Les règles de savoir-vivre au Japon

Mais où s’asseoir ? Connaître le plan de table à la japonaise et la place d’honneur

Culture Tradition

Nous vous proposons dans cette série une vue en profondeur du savoir-vivre à la japonaise. Pour savoir où prendre place à table, dans les taxis ou dans les ascenseurs, suivez notre guide.

Prendre place selon son rang

Dans toutes les sociétés, les règles de bienséance dictent à chacun, selon son rang et son âge, la place qui lui revient. Au Japon, la place de premier rang (kamiza/jôza) est réservée à la personne la plus âgée de l’assistance, tandis que celle de dernier rang (shimoza/geza) revient au plus jeune. Le Japon est un pays où le savoir-vivre et les hiérarchies comptent, alors voici quelques conseils pour éviter les faux pas.

Principe de base : le convive le plus important s’assoit devant l’alcôve (tokonoma) et le moins prestigieux près de l’entrée. (© Pixta, édité par Nippon.com)
Principe de base : le convive le plus important s’assoit devant l’alcôve (tokonoma) et le moins prestigieux près de l’entrée. (© Pixta, édité par Nippon.com)

Que la pièce soit de style occidental ou japonais, la meilleure place est celle la plus au fond. Le plus jeune s’assoit au contraire au plus près de la porte afin d’aider le service en distribuant les boissons, passer une commande voireazvrave;ce traditionnelle, la personne la plus âgée prend place devant l’alcôve appelée tokonoma. Cette coutume remonte à la période médiévale quand dans les salles d’apparat des résidences de la classe des samouraïs, le tokonoma servait d’écrin et permettait de mettre à l’honneur l’invité de marque. Si l’hôte recevait des convives de rang inférieur, c’est lui qui prenait place devant le tokonoma. De cette époque date le protocole donnant à chacun sa place selon son rang : les règles de préséance allant de kamiza et à shimoza (de cour à jardin) permettent d’afficher les hiérarchies dans l’espace.

Dans une pièce de style shoin, un écritoire encastré se trouve à côté du tokonoma sous un oriel (ouverture sur l’extérieur faisant saillie). Photo d’une pièce de l’ancienne résidence du clan Ashimori, construite entre le XVIIe et le XVIIIe siècle à Okayama, dans la préfecture d’Okayama. (© Pixta)
Dans une pièce de style shoin, un écritoire encastré se trouve à côté du tokonoma sous un oriel (ouverture sur l’extérieur faisant saillie). Photo d’une pièce de l’ancienne résidence du clan Ashimori, construite entre le XVIIe et le XVIIIe siècle à Okayama, dans la préfecture d’Okayama. (© Pixta)

Le tokonoma abrite souvent un rouleau suspendu (kakejiku) ou une composition florale. Certaines sources affirment qu’à l’origine une statue bouddhique ou un autel étaient logés dans cette alcôve. La place d’honneur se devait d’être devant cet espace sacré.

Quand plusieurs personnes sont de la partie, la règle de préséance veut que le côté cour soit jugé plus prestigieux. Ainsi, par ordre d’importance, le deuxième convive de marque prend place à la gauche de l’invité d’honneur (kamiza), puis le troisième convive s’assoit côté jardin à la droite de l’invité d’honneur, et ainsi de suite en alternance gauche droite jusqu’en bout de table.

Pendant les repas de famille, le patriarche prend place au fond puis, par ordre de préséance, on s’assoit successivement à sa gauche puis à sa droite (côté cour puis côté jardin) en alternance, jusqu’en bout de table. (© Pixta)
Pendant les repas de famille, le patriarche prend place au fond puis, par ordre de préséance, on s’assoit successivement à sa gauche puis à sa droite (côté cour puis côté jardin) en alternance, jusqu’en bout de table. (© Pixta)

Mais il arrive qu’on déroge à ces règles. S’il y a plusieurs invités de marque, ils peuvent aussi prendre place et tous s’asseoir du côté de la place d’honneur alors que les hôtes leur font face de l’autre côté de la table. Il peut également être judicieux de placer à chaque bout de table, se faisant face, l’invité le plus important et l’hôte principal.

La taille et la forme de la table ainsi que l’espacement entre les sièges peuvent également influencer le plan de table car les convives ne doivent pas être incommodés ni se sentir à l’étroit.

Lorsque l’on reçoit dans ce type de pièce à tatami, le plus pratique est d’inviter les invités à s’asseoir au fond, au plus loin du passage. (© Pixta)
Lorsque l’on reçoit dans ce type de pièce à tatami, le plus pratique est d’inviter les invités à s’asseoir au fond, au plus loin du passage. (© Pixta)

Un héritage du protocole à la cour impériale ?

La règle de la préséance privilégiant le côté gauche remonte à l’époque Heian (794-1185). À la cour impériale, le ministre de gauche était le plus grand dignitaire, il devançait le ministre de droite. Et, puisqu’on considérait l’empereur comme le guide et le protecteur du peuple et que son trône donnait plein sud, à sa gauche se trouvait l’Est, la direction propice correspondant au soleil du matin. Ce côté gauche est donc resté comme le plus prestigieux.

Mais à l’époque moderne, la maison impériale a adopté le canon occidental privilégiant le côté droit. Dans les cérémonies officielles où la famille impériale porte des vêtements occidentaux, l’empereur ou le prince héritier prend donc place à la droite de l’impératrice ou de la princesse. Cette évolution a eu une répercussion sur les décorations de la fête du 3 mars appelée « Hina-matsuri ». Ce jour-là, on dispose plusieurs poupées représentant notamment le couple impérial. À Kyoto, la figure masculine est disposée côté cour et sa compagne est placée à sa droite. Mais de nos jours, dans la majeure partie du pays la position de ces deux figurines est inversée et correspond aux canons occidentaux.

(En haut) Le couple de figurines (poupées hina) est disposé traditionnellement dans le style de Kyoto avec le personnage masculin côté cour (à main gauche de sa compagne). De nos jours, la position est généralement inversée. (© Pixta)
(En haut) Le couple de figurines (poupées hina) est disposé traditionnellement dans le style de Kyoto avec le personnage masculin côté cour (à main gauche de sa compagne). De nos jours, la position est généralement inversée. (© Pixta)

Et dans les pièces de style occidental ?

En Occident, on faisait s’asseoir les invités devant l’âtre pour qu’ils puissent profiter de la chaleur. Sur la cheminée on posait des photos ou des bibelots. Si la cheminée était sans linteau, ses objets étaient déposés sur une étagère adjacente et l’on y plaçait le meilleur fauteuil de la maisonnée.

Dans les entreprises japonaises, les murs de la salle destinée à recevoir des clients et interlocuteurs sont généralement ornés de tableaux. La moindre des choses est de faire s’asseoir les visiteurs de manière à ce qu’ils profitent de la vue. De même, si la fenêtre donne sur un beau paysage, on leur proposera de prendre place là où ils pourront contempler le panorama.

(En haut) Si les fenêtres donnent sur un beau paysage, il peut être judicieux de faire s’asseoir les invités de marque du côté de l’entrée. (En bas) Même s’il n’y a qu’un seul visiteur, on lui proposera de s’asseoir sur le canapé. (© Pixta, édité par Nippon.com)
(En haut) Si les fenêtres donnent sur un beau paysage, il peut être judicieux de faire s’asseoir les invités de marque du côté de l’entrée. (En bas) Même s’il n’y a qu’un seul visiteur, on lui proposera de s’asseoir sur le canapé. (© Pixta, édité par Nippon.com)

En entreprise, dans la pièce servant à recevoir les clients, le mobilier se compose généralement de deux fauteuils faisant face à un canapé où prennent place les visiteurs. Il peut être dérangeant d’avoir un canapé entier pour soi tout seul, mais l’hôte souhaite juste offrir le meilleur confort possible et il ne faudrait pas rejeter cette marque d’attention.

En attendant, on s’assoit de préférence sur le bord du canapé afin de pouvoir se lever prestement quand l’hôte arrive et fait les salutations d’usage. Puis on se lève et reste debout un bref instant, afin que l’hôte n’ait pas l’impression de fatiguer son interlocuteur.

Dans ce type de pièce, le canapé est toujours placé au plus loin possible de l’entrée. Les visiteurs qui y prennent place peuvent profiter du tableau ou de la plante verte placés là à dessein. (© Pixta)
Dans ce type de pièce, le canapé est toujours placé au plus loin possible de l’entrée. Les visiteurs qui y prennent place peuvent profiter du tableau ou de la plante verte placés là à dessein. (© Pixta)

Dans les ascenseurs et les taxis

Les ascenseurs relevant du monde moderne, la bienséance obéit aux canons occidentaux. Le côté droit passe donc pour être plus prestigieux. Ainsi par ordre de préséance, les visiteurs de marque trouvent place au fond de l’ascenseur dans l’angle droit, puis dans l’angle gauche. Le plus jeune est au plus près des portes, à gauche (sauf si les boutons sont à droite).

Une personne de l’équipe se placera près des boutons de l’ascenseur. (© Pixta, édité par Nippon.com)
Une personne de l’équipe se placera près des boutons de l’ascenseur. (© Pixta, édité par Nippon.com)

De même, quand on monte dans un ascenseur à plusieurs, la règle veut que la personne la plus importante soit au fond à droite et que la moins importante se place près des boutons.

Plutôt que d’appuyer à plusieurs reprises sur le bouton « ouvrir », il est préférable de bloquer les portes avec sa main afin d’éviter qu’elles ne se referment inopinément. (© Pixta)
Plutôt que d’appuyer à plusieurs reprises sur le bouton « ouvrir », il est préférable de bloquer les portes avec sa main afin d’éviter qu’elles ne se referment inopinément. (© Pixta)

Enfin, un mot sur les règles de savoir-vivre en voiture. À l’instar de l’ascenseur, l’automobile relève de la modernité et des codes occidentaux. Ainsi, le visiteur de marque s’installe à droite, à l’arrière du véhicule. Et si trois personnes doivent prendre place sur la banquette arrière, celui qui est au plus bas de l’échelle hiérarchique s’assoit au milieu car le siège est moins confortable.

Préséance dans un taxi ou une voiture de location (© Pixta, édité par Nippon.com)
Préséance dans un taxi ou une voiture de location (© Pixta, édité par Nippon.com)

Comme les voitures roulent à gauche au Japon, les passagers montent par le côté gauche du véhicule. Conformément à la règle, le visiteur le plus important doit s’asseoir tout à droite, sauf si c’est une personne âgée, blessée ou portant un kimono, car il est alors judicieux de lui proposer plutôt le côté gauche.

Les règles de savoir-vivre sont là pour garantir le meilleur confort et la plus grande sécurité. Pour s’assurer de bonnes relations, il est parfois utile d’assouplir les règles pour s’adapter aux circonstances.

Dans un taxi, quand on accompagne un visiteur (même s’il est seul), il est de bon ton de s’asseoir sur le siège passager à côté du conducteur afin de donner les indications au chauffeur et payer le prix de la course en toute discrétion. (© Pixta)
Dans un taxi, quand on accompagne un visiteur (même s’il est seul), il est de bon ton de s’asseoir sur le siège passager à côté du conducteur afin de donner les indications au chauffeur et payer le prix de la course en toute discrétion. (© Pixta)

(Article supervisé par Shibazaki Naoto, professeur associé à l’Université de Gifu, spécialiste des études sur la psychologie des bonnes manières et conseiller pour les enseignants dans ce domaine. Photo de titre © Pixta)

tradition culture