Le château de Bitchû Matsuyama, un chef-d’œuvre médiéval qui redevient célèbre grâce à un chat
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Un « château dans le ciel »
Le château de Bitchû Matsuyama a été édifié au sommet du mont Komatsu, à 430 mètres d’altitude. C’est l’une des douze places fortes de l’Archipel qui ont conservé leur donjon d’origine, et la seule à être bâtie sur une montagne (yamashiro). Du côté de l’ouest, il surplombe le fleuve Takahashi si bien qu’entre le début de l’automne et la fin de l’hiver, il devient parfois le théâtre d’un spectacle fantastique au lever du jour, pour peu qu’il fasse beau et qu’il y ait du brouillard. Éclairé par les rayons du soleil levant, il semble alors flotter sur une mer de nuages, dans la lumière froide du petit matin.
Depuis quelques années, on assiste à une sorte d’engouement pour les « châteaux dans le ciel » (tenkû no shiro) de l’Archipel, à commencer par le château de Takeda (préfecture de Hyôgo), surnommé le « Machu Picchu du Japon ». Et il y a aussi le château d’Echizen Ôno (préfecture de Fukui), et celui de Tsuwano (préfecture de Shimane). Malheureusement beaucoup d’entre eux sont en ruines, notamment celui de Takeda. Le château de Bitchû Matsuyama constitue une exception à cause de son donjon encore intact.
Une place forte réputée imprenable
Le château de Bitchû Matsuyama se trouve tout en haut du mont Komatsu, un des quatre sommets de la chaîne du Gagyû. Au cours de l’époque de Kamakura (1185-1333), la famille Akiba a fait construire des fortifications sur le mont Ômatsu, le sommet le plus au nord du Gagyû, à 470 mètres d’altitude. Pendant la période des provinces combattantes (sengoku jidai 1467-1573), le seigneur de la guerre Mimura Motochika (?-1575) a transformé l’endroit en une véritable place-forte couvrant trois des sommets du Gagyû.
Le château actuel de Bitchû Matsuyama a été achevé en 1683 après trois ans de travaux effectués par Mizunoya Katsutaka (1623-1689), daimyô (grand seigneur féodal) du fief de Bitchû Matsuyama.
Pour aller à pied depuis la ville située au pied de la montagne jusqu’à l’entrée principale du château de Bitchû Matsuyama, il faut compter environ une heure de marche sur un sentier de montagne de 1,5 kilomètre de long particulièrement pentu.
En chemin, on passe devant les vestiges de deux tours appelées respectivement « tour inférieure du tambour » et« tour médiane du tambour ». Elles doivent semble-t-il leur nom au fait que le château et la ville communiquaient par le biais de tambours. Près de l’entrée principale de la place forte, des remparts de pierre de dix mètres de haut s’élèvent à flanc de montagne. Ils sont surmontés par endroits par des murs de pisé percés d’étroites meurtrières permettant de tirer des flèches ou des balles sur les assaillants. Les degrés de pierre donnant accès à la deuxième et la troisième enceinte sont délibérément tortueux de façon à retarder la progression de l’ennemi.
Le donjon (tenshu) qui se dresse fièrement au-dessus des remparts et des tours donne à première vue l’impression de comporter trois niveaux alors qu’en fait, il n’en a que deux, c’est-à-dire bien moins que ceux de la plupart des autres places fortes de l’époque. Mais la réputation de château « imprenable » de Bitchû Matsuyama n’en était pas pour autant moins justifiée.
En 1693, le dernier membre de la famille Mizunoya est mort sans laisser de descendance. Le château a été repris pendant un certain temps par Asano Naganori (1667-1701), daimyô du fief d’Akô, dans la province de Harima. Ce guerrier est passé à la postérité pour ses hauts faits relatés dans « La vengeance des loyaux serviteurs » (Chûshingura), un des thèmes favoris de la littérature et du théâtre japonais. Son conseiller Ôishi Kuranosuke (1659-1703), lui aussi très célèbre, a géré les lieux pendant un an. Le château est ensuite passé successivement entre les mains des familles Andô et Ishikawa. Et de 1744 à la fin du shogunat d’Edo (1868), il a été occupé par huit générations successives de la famille Itakura.
Un chef-d’œuvre médiéval laissé à l’abandon et envahi par des singes
À partir de la Restauration de Meiji (1868), la totalité des châteaux de l’Archipel a été placée sous la tutelle du ministère de la Guerre et en 1873, le gouvernement japonais a promulgué un décret ordonnant leur « suppression » (haijô). Dès lors, ces édifices ont été vendus à des municipalités ou des écoles, mis à part ceux qui se trouvaient dans de grandes villes où ils pouvaient servir à des fins militaires. Le château de Bitchû Matsuyama a quant à lui été laissé à l’abandon. S’il n’a pas subi le même sort que les autres, c’est parce qu’il se trouvait sur une montagne escarpée, très difficile d’accès, et qu’il ne disposait pas de terrains importants. Procéder à sa démolition et descendre dans la vallée les matériaux qui pouvaient être récupérés aurait été bien trop coûteux. Il a donc commencé à se dégrader et à tomber peu à peu en ruines.
Le château de Bitchû Matsuyama n’est sorti de l’oubli que soixante ans plus tard, grâce à un professeur de collège particulièrement zélé. Au tout début de l’ère Shôwa (1926-1989), Shinano Tomoharu (1890-1970) a été nommé professeur d’histoire au collège de Takahashi qui dépendait de la préfecture d’Okayama. Quand il s’est rendu au château, il a été horrifié par l’état dans lequel se trouvait cet ensemble architectural jadis si prestigieux. Une grande partie des tours étaient en ruines. Quant au donjon, prêt à s’effondrer, il était envahi par des singes.
L’enthousiasme communicatif d’un professeur d’histoire
Conscient de la valeur historique du château, Shinano Tomoharu lui a consacré tout le temps qu’il pouvait. Il a commencé par faire un repérage des lieux en prenant des notes, ce qui l’a amené à effectuer l’ascension du mont Komatsu un nombre incalculable de fois en compagnie de son fils et de ses amis. Ceux-ci l’ont aidé à prendre des mesures et à établir un plan du site ainsi qu’un relevé précis de la structure et des dimensions du donjon. En 1930, il a publié un ouvrage intitulé « Le château de Bitchû Matsuyama et la ville située à son pied » (Bitchû matsuyama jô oyobi sono jôka). En voyant ce livre témoin des efforts enthousiastes de Shinano Tomoharu, la population locale s’est rendu compte qu’un véritable trésor dormait tout près, au sommet de la montagne. Une Association pour la protection de Takahashi (Takahashi hoshôkai) a été créée en vue de restaurer le château. En 1939, la ville de Takahashi a doté ce projet d’un budget spécifique et il a été décidé que l’on commencerait par démonter le donjon pour le réparer, et par restaurer les murs de pisé.
Les travaux ont d’abord progressé lentement en raison d’un manque de fonds et de l’accès difficile du site qui rendait le transport des matériaux particulièrement problématique. Il fallait en particulier amener 20 000 tuiles de céramique au sommet de la montagne. Ce sont des enfants des établissements scolaires qui s’en sont chargés. Pendant leurs vacances d’été, des élèves de tous niveaux, depuis l’école primaire jusqu’au lycée, ont gravi le sentier escarpé menant au château en portant de lourdes tuiles (environ deux kilos chacune) sur leur dos. L’enthousiasme de Shinano Tomoharu a fini par gagner la ville toute entière tant et si bien qu’en 1940, le château de Bitchû Matsuyama avait déjà été magnifiquement restauré. Il a ensuite fait l’objet de deux nouveaux chantiers importants qui ont pris fin respectivement en 1960 et en 2002.
L’arrivée providentielle d’un chat, le nouveau « maître du château »
Le château de Bitchû Matsuyama est devenu la principale attraction touristique de la ville de Takahashi et son véritable trésor. Le nombre des visiteurs n’en a pas moins stagné pendant un certain temps. Par ailleurs les pluies diluviennes qui ont fait d’énormes dégâts dans l’ouest du Japon en juillet 2018 n’ont pas épargné Takahashi. Elles ont provoqué des glissements de terrain et le fleuve qui traverse la ville a débordé en provoquant de graves inondations. (Voir la vidéo)
C’est pendant cette période difficile qu’a eu lieu l’arrivée providentielle d’un chat errant roux et blanc. L’animal a commencé par réclamer sa part de casse-croûte (bentô) au gardien, puis il a décidé de s’installer au château après les trombes d’eau de l’été 2018. Au mois de décembre, l’Association pour le tourisme de la ville de Takahashi l’a institué « maître du château » (jôshu). Et on lui a aussi donné le nom de Sanjûrô à cause de la troisième enceinte du château (san no maru) où il a fait son apparition pour la première fois, et de Tani Sanjûrô (1832-1866), membre du clan Matsuyama de Bitchû et chef de la septième unité du corps spécial de guerriers (shinsengumi) créé en 1862 par le shogunat pour combattre ses opposants.
Loin de dédaigner les caresses des visiteurs, le chat Sanjûrô ronronne de son mieux pour montrer à quel point il les apprécie et il déambule tranquillement autour du château sans se laisser impressionner le moindrement du monde par les équipes de télévision venues le filmer. Bref, il se comporte en vrai maître des lieux. Du coup, les amis des chats ont été conquis et le nombre des visiteurs est bien plus important qu’avant les dégâts causés par les pluies.
Le château de Bitchû Matsuyama, jadis réputé imprenable, est resté à l’abandon pendant si longtemps qu’il a failli disparaître. Grâce à l’enthousiasme d’un professeur d’histoire, il a eu droit à une nouvelle vie. Et l’apparition d’un chat errant qui s’est approprié les lieux en a fait un endroit convivial. À l’heure actuelle, Sanjûrô demande davantage de caresses à son « vassal » (le gardien) peut-être parce que le nombre des visiteurs a diminué avec l’épidémie de coronavirus. Une fois la crise sanitaire passée, n’hésitons pas à venir visiter le château de Bitchû Matsuyama pour admirer son authentique donjon et présenter nos respects à son maître de la gente féline.
(Texte et photos de Nippon.com. Photo de titre : le château de Bitchû Matsuyama émergeant de la brume, au lever du jour)