Allons voir les festivals japonais !
Hetomato, un festival brutal et désordonné sur les îles Gotô
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Hetomato : le festival le plus étrange du pays ?
Voyager à travers le Japon en photographiant les différents festivals m’a convaincu que les petites îles du pays abritent les traditions les plus inhabituelles. Presque chacune sur laquelle j’ai posé les pieds possède sa propre célébration unique, voire carrément bizarres. Peut-être est-ce l’isolement de ces communautés éloignées qui donne naissance à une culture locale aussi distincte...
J’ai vécu de nombreuses fêtes étranges et merveilleuses, comprenant des mêlées d’hommes pratiquant la lutte de manière très agressive, et des traditions légèrement surréalistes, maintenues en vie par les habitants d’îles peu peuplées situées aux confins du pays.
De tous les festivals insulaires étranges au Japon, celui appelé « Hetomato », sur l’île de Fukue, faisant partie de l’archipel des Gotô dans la préfecture de Nagasaki, a toujours été particulièrement attirant pour moi. Tenu dans le quartier de Shimosakiyama lors du troisième dimanche de janvier (en 2024, le 21 janvier), Hetomato marque la première pleine lune de la nouvelle année. Les racines du festival restent quant à elles un mystère. Personne, pas même les locaux, ne semble savoir comment ni quand la mise en place du Hetomato a commencé. Les origines du mot « Hetomato » sont également inconnues.
J’ai toujours admiré la façon dont les habitants gardent la tradition vivante sans ressentir le besoin de bricoler une explication de ses origines supposées ou de son sens profond. J’étais excité de voyager sur l’île et d’avoir un aperçu de première main de ce curieux festival. Et il ne m’a pas déçu.
Des femmes célibataires prises pour cibles
Le Hetomato commence par des luttes de sumo amateur dans l’enceinte du sanctuaire Shirahama. Une fois les représentations terminées, deux femmes vêtues de kimonos ornés et perchées au sommet de barils de saké effectuent le hanetsuki, un jeu de battes et de volants traditionnellement joué au Nouvel An. Mais les choses dégénèrent rapidement à partir de ce moment.
Les rues se remplissent alors de jeunes hommes couverts de suie qui se battent frénétiquement pour la possession d’un waradama, une lourde boule de paille faite d’une corde à enroulement épais, dans un jeu appelé tamaseseri. Ce qui suit ressemble à une compilation des scènes de festivals les plus bizarres. Les choses bougent très vite, et j’ai dû redoubler d’efforts pour suivre le rythme.
Pendant cette partie agitée des festivités, des spectateurs innocents sont enduits de suie, connue localement sous le nom de hegura. Les femmes crient et courent désespérément pour échapper aux griffes sales des hommes barbouillés, tandis que de nombreux enfants sanglotent de manière incontrôlable sous le choc. J’ai subi plusieurs fois ce traitement en prenant des photos. Les victimes, sonnées et confuses, recevraient une bonne année de chance et une protection contre la maladie.
L’excitation atteint son paroxysme avec l’entrée d’un énorme waraji (sandale de paille) pesant 350 kilos. La sandale défile dans les rues, portée par les hommes les plus forts de l’île. À l’apparition de la sandale géante, les jeunes femmes commencent à paniquer - et pour cause ! Toute femme célibataire peut être attrapée et projetée sur le dessus de la sandale, avant d’être soumise à de violents chocs pendant que le cortège avance dans les rues...
J’ai vu une femme capturée juste devant mes yeux. Le regard inquiet sur son visage lorsqu’elle tentait de s’échapper, et son désespoir quand elle a finalement été rattrapée, suggèrent que cette partie des festivités n’est pas universellement populaire. La vue de la chaussure géante rebondissant lentement dans les rues, transportant une femme après l’autre, résume à elle seule cette impression d’être dans un autre monde, qui fait d’un festival insulaire comme celui-ci une expérience si inhabituelle et inoubliable. Cependant, ces scènes, qui se déroulent ici chaque année depuis des siècles, sont devenues des coutumes séculaires dignes de respect et suscitant parfois la crainte. Le festival est effréné, fort en émotions. Certains visages sont souriants, d’autres hurlants.
La célébration d’aujourd’hui rassemble plusieurs événements qui se sont déroulés dans le passé sur des jours différents, donnant à Hetomato son atmosphère riche et distincte.
Les merveilles de la nature à la fin de l’hiver
La fin de l’hiver dans les îles Gotô constitue le moment parfait pour une visite magnifique. L’air est toujours frais dans cette partie du pays, et le ciel est particulièrement clair à cette période de l’année, transformant le lever et le coucher du soleil en moments féériques. Un endroit particulièrement attrayant est la baie d’Arikawa sur Nakadôri, une île pittoresque. En regardant les bateaux sillonner les eaux cristallines, le temps semble s’arrêter.
Dans le cadre des festivités du Nouvel An, la cérémonie de passage à l’âge adulte, le Seijin-shiki, a lieu au sanctuaire d’Aokata, également situé sur l’île Nakadôri. Beaucoup de gens reviennent sur l’île pour le Nouvel An. Les jeunes hommes et femmes célébrant leur vingtième anniversaire s’habillent de leurs plus beaux costumes et kimonos, pleins d’espoirs et de rêves alors qu’ils participent à cette occasion formelle de marquer leur entrée dans la société adulte. En l’espace d’un mois, les îles Gotô permettent de vivre l’expérience d’une cérémonie solennelle et d’apprécier l’étrangeté du festival Hetomato. Ce contraste rend la visite de ces îles particulièrement agréable.
Danses obon au milieu de l’été
Chaque saison sur les îles Gotô possède ses propres charmes. En été également donc. L’archipel offre de nombreuses plages splendides, comme les eaux claires et légèrement en pente de Takahama sur l’île de Fukue. Les îles sont rayonnantes de couleurs : le beau blanc des plages, le vert dense des montagnes et les dégradés subtils du bleu de l’océan. Loin de la côte, les îles offrent également de nombreux endroits pour profiter de l’air frais et de la solitude des forêts ombragées et des bois isolés, y compris la célèbre cascade Dondon-buchi.
L’événement estival le plus connu des îles Gotô est le nenbutsu-odori pendant la période de l’obon, la fête des morts du milieu de l’été. Bien que le nom de cette danse diffère en fonction de certains lieux (chankoko sur l’île de Fukue, ômondê sur l’île de Sagano, etc.), toutes sont rythmées par une combinaison de cloches shô et de tambours taiko. Les habitants s’habillent de costumes traditionnels distinctifs pour chanter et danser au son de ces instruments. Le festival offre alors un spectacle exotique et passionnant, véritable rappel vivant de la longue histoire de ces îles en tant que vecteur d’influences culturelles venus du reste du Japon.
Les îles Gotô offrent un riche éventail d’expériences, de la beauté naturelle des paysages en été et en hiver, aux festivals uniques du mois de janvier. À chacune de mes visites en cet endroit, je me rappelle à quel point ces îles sont spéciales, et sur le ferry quittant le lieu, me voilà qui commence à planifier mon retour...
(Photographies et texte : Kuroiwa Masakazu, 96Box)