La modernité de l’esthétique traditionnelle

L’art de la teinture de Kubota Itchiku, devant le mont Fuji

Art Design Tradition

C’est près de la berge du lac de Kawaguchi, qui donne sur le mont Fuji, que se nichent les créations de Kubota Itchiku, artiste qui a véritablement redonné vie à des techniques de teinture longtemps tombées dans l’oubli. Le résultat : des kimonos uniques, de véritables œuvres d’art. Exposés dans un musée récompensé par trois étoiles au Guide Michelin, ces habits et le sens esthétique de l’homme qui les a conçus ne cessent d’enchanter les visiteurs.

Immersion dans un monde d’élégance

Il est bien connu que les touristes qui viennent au lac Kawaguchi, dans la préfecture de Yamanashi, viennent en fait plutôt pour admirer la magnifique vue sur le mont Fuji au sud. Mais à peine 10 minutes de marche vers le nord en pente douce depuis la rive nord-est du lac, un tout autre décor vous y attend ; une imposante porte, qui semble comme appartenir à un autre monde. Cette porte n’est autre que l’entrée du musée conçu par Kubota Itchiku (1917-2003), un artiste textile qui a redécouvert un art de teinture de la soie vieux de plusieurs siècles et y a ajouté son génie pour donner naissance à un style propre : le style Itchiku Tsujigahana.

Le sens esthétique de Kubota Itchiku est omniprésent tant dans l’ensemble du bâtiment que dans les vastes jardins qui l’entourent. Il a conçu ce musée, avec son atmosphère unique, résolument décalée, comme un lieu d’exposition de ses kimonos, l’œuvre de sa vie. Mais le lieu est aussi un repaire de sa vaste collection d’antiquités, d’objets d’art, de sculptures en pierre et d’objets glanés çà et là au gré de ses excursions dans le monde entier, qui ont façonné et inspiré sa créativité tout au long de sa vie.

Franchissez la porte d’entrée, création en bois finement sculpté provenant à l’origine d’un palais indien, et vous y êtes : bienvenue dans l’enceinte du musée. Le bruit des ruisseaux qui coulent le long des pentes sur une superficie impressionnante de 13 000 mètres carrés ajoute à cette atmosphère singulière, propice à la contemplation des créations, visionnaires de cet ancien trésor national vivant. Le jardin, même seul, est remarquable, notamment en automne, lorsque ses feuilles se parent de couleurs vives, rivalisant même avec celles des kimonos exposés à l’intérieur du musée. Pour profiter pleinement de cette époque de l’année, le musée est ouvert tous les jours en octobre et en novembre.

L'entrée principale du musée figure une porte en bois sculptée, acquise par Kubota Itchiku lors de ses voyages en Inde. Des musasabi, écureuils volants japonais, nichent dans les branches au sommet de son encadrement.
L’entrée principale du musée figure une porte en bois sculptée, acquise par Kubota Itchiku lors de ses voyages en Inde. Des musasabi, écureuils volants japonais, nichent dans les branches au sommet de son encadrement.

Le vaste jardin est en grande partie le fruit de directives données par Kubota Itchiku lui-même, notamment sur la forme qu’il devait prendre, mais sa conception et sa réalisation ont été confiées à Kitayama Yasuo, célèbre artiste paysagiste traditionnel de Kyoto.
Le vaste jardin est en grande partie le fruit de directives données par Kubota Itchiku lui-même, notamment sur la forme qu’il devait prendre, mais sa conception et sa réalisation ont été confiées à Kitayama Yasuo, célèbre artiste paysagiste traditionnel de Kyoto.

C’est au beau milieu de ce jardin que sont érigées les structures du musée elles-mêmes. La nouvelle aile présente un décor inhabituel, semblable à celui du Park Güell de Barcelone dont les terrasses ont été conçues par Antonio Gaudi. En effet, Kubota Itchiku, lui-même grand fan de Gaudi, a imaginé cette salle comme pour rendre un hommage architectural au maître espagnol.

Le premier étage de cette structure, réalisé en blocs de calcaire Ryûkyû savamment imbriqués les uns dans les autres, abrite la réception du musée et les boutiques attenantes. Au deuxième étage, une petite salle où est exposée la précieuse collection de tonbo-dama, perles de verre aux motifs colorés que Kubota Itchiku a glanées aux quatre coins du monde. Parmi ces perles, qui ont inspiré ses créations en soie teintée, figurent des trésors rares, comme par exemple une perle à bande dorée de la côte méditerranéenne datant du Ier siècle avant J-C, et deux autres encore plus anciennes, des spécimens phéniciens du Ve siècle avant J-C. Les origines de ces tonbo-dama sont également très diverses ; elles peuvent venir d’Afrique, d’Asie et d’autres régions, tout autant d’endroits par lesquels Kubota Itchiku se sentait comme attiré pour les besoins de ses créations.

L'entrée de la nouvelle aile, avec ses imposants piliers de blocs de calcaire.
L’entrée de la nouvelle aile, avec ses imposants piliers de blocs de calcaire.

Au deuxième étage, la galerie de perles
Au premier étage, la galerie de perles de verre

C’est probablement dès son plus jeune âge que Kubota Itchiku, fils d’une famille d’antiquaires établie dans le quartier de Kanda, à Tokyo, se passionna pour les tonbo-dama. Il se souvient avoir ouvert un tiroir de son père, qui regorgeait de ces perles. Il fut littéralement fasciné du spectacle qui s’offrait à lui. Après avoir connu le succès avec ses créations Itchiku Tsujigahana, il décida de parcourir le monde pour constituer sa propre collection.

Élégant collier de perles vénitiennes de rosette (à gauche) Ces perles phéniciennes sont les plus anciennes de la collection de Kubota Itchiku, datant de quelque 25 siècles (à droite)
À gauche : élégant collier de perles vénitiennes de rosette. À droite : ces perles phéniciennes sont les plus anciennes de la collection de Kubota Itchiku, datant de quelque 25 siècles.

Suite > La réssurection d’une technique oubliée

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tourisme design Mont Fuji musée art kimono

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