Allons voir les festivals japonais !

Raihô-shin, les divinités en visite : trois festivals pendant les saisons froides

Tradition Tourisme

Dans la nuit du 31 décembre, d’effrayantes créatures débarquent dans les foyers d’une petite ville du nord du Japon pour discipliner les enfants. Ce rituel est l’un des trois festivals de divinités en visite, ou “raihô-shin”, que nous vous présentons ici.

La visite des divinités au tournant de l’année

Les Japonais ont toujours cru que les divinités (kami) protectrices sont constamment présentes parmi nous, dans la nature, les maisons, les sanctuaires, et ailleurs. Certaines de ses divinités viennent en visite au tournant des saisons. Par exemple, une décoration traditionnelle de fin d’année kadomatsu suspendue à la porte d’une maison ou d’une entreprise peut leur servir d’invitation à sortir du monde des esprits.

Les kami sont, en principe, invisibles, mais il leur arrive de prendre une forme humaine pour rendre visite au monde matériel. Les Raihô-shin font partie de ces derniers. Nous vous présentons ici des rituels traditionnels dans trois parties du Japon, où des kami masqués et costumés viennent visite les foyers.

Oga Namahage, des démons pour discipliner les enfants

(31 décembre, ville d’Oga, préfecture d’Akita)

Les masques de démon ornés de défenses diffèrent selon les régions.
Les masques de démon ornés de défenses diffèrent selon les régions.

Durant la nuit du 31 décembre, des démons appelés namahage rôdent dans la péninsule d’Oga, dans la préfecture d’Akita. Ils font irruption dans les maisons, tapant des pieds toujours chaussés pour faire du bruit, et brandissant d’effrayants grands couteaux. Ils s’écrient « Y a-t-il des enfants pleurnichards ici ? » et se mettent à courir derrière ces petits qui hurlent de terreur, et les prennent dans leurs bras.

Un homme du coin se remémore sa propre expérience des namahage quand il était enfant : « J’ai entendu des cris qui se rapprochaient de la maison et j’étais tétanisé quand ils sont rentrés chez nous. Ils savaient tout ce que j’avais fait de mal et m’ont demandé si j’avais séché mes cours et si j’avais fait des excuses à ma mère pour avoir cassé un plat. J’étais muet de terreur. Ce n’est qu’au collège que j’ai enfin compris que c’était des jeunes du coin qu’on avait bien informé à l’avance. Et une fois au lycée, je suis devenu namahage à mon tour. »

Les namahage sont vêtus de capes en paille appelées kede, fabriquées avez la paille de la récolte de riz de l’année. Les bouts de paille qui tombent à l’intérieur des maisons sont considérés porteurs de chance.
Les namahage sont vêtus de capes en paille appelées kede, fabriquées avez la paille de la récolte de riz de l’année. Les bouts de paille qui tombent à l’intérieur des maisons sont considérés porteurs de chance.

Les « couteaux » que les namahage brandissent sont en fait des outils appelés namomo qu’on utilise pour soigner les cloques, considérées comme un signe de paresse (témoignant de trop de temps passé près du foyer ou de la table chauffante kotatsu !). Le mot namahage provient en réalité de namomihagi, qui signifie « enlever les cloques ».

Lorsque les namahage débarquent, le maître de maison leur sert un repas solennel et les assurent que « les enfants font bien leurs devoirs et ne sont pas pleurnichards ». Après leur tournée, les namahage disparaissent le jour du Nouvel An, au moment où l’on entend les premiers cocoricos.

On sert à manger et à boire aux namahage pour apporter la fortune.
On sert à manger et à boire aux namahage pour apporter la fortune.

Malheureusement, cette tradition du réveillon si familière et appréciée rencontre des problèmes, et de plus en plus de familles refusent les visites. Les maisons modernes n’ont souvent pas de pièce assez grande. En outre, cela dérange certains que les namahage entrent sans se déchausser et salissent l’intérieur du foyer. D’autres pensent que cela fait trop peur aux enfants, ou ne veulent pas être dérangés quand ils regardent la télévision. Les namahage tentent donc de faire plus en plus attention, s’arrêtant à l’entrée des habitations, grondant peu les enfants et chantant des chansons avec eux. Je trouve cela bien dommage qu’il reste moins d’une centaine de familles qui continuent cette ancienne tradition.

La tradition veut que seuls les hommes non mariés jouent le rôle de namahage, mais en raison du vieillissement de la population, il n’y a pas toujours assez de jeunes.
La tradition veut que seuls les hommes non mariés jouent le rôle de namahage, mais en raison du vieillissement de la population, il n’y a pas toujours assez de jeunes.

Hana matsuri, un démon rouge à la hache

(Entre novembre et janvier, selon l’endroit ; Tôei, Toyone et Shitara, préfecture d’Aichi)

L’instant où l’homme devient divinité. Mettre le masque offre une force mystérieuse à la personne.
L’instant où l’homme devient divinité. Mettre le masque offre une force mystérieuse à la personne.

Il y avait peu de mouvements de population dans les villages de montagne reculés des préfectures d’Aichi, Nagano et Shizuoka, et de ce fait, les traditions du folklore populaire transmises par les pratiquants du shugendô (ascèse en montagne) depuis l’époque médiévale restent inchangées. L’une de ces pratiques, appelée Hana matsuri (« Festival des fleurs »), perdure dans 14 villages d’Oku-Mikawa, dans la partie est de la préfecture d’Aichi.

Il s’agit ici d’une série de danses sacrées, les kagura, qui font partie des rites artistiques du shintoïsme. On croyait que l’âme humaine perdait de ses forces durant la période hivernale, quand les jours étaient les plus courts entre novembre et janvier, et avait donc besoin du souffle des dieux pour se restaurer. Le festival a lieu pendant cette saison à travers la région.

Il est dit que toutes les divinités du pays sont rassemblées dans la vapeur émise par ce chaudron. Les gens reprennent des forces quand ils sont aspergés de cette eau sacrée.
Il est dit que toutes les divinités du pays sont rassemblées dans la vapeur émise par ce chaudron. Les gens reprennent des forces quand ils sont aspergés de cette eau sacrée.

Durant le festival, un chaudron est posé à terre et rempli d’eau qu’on fait bouillir. Au son de flûtes et de tambours japonais (taiko), les gens chantent « teehohe, tehohe » tandis que d’autres exécutent des danses votives toute la nuit.

Vers quatre heures du matin, la tonalité de la musique se fait soudain plus grave et le rythme ralentit, créant une atmosphère mystérieuse. C’est alors que fait irruption le sakaki-oni, un démon vêtu entièrement de rouge, portant une énorme hache, suivi de plusieurs démons plus petits, tous dégageant une impression de grande force. Le sakaki-oni est l’incarnation de la divinité des montagnes, et il est vénéré dans la région.

L’imposant masque du démon pèse plus de cinq kilos. Le visage diffère selon le lieu. Celui-ci vient de la ville de Tôei.
L’imposant masque du démon pèse plus de cinq kilos. Le visage diffère selon le lieu. Celui-ci vient de la ville de Tôei.

Le sakaki-oni tape des pieds devant le chaudron avec des mouvements lents et délibérés, et ainsi chasse les mauvais esprits de la terre. Il brandit ensuite sa hache, mais après avoir perdu une joute verbale avec le maitre des cérémonies, il se transforme en gentil démon. Il continue en faisant la tournée des maisons, et apporte la santé là où il trouve des gens malade. Sa mission achevée, il reprend le chemin des montagnes enneigées...

Le sakaki-oni chasse les maux en posant le pied là où les gens souffrent.
Le sakaki-oni chasse les maux en posant le pied là où les gens souffrent.

Sonai no Shichi, une tradition de cinq siècles à Okinawa

(Un festival de trois jours qui commence le jour du sanglier de bois aux alentours du dixième mois de l’ancien calendrier ; À Taketomi, île de Iriomote, préfecture d’Okinawa)

La divinité Miruku mène la procession le long de la plage.
La divinité Miruku mène la procession le long de la plage.

C’est à Iriomote où les premières plantations de riz de l’année ont lieu, en février, en raison de sa situation géographique tropicale. Une fois la moisson terminée, aux environs d’octobre selon l’ancien calendrier lunaire, on fête le « Nouvel An des rizières ». Depuis plus de 500 ans se tient un festival au village de Sonai, situé dans la partie nord-ouest de l’île, pour remercier les divinités d’une moisson généreuse et prier pour une bonne récolte l’année suivante.

Au deuxième jour du festival, une divinité appelée Miruku apparaît d’au-delà de la mer pour répandre le bonheur. Elle serait l’incarnation de Miroku Bosatsu, le bodhisattva du futur, appelé Maitreya en sanskrit. Il est vénéré à Okinawa.

La cérémonie à la salle publique, où un homme enfile le masque et se transforme en Miruku.
La cérémonie à la salle publique, où un homme enfile le masque et se transforme en Miruku.

Durant la cérémonie, Miruku prend la forme d’un homme du village pour rejoindre l’île. Vêtu de jaune et portant un masque arborant un grand sourire, il se dirige vers la plage, accompagné de divinités femelles appelées fudachimi, habillées de noir, et d’une procession appelée angâ de jeunes femmes. Un orchestre constitué de flûtes, taiko, et shamisen les suit.

Arrivé à la plage, Miruku se laisse porter par le rythme envoûtant de la musique traditionnelle d’Okinawa et se dirige lentement, un grand éventail à la main, vers les gradins de la scène. Les gens du village présentent des danses et des combats au bâton, et puis Miruku les remercie avec une danse pour leur apporter bonheur.

Miruku est suivi des divintés fudachimi et d'une procession angâ.
Miruku est suivi des divintés fudachimi et d’une procession angâ.

Pendant ce temps, deux bateaux commencent une course en mer. Ils apportent la bonne fortune du Nouvel An et se dirigent vers la plage où les jeunes femmes font de grands signes pour les attirer. Miruku reste parmi eux jusqu’à la nuit tombée, puis vient le rituel où il enlève son masque et redevient un villageois.

La course de bateaux est le clou de la journée.
La course de bateaux est le clou de la journée.

(Les dates indiquées sont celles où le festival a habituellement lieu. Photo de titre : le festival Oga namahage, préfecture d’Akita. Toutes les photos : © Haga Library)

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