâts dans l’ouest du Japon en juillet 2018 n’ont pas épargné Takahashi. Elles ont provoqué des glissements de terrain et le fleuve qui traverse la ville a débordé en provoquant de graves inondations. (Voir la vidéo)
C’est pendant cette période difficile qu’a eu lieu l’arrivée providentielle d’un chat errant roux et blanc. L’animal a commencé par réclamer sa part de casse-croûte (bentô) au gardien, puis il a décidé de s’installer au château après les trombes d’eau de l’été 2018. Au mois de décembre, l’Association pour le tourisme de la ville de Takahashi l’a institué « maître du château » (jôshu). Et on lui a aussi donné le nom de Sanjûrô à cause de la troisième enceinte du château (san no maru) où il a fait son apparition pour la première fois, et de Tani Sanjûrô (1832-1866), membre du clan Matsuyama de Bitchû et chef de la septième unité du corps spécial de guerriers (shinsengumi) créé en 1862 par le shogunat pour combattre ses opposants.
Loin de dédaigner les caresses des visiteurs, le chat Sanjûrô ronronne de son mieux pour montrer à quel point il les apprécie et il déambule tranquillement autour du château sans se laisser impressionner le moindrement du monde par les équipes de télévision venues le filmer. Bref, il se comporte en vrai maître des lieux. Du coup, les amis des chats ont été conquis et le nombre des visiteurs est bien plus important qu’avant les dégâts causés par les pluies.
Le chat Sanjûrô en train de faire une pause au soleil sur les fortifications du château de Bitchû Matsuyama. Pour le moment, il est interdit de le caresser en raison de la crise sanitaire du Covid-19.
Sanjûrô dispose d’un espace qui lui est réservé devant le donjon du château de Bitchû Matsuyama.
Le château de Bitchû Matsuyama, jadis réputé imprenable, est resté à l’abandon pendant si longtemps qu’il a failli disparaître. Grâce à l’enthousiasme d’un professeur d’histoire, il a eu droit à une nouvelle vie. Et l’apparition d’un chat errant qui s’est approprié les lieux en a fait un endroit convivial. À l’heure actuelle, Sanjûrô demande davantage de caresses à son « vassal » (le gardien) peut-être parce que le nombre des visiteurs a diminué avec l’épidémie de coronavirus. Une fois la crise sanitaire passée, n’hésitons pas à venir visiter le château de Bitchû Matsuyama pour admirer son authentique donjon et présenter nos respects à son maître de la gente féline.
Le chat Sanjûrô est une véritable vedette. Il a donné lieu à la fabrication de marchandises en tous genres et même fait l’objet de livres. Le nouveau maître du château de Bitchû Matsuyama est devenu le moteur des relations publiques de la ville de Takahashi. Au point que les autorités municipales proposent des plaques d’immatriculation pour les scooters de 50 centimètres cubes où il figure en bonne place !
(Texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : le château de Bitchû Matsuyama émergeant de la brume, au lever du jour)