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Au-delà de Hachikô : d’autres statues de chien japonais aux histoires poignantes

Tourisme Culture

Amano Hisaki [Profil]

Si la statue de Hachikô est certainement l’une des statues de chien les plus célèbres au monde, le Japon regorge d’autres monuments à la mémoire de ces fidèles compagnons. Découvrons quelques-unes de ces œuvres, derrière lesquelles se cache toujours une histoire émouvante.

Les chiens pèlerins du sanctuaire d’Ise (ville d’Ise, préfecture de Mie)

Le grand sanctuaire d’Ise est une figure parmi les quelque 80 000 sanctuaires au Japon. Dans les boutiques jalonnant le chemin de pèlerinage vers l’édifice se trouve un magasin de souvenirs particulièrement apprécié, Ise Sekiya Honten. Son attrait principal est certainement la statue Hishaku Dôji, représentant un chien monté par un petit enfant tenant une louche hishaku. Son créateur, Yabuuchi Satoshi, a laissé une explication sur le piédestal :

« Il y a longtemps, de nombreuses personnes rêvaient de pouvoir faire le pèlerinage d’Ise. Ceux ne pouvant s’y rendre en personne pouvaient confier ce rêve à un chien. Il n’était pas rare d’en voir sur le chemin menant au sanctuaire portant des louches hishaku sur leur dos, ils étaient soignés par des compagnons de route. L’enfant représenté sur la statue incarne la bonté du chien. »

Hishaku Dôji devant le magasin Ise Sekiya Honten (avec l’aimable autorisation d’Ise Sekiya Honten)
Hishaku Dôji devant le magasin Ise Sekiya Honten (avec l’aimable autorisation d’Ise Sekiya Honten)

Avec l’achèvement de la route Tokaidô durant l’époque d’Edo (1603-1868), le pèlerinage d’Ise est devenu un évènement majeur suscitant un engouement certain chez les gens du peuple. Tous les 60 ans, un pèlerinage majeur, appelé okage-mairi, attirait la foule dans les rues. Ceux ne pouvant s’y rendre par faute de moyen ou à cause d’une santé fragile envoyaient alors leur chien (qui étaient appelés okage-inu, chiens pèlerins).

Les premières mentions de ces chiens remontent à 1771. Un prêtre en chef raconte qu’il reçut un chien à la place de son maitre, Takada Zen’emon, de la province de Yamashiro (correspondant aujourd’hui à Kyoto).

Ces chiens portaient généralement des étiquettes avec le nom et l’adresse de leurs maitres, ainsi qu’un peu d’argent autour du cou.

Bien sûr, n’y étant jamais allés, les chiens n’avaient aucune idée de la localisation des sanctuaires. Les pèlerins ont alors mis en place un système de relai afin de les guider d’un village à l’autre. Il était coutume de croire que l’attention portée aux chiens attirait les faveurs des divinités, et de ce fait, très peu s’osaient à voler l’argent.

Une estampe ukiyo-e de l’artiste Utagawa Hiroshige, intitulée Yokkaichi, Hinaga-mura oiwake, sangûdô (Yokkaichi : Jonction des routes vers le sanctuaire Ise, à Hinaga). (Avec l’aimable autorisation du MoMA de New York)
Une estampe ukiyo-e de l’artiste Utagawa Hiroshige, intitulée Yokkaichi, Hinaga-mura oiwake, sangûdô (Yokkaichi : Jonction des routes vers le sanctuaire Ise, à Hinaga). (Avec l’aimable autorisation du MoMA de New York)

En 1870, des restrictions sur la possession de chiens ont été appliquées dans l’Archipel, forçant les propriétaires à être plus prudents dans la gestion de leurs canidés. Ces restrictions sonnèrent le début de la fin pour les okage-inu.

150 ans après toutefois, ces chiens sont redevenus un sujet d’actualité grâce à une boutique située dans le quartier d’Okage-yokochô, près de l’entrée du sanctuaire d’Ise. Ici, les propriétaires peuvent parer leurs chiens des accessoires typiques des okage-inu comme les cordes sacrées shimenawa pour aller se promener dans les alentours. En supplément, ils reçoivent même une amulette de protection contre les maladies.

[à gauche]  Un okage-inu contemporain en promenade dans le quartier d'Okage-yokochô. [à droite] Les populaires accessoires de téléphone à l’effigie de ces chiens. (Avec l'aimable autorisation d'Okage-yokochô)
[à gauche] Un okage-inu contemporain en promenade dans le quartier d’Okage-yokochô. [à droite] Les populaires accessoires de téléphone à l’effigie de ces chiens. (Avec l’aimable autorisation d’Okage-yokochô)

Chirori, pionnière de la thérapie canine au Japon (Tokyo)

À seulement 5 minutes à pied de la station de métro, les rues animées de Ginza vous mèneront au parc paisible de Tsukiji River Ginza Park, près du théâtre Kabuki-za. Ici se tient une statue d’une chienne avec ses chiots. C’est un monument à la mémoire de Chirori, une chienne errante qui devint la première à avoir servi dans la thérapie canine.

Chirori et ses chiots à l’entrée du parc, près de la maison de retraite ou elle exerçait. (Nippon.com)
Chirori et ses chiots à l’entrée du parc, près de la maison de retraite ou elle exerçait. (Nippon.com)

Les chiens de thérapie apportent le réconfort aux patients des maisons de retraite et aux malades. De nombreux rapports font état de leurs bienfaits sur la stabilité émotionnelle, l’amélioration de la démence, mais aussi sur la récupération après un accident vasculaire cérébral.

Durant l’été 1992, alors que Chirori allait être euthanasiée, elle a été sauvée par Ôki Tôru, musicien et fondateur d’International Therapy Dog Association. Malgré son passé de chien errant à la patte boiteuse, elle a aidé les personnes âgées et malades pendant plus d’une décennie avant de s’éteindre au printemps 2006.

Son atout charme était dans son regard attendrissant, touchant le cœur des patients.

Nombreux sont les récits de personnes s’engageant en thérapie simplement dans l’espoir de caresser la chienne. D’autres ont vu leur main paralysée bouger à nouveau, certains ont même retrouvé l’usage de la parole, voire la volonté de vivre.

Cependant, le plus grand accomplissement de Chirori c’est celui d’avoir ouvert le chemin de la thérapie canine pour les autres chiens abandonnés, nous dit Ôki Tôru.

« Quand j’ai visité les hôpitaux après la catastrophe de Fukushima en 2011, beaucoup de gens connaissaient déjà les chiens de thérapie et ils m’ont accueilli à bras ouverts. Ceux qui avaient perdu leur fidèle compagnon dans le tsunami prenaient des photos de leur animaux tout en serrant nos chiens dans leurs bras. »

Hasegawa Satokichi étreignant Chirori. Après qu’elle l’a aidé dans sa rééducation, il recommença à se tenir debout seul alors qu’il avait besoin jusqu’à présent de soin intensifs. Ôki Tôru se tient à gauche. (Avec l’aimable autorisation de International Therapy Dog Association)
Hasegawa Satokichi étreignant Chirori. Après qu’elle l’a aidé dans sa rééducation, il recommença à se tenir debout seul alors qu’il avait besoin jusqu’à présent de soin intensifs. Ôki Tôru se tient à gauche. (Avec l’aimable autorisation de International Therapy Dog Association)

(Photo de titre : 15 statues de bronze au musée des Sciences polaires, réalisées par Andô Satoshi, le même artiste à qui l’ont doit la statue de Hachikô, à Shibuya. Nippon.com)

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Amano HisakiArticles de l'auteur

Né à Akita en 1961, Amano Hisaki est diplômé de l’université Waseda (département d'économie de la faculté des sciences politiques et économiques) et de l’université pour étrangers de Pérouse (département langue et culture italiennes). Il a travaillé une vingtaine d’années comme journaliste sportif au Mainichi Shimbun avant de devenir traducteur et rédacteur freelance.

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