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Des hommes nus devant les dieux : trois grands festivals « hadaka-matsuri »

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Haga Hinata [Profil]

Le festival nu (hadaka-matsuri) est une très vieille tradition qui considère que lorsque l’on supplie les divinités, il faut se présenter nu comme à la naissance, et sans aucune souillure. En voici trois célèbres et impressionnants, capturés par un photographe de renom.

« À poil » devant les divinités

Pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, les festivals nus (hadaka-matsuri) doivent paraître assez excentriques. Beaucoup de ces événements ont lieu en plein hiver, où la fin de l’année et le Nouvel An servent d’occasion pour se débarasser des impuretés de la période passée. Quand les participants, principalement des hommes, se baignent dans de l’eau froide purifiante, la vapeur s’élève de leur corps et galvanise les spectateurs.

Le hadaka-matsuri est une très vieille tradition qui considère que lorsque l’on supplie les divinités, il faut se présenter nu comme à la naissance, et sans aucune souillure. Avant la cérémonie, les participants évitent de manger de la viande et purifient leur corps en s’aspergeant d’eau froide à l’extérieur, puis ils s’affrontent dans des combats rituels en exposant leur peau parfaitement propres.

Les festivals nus qui ont lieu en clôture des cérémonies du Nouvel An, appelés Shûshô-e, sont parmi les plus intenses. Durant la cérémonie du kechigan, tenue le dernier jour, une énorme mêlée symbolise la prière pour le bonheur du peuple.

Le Somin-sai du temple Kokuseki-ji

(Troisième samedi de février, ville d’Ôshû, préfecture d’Iwate ; l’année 2024 a marqué la dernière édition de ce festival dans sa forme traditionnelle. Plus de détails ci-dessous.)

Les participants s’aspergent d’eau pour se purifier.
Les participants s’aspergent d’eau pour se purifier.

Selon une ancienne légende, un homme du nom de Somin Shôrai a été remercié par les divinités pour son aide, en recevant une protection éternelle contre tous les dangers. Cette histoire s’est transformée en une croyance populaire et, à travers le pays, les gens ont pris l’habitude d’afficher devant leur porte une feuille de papier où ils ont écrit « Nous sommes les descendants de Somin Shôrai », en tant que prière pour une vie paisible. Au fil des ans, cette pratique s’est transformée en une manifestation nue appelée Somin-sai (festival de Somin) qu’on retrouve un peu partout dans la région du nord-est, et tout particulièrement dans la préfecture d’Iwate.

L’un des plus anciens et plus grands de ces festivals est organisé au temple Kokuseki-ji, dans la ville d’Ôshû (préfecture d’Iwate). Les participants se bousculent pour attraper le Somin-bukuro, un sac qui protège contre la mauvaise fortune et la maladie, et garantit de bonnes récoltes. Le sac contient des petits morceaux de bois d’environ trois centimètres de long qu’on dit imprégnés de l’énergie de Somin Shôrai. Dans le passé, le kechigan avait lieu le jour du Nouvel An lunaire mais plus récemment, il se déroule le troisième samedi de février.

Des jeunes hommes grimpent sur un tas de bâtons de prière, et chantent des chansons folkloriques, entourés de feu et de fumée.
Des jeunes hommes grimpent sur un tas de bâtons de prière, et chantent des chansons folkloriques, entourés de feu et de fumée.

Dans la version traditionnelle du festival, les participants se dévêtissent dans la nuit glaciale et se purifient le corps dans la rivière avant de prier dans les pavillons Yakushi-dô et Myôken-dô du temple principal. Après trois séries de prières, on fait sonner la cloche de l’édifice puis on met le feu à un grand tas de bois de pin devant le pavillon principal du temple. La puissance du feu sert à purifier davantage les participants. Pendant tout ce temps, les hommes crient Jassô ! Joyasa ! (À bas le mauvais sort !), donnant l’impression qu’ils sont entrés en transe.

Avec un masque de démon oni à l’envers accroché dans le dos, les enfants sont portés par des adultes.
Avec un masque de démon oni à l’envers accroché dans le dos, les enfants sont portés par des adultes.

Au moment où deux garçonnets de sept ans terminent leurs prières, la bousculade commence dans le pavillon principal du temple. Un combat corps à corps démarre entres tous ces hommes nus dans le lieu bondé pour être les premiers à saisir le sac d’amulettes.

La dernière édition de la version traditionnelle du Somin-sai s'est tenue en 2024.
La dernière édition de la version traditionnelle du Somin-sai s’est tenue en 2024.

L’ultime « bataille » a lieu à l’extérieur du pavillon, dans la neige. La centaine d’hommes restants se dirigent dans la cohue vers la destination finale à environ deux kilomètres de là. Après une dégringolade sur une pente enneigée, la personne qui tient encore le sac d’amulettes en main est déclarée gagnante (tori-nushi), mettant ainsi fin au Somin-sai. Les hommes se rhabillent et retournent à leur vie de tous les jours...

Pendant plus d’un millénaire, les hommes qui participaient au festival étaient complètement nus. Cependant, les mœurs ayant changé, ils ont commencé à porter un pagne (fundoshi) à partir de 2007. Puis est arrivée la triste nouvelle : le festival 2024 serait le dernier. Les participants prenaient de l’âge et il ne restait plus que neuf familles de fidèles, ce qui n’était plus assez pour assurer l’organisation et fabriquer les amulettes selon les méthodes traditionnelles. Beaucoup ont déploré la fin de cette longue tradition tout en exprimant l’espoir qu’elle renaîtrait un jour.

Le vainqueur de la dernière « bataille », le 17 février 2024,  en était ému jusqu’aux larmes : « Je n’avais jamais vu autant de monde. C’était un festival magnifique que je n’oublierai jamais. »
Le vainqueur de la dernière « bataille », le 17 février 2024, en était ému jusqu’aux larmes : « Je n’avais jamais vu autant de monde. C’était un festival magnifique que je n’oublierai jamais. »

Suite > Le festival Eyô du temple Saidai-ji

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Haga HinataArticles de l'auteur

Photographe des festivals au Japon et dans le monde. Né en 1956, il dirige la Bibliothèque Haga, où sont archivés des photographies et autres matériaux liés aux festivals et aux arts populaires du spectacle. Membre de la Société des photographes professionnels du Japon, de l’Association japonaise des écrivains du voyage et de l’Association japonaise des arts populaires du spectacle.

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