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L’immeuble Okuno, un vestige des années 30 au milieu des gratte-ciel de Tokyo
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Un rare appartement de luxe d’avant-guerre
L’immeuble Okuno est situé dans le quartier chic de Ginza, à Tokyo. Autrefois nommé « Ginza apartment », le bâtiment est composé de deux structures reliées entre elles. Le bâtiment principal (à gauche vu de face) a été achevé en 1932 ; celui de droite a été terminé deux ans plus tard. Une usine de matériel ferroviaire occupait autrefois le terrain, mais elle a déménagé à Ôimachi suite au grand séisme du Kantô de 1923. Afin de tirer parti du potentiel immobilier du terrain, un bâtiment doté d’une ossature métallique résistant aux tremblements de terre a été construit. L’immeuble Okuno était un des seuls appartements de luxe du quartier, non seulement du fait de son armature métallique mais aussi de son ascenseur, rare pour un immeuble d’habitation de cette époque.
Préservation d’un appartement d’époque
Le « projet Ginza Okuno Building appartement 306 » permet au grand public de visiter tous les 6 du mois un appartement d’époque, celui situé au numéro 306, qui a été conservé tel quel.
L’ancienne résidente du numéro 306 est Mme Suda Yoshi, une coiffeuse née à Kakunodate dans la préfecture d’Akita en 1909 et qui a vécu dans l’immeuble Okuno au cours des années tumultueuses de l’ère Shôwa (1926-1989). Elle tenait son salon de beauté dans cet appartement, mais elle en a fait son logement personnel après avoir fermé boutique à la fin des années 1970.
Dernière résidente de l’immeuble, Mme Suda est décédée en 2009 à l’âge de 100 ans. M. Kurota et son équipe ont loué l’appartement avant même que le propriétaire effectue des travaux de rénovation afin de mener des activités de conservation. Actuellement, des expositions, installations et projections artistiques qui tirent parti de l’atmosphère unique de l’appartement y sont organisées. Ils travaillent également à la création du documentaire Okuno Building Story, qui retrace l’histoire du bâtiment.
L’occasion de se tourner vers le passé
L’appartement 306 est un petit studio d’environ 13 mètres carrés, mais la décoration intérieure est remarquablement soignée : le plafond est légèrement voûté et une attention particulière a été portée à la conception des murs et du sol. Sur le rebord de la fenêtre donnant sur la rue, une jardinière permet de planter des fleurs. Autrefois même, la baie de Tokyo était visible depuis cette fenêtre. L’authenticité de l’ancien salon de beauté est conservée grâce aux miroirs accrochés à un des murs, la petite plaque de verre du support de téléphone, les affiches ou encore l’enseigne.
L’espace commun du bâtiment était également innovateur : il était équipé d’un système de chauffage dernier cri pour l’époque, d’une salle de bain commune au sous-sol dédiée aux résidents ainsi que d’une buanderie et d’un coin salon au dernier étage. C’était un symbole du style de vie urbain du début de l’ère Shôwa.
« L’immeuble Okuno était occupé par des personnes travaillant dans le monde du cinéma, comme le directeur artistique Yoshida Kenkichi, explique Nishimatsu Norihiro, un des membres du projet. Comme c’était l’un des meilleurs appartements de luxe, il a attiré de nombreux artistes et intellectuels. » Producteur d’émissions culturelles pour une chaîne de télévision, il a été attiré par le charme de l’immeuble lorsqu’il visitait une des galeries d’art.
« Le Japon a progressé en répétant le processus de scrap and build, c’est-à-dire en rasant ce qui est vieux et en construisant du nouveau. Je souhaite que l’appartement 306 soit l’occasion de revoir cette tendance et de se tourner vers le passé pour y rendre hommage. »
Lors d’un événement spécial, un coiffeur a même été invité pour faire renaître le salon de beauté.
« Ce fut une très belle expérience : les participants voyaient leur visage reflété dans les miroirs accrochés au mur depuis l’ère Shôwa, alors que leurs cheveux tombaient au fur et à mesure que le coiffeur les coupait », se remémore M. Nishimatsu. Le projet continue de documenter la vie de Mme Suda et de recueillir les témoignages des personnes qui ont vécu ou connu le bâtiment. L’actuel propriétaire de l’immeuble, M. Okuno Tsuguo, soutient le projet et y participe en tant que membre.
Très peu de bâtiments historiques subsistent à Tokyo, à l’inverse de villes comme Londres ou Paris. Parmi les raisons à cette situation – mis à part l’approche scrap and build mentionnée par M. Nishimatsu –, on peut citer les multiples révisions apportées aux normes parasismiques et à la réglementation contre les incendies, qui sont inévitables pour une ville qui a connu de nombreux séismes et les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Cet édifice du début des années 30 offre un précieux aperçu de la vie quotidienne des habitants de Ginza de l’époque.
(Reportage et texte : Okamoto Mai. Photos : Fujimoto Jin. Photo de titre : L’ascenseur à commande manuelle de l’immeuble Okuno, vu à travers la fenêtre)