Gilyak Amagasaki, ou les danses endiablées d’un artiste de rue japonais
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France, Chine, Corée du Sud, Russie... Chacun de ces pays a connu les incroyables performances de Gilyak Amagasaki. À Paris, il a dansé au milieu des Champs-Élysées jusqu’à ce que la police arrête sa prestation pour lui demander de porter des vêtements exposant un peu moins son corps qu’un simple pagne fundoshi rouge.
Dans les régions touchées par d’énormes catastrophes – citons le séisme de Kobe en 1995, le Grand tremblement de terre de l’Est du Japon en 2011, ou le Ground Zero à New York – il a exécuté sa « danse de prière » pour la pacification des âmes des victimes.
Né Amagasaki Katsumi, cet individu hors du commun a choisi un nom de scène très distinctif, Gilyak, car c’est un clin d'œil à sa ressemblance physique avec le peuple Gilyak, ou Nivkh, originaire de Russie et vivant notamment sur l’île de Sakhaline.
Il a lancé sa carrière d’artiste de rue (daidôgei en japonais) il y a près d’un demi-siècle à Sukiyabashi, dans le quartier de Ginza à Tokyo. Il était alors âgé d’une trentaine d’années, et depuis, il ne survit que grâce aux contributions de son public. Durant l’été 2019, j’ai vu Gilyak danser sur la place de Daimon, à Hakodate, non loin de l’endroit où il a grandi. Ce jour-là, il a fait son entrée dans un fauteuil roulant, en séparant un large groupe de personnes. En effet, la maladie de Parkinson le prive lentement du contrôle de son corps. Il nous a alors parlé avec émotion de sa conviction : c’est le fait d’être né dans la région de Hakodate qui a fait de lui l’artiste qu’il est aujourd’hui. Il a ensuite abandonné son fauteuil roulant et a commencé à interpréter ses œuvres les plus connues, notamment « Une invocation jongara » (Nenbutsu jongara), « Duel » (Hatashiai) et « Une vie en jongara » (Jongara ichidai).
Parfois, il se prosternait tel un moine bouddhiste tibétain en prière ; à d’autres moments, il serrait la main d’un spectateur ou prenait dans ses bras un enfant, se plaçant en totale osmose avec les gens qui l’entouraient.
Quand il était plus jeune, il n’hésitait pas à se verser carrément un seau d’eau sur la tête, mais aujourd’hui, il utilise une simple bouteille d’eau. Ce récital de danse en plein air a depuis ses premières représentations suscité des applaudissements et des rires, auxquels s’ajoutait un tas de pièces de plus en plus conséquent. L’élégance de Gilyak était écrasante.
La performance dans sa ville natale s’est terminée par un duo avec le maître de Tsugaru-jamisen (instrument à cordes traditionnel de la péninsule de Tsugaru) Takahashi Chikuzan II. L’œuvre bien connue de Gilyak « Une vie en jongara », parle du premier Takahashi Chikuzan, un musicien aveugle qui allait de maison en maison jouer de son shamisen afin de gagner un peu d’argent. Alors que les cordes du shamisen résonnaient, Gilyak Amagasaki menait une danse endiablée. C’était un retour triomphant dans sa région d’origine.
« J’ai encore beaucoup à apprendre. J’ai envie de danser plus sensuellement. » Uniquement vêtu de son fundoshi rouge, le mode de vie qu’il nous a décrit était magnifique.
(Toutes les photos sont de l’auteur)