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Au-delà de Hachikô : d’autres statues de chien japonais aux histoires poignantes

Tourisme Culture

Si la statue de Hachikô est certainement l’une des statues de chien les plus célèbres au monde, le Japon regorge d’autres monuments à la mémoire de ces fidèles compagnons. Découvrons quelques-unes de ces œuvres, derrière lesquelles se cache toujours une histoire émouvante.

Une histoire tragique : les chiens de la première expédition japonaise de recherche en Antarctique

À l’ouest de Tokyo, dans la ville de Tachikawa, le musée des Sciences polaires abrite 15 statues de huskys des îles Sakhaline, rassemblés à la mémoire des chiens laissés en Antarctique lors de la première expédition japonaise en 1957-58.

Appelée Karafuto-ken en japonais, cette race tient son appellation de l’ancien nom utilisé pour les îles Sakhaline, à savoir Karafuto. Ils ont longtemps été employés comme chiens de travail à Hokkaidô de par leur résilience aux températures glaciales, leur obéissance sans faille et leur force physique. Ils peuvent tenir jusqu’à deux semaines sans manger.

Lorsque les autorités ont porté leur choix sur cette race afin de tirer les traineaux en Antarctique, ils en ont sélectionné 40 parmi les quelque 1 000 chiens présents à Hokkaidô pour les entraîner. Au final, seulement 20 d’entre eux sont partis.

En février 1958, le mauvais temps a sonné l’annulation de l’arrivée de l’équipe de remplacement et le rapatriement de celle présente à la base Shôwa. Les 15 chiens survivants, eux, ont été abandonnés à leur sort.

Une nouvelle expédition a été envoyée en janvier de l’année suivante, qui a eu l’heureuse surprise de voir que deux d’entre eux, Taro et Jiro, avaient réussi à se détacher de leurs chaînes et à survivre. Leur histoire miraculeuse inspira le film Nankyoku Monogatari (Antartica), repris en 2006 sous le nom d’Antartica, prisonniers du froid, ce qui a valu à la race une renommée internationale au cours des dernières décennies.

À gauche, les statues de Taro et Jiro devant Fuji, le bateau d’exploration de l’Antarctique dans le port de Nagoya. À droite, une photo des deux compères. (Jiji)
À gauche, les statues de Taro et Jiro devant Fuji, le bateau d’exploration de l’Antarctique dans le port de Nagoya. À droite, une photo des deux compères. (Jiji)

En septembre 1959, la Société japonaise pour la prévention de la cruauté envers les animaux a dédié un monument à la gloire de ces 15 chiens au pied de la tour de Tokyo. Elles ont ensuite été déplacées pour cause de travaux, puis finalement offertes au NIPR (National Institute of Polar Research) qui a décidé de leur emplacement actuel, symbole de réunion entre ces fidèles compagnons et l’équipe d’expédition pour la recherche en Antarctique.

À gauche, les 15 statues de bronze au NIPR réalisées par Andô Takeshi, l’artiste à qui l’on doit également la célèbre statue de Hachikô à Shibuya. (Nippon.com). À droite, une photo de l’époque où elles étaient au pied de la tour de Tokyo. (Jiji)
À gauche, les 15 statues de bronze au NIPR réalisées par Andô Takeshi, l’artiste à qui l’on doit également la célèbre statue de Hachikô à Shibuya. (Nippon.com). À droite, une photo de l’époque où elles étaient au pied de la tour de Tokyo. (Jiji)

Bunkô, survivant des flammes (ville d’Otaru, préfecture de Hokkaidô)

Avec ses entrepôts en brique rouge et son atmosphère pittoresque, la ville d’Otaru à Hokkaidô conserve le charme de sa gloire d’antan. Devant un bâtiment situé en bord de canal se situe l’ancien entrepôt d’Otaru. On y trouve une statue de bronze particulièrement célèbre parmi les touristes, celle du chien Bunkô.

La statue de Bunkô, érigée en 1893 (Pixta)
La statue de Bunkô, érigée en 1893 (Pixta)

D’origine mixte, il était membre à part entière de la caserne de pompiers d’Otaru. On raconte qu’il était toujours le premier à se manifester dès qu’un appel était reçu, grimpant sur le rebord du véhicule. Il aurait ainsi accompagné les pompiers plus d’un millier de fois ! Les journaux, magazines et émissions de radios louaient les exploits d’un chien courageux, faisant fuir les gens trop curieux ou encore portant le tuyau d’incendie dans sa gueule.

Bunkô avait même appris à descendre et monter du véhicule de pompiers à la demande. (Avec l’aimable autorisation du quartier général des pompiers de la ville d’Otaru)
Bunkô avait même appris à descendre et monter du véhicule de pompiers à la demande. (Avec l’aimable autorisation du quartier général des pompiers de la ville d’Otaru)

Les pompiers l’ont extirpé des décombres d’une maison qui avait brulé, et l’ont adopté à la caserne. Il était réputé pour son caractère très docile, portant fièrement son uniforme et se rendant même au vétérinaire de lui-même.

Bunkô est décédé le 3 février 1938, à 24 ans, entouré de nombreux amis. Sa statue de bronze est installée devant l’entrepôt depuis 2006, et elle est devenue une attraction populaire, arborant ses plus belles tenues au fil des saisons.

On peut apercevoir également le chien naturalisé au musée de l’Histoire et de la nature d’Otaru, à côté de l’entrepôt, nous gratifiant de son rictus espiègle, les oreilles tombantes.

La statue de Bunkô avec une écharpe offerte par un résident (© Yoshida Rieko)
La statue de Bunkô avec une écharpe offerte par un résident (© Yoshida Rieko)

[à gauche] Chaque année, à l’occasion de l’anniversaire de la mort du chien, les habitants lui offrent ses caramels préférés. (© Yoshida Rieko) [à droite] Son corps naturalisé en exposition. (Avec l’aimable autorisation du musée de l’Histoire et de la nature d’Otaru)
[à gauche] Chaque année, à l’occasion de l’anniversaire de la mort du chien, les habitants lui offrent ses caramels préférés. (© Yoshida Rieko) [à droite] Son corps naturalisé en exposition. (Avec l’aimable autorisation du musée de l’Histoire et de la nature d’Otaru)

Les chiens pèlerins du sanctuaire d’Ise (ville d’Ise, préfecture de Mie)

Le grand sanctuaire d’Ise est une figure parmi les quelque 80 000 sanctuaires au Japon. Dans les boutiques jalonnant le chemin de pèlerinage vers l’édifice se trouve un magasin de souvenirs particulièrement apprécié, Ise Sekiya Honten. Son attrait principal est certainement la statue Hishaku Dôji, représentant un chien monté par un petit enfant tenant une louche hishaku. Son créateur, Yabuuchi Satoshi, a laissé une explication sur le piédestal :

« Il y a longtemps, de nombreuses personnes rêvaient de pouvoir faire le pèlerinage d’Ise. Ceux ne pouvant s’y rendre en personne pouvaient confier ce rêve à un chien. Il n’était pas rare d’en voir sur le chemin menant au sanctuaire portant des louches hishaku sur leur dos, ils étaient soignés par des compagnons de route. L’enfant représenté sur la statue incarne la bonté du chien. »

Hishaku Dôji devant le magasin Ise Sekiya Honten (avec l’aimable autorisation d’Ise Sekiya Honten)
Hishaku Dôji devant le magasin Ise Sekiya Honten (avec l’aimable autorisation d’Ise Sekiya Honten)

Avec l’achèvement de la route Tokaidô durant l’époque d’Edo (1603-1868), le pèlerinage d’Ise est devenu un évènement majeur suscitant un engouement certain chez les gens du peuple. Tous les 60 ans, un pèlerinage majeur, appelé okage-mairi, attirait la foule dans les rues. Ceux ne pouvant s’y rendre par faute de moyen ou à cause d’une santé fragile envoyaient alors leur chien (qui étaient appelés okage-inu, chiens pèlerins).

Les premières mentions de ces chiens remontent à 1771. Un prêtre en chef raconte qu’il reçut un chien à la place de son maitre, Takada Zen’emon, de la province de Yamashiro (correspondant aujourd’hui à Kyoto).

Ces chiens portaient généralement des étiquettes avec le nom et l’adresse de leurs maitres, ainsi qu’un peu d’argent autour du cou.

Bien sûr, n’y étant jamais allés, les chiens n’avaient aucune idée de la localisation des sanctuaires. Les pèlerins ont alors mis en place un système de relai afin de les guider d’un village à l’autre. Il était coutume de croire que l’attention portée aux chiens attirait les faveurs des divinités, et de ce fait, très peu s’osaient à voler l’argent.

Une estampe ukiyo-e de l’artiste Utagawa Hiroshige, intitulée Yokkaichi, Hinaga-mura oiwake, sangûdô (Yokkaichi : Jonction des routes vers le sanctuaire Ise, à Hinaga). (Avec l’aimable autorisation du MoMA de New York)
Une estampe ukiyo-e de l’artiste Utagawa Hiroshige, intitulée Yokkaichi, Hinaga-mura oiwake, sangûdô (Yokkaichi : Jonction des routes vers le sanctuaire Ise, à Hinaga). (Avec l’aimable autorisation du MoMA de New York)

En 1870, des restrictions sur la possession de chiens ont été appliquées dans l’Archipel, forçant les propriétaires à être plus prudents dans la gestion de leurs canidés. Ces restrictions sonnèrent le début de la fin pour les okage-inu.

150 ans après toutefois, ces chiens sont redevenus un sujet d’actualité grâce à une boutique située dans le quartier d’Okage-yokochô, près de l’entrée du sanctuaire d’Ise. Ici, les propriétaires peuvent parer leurs chiens des accessoires typiques des okage-inu comme les cordes sacrées shimenawa pour aller se promener dans les alentours. En supplément, ils reçoivent même une amulette de protection contre les maladies.

[à gauche]  Un okage-inu contemporain en promenade dans le quartier d'Okage-yokochô. [à droite] Les populaires accessoires de téléphone à l’effigie de ces chiens. (Avec l'aimable autorisation d'Okage-yokochô)
[à gauche] Un okage-inu contemporain en promenade dans le quartier d’Okage-yokochô. [à droite] Les populaires accessoires de téléphone à l’effigie de ces chiens. (Avec l’aimable autorisation d’Okage-yokochô)

Chirori, pionnière de la thérapie canine au Japon (Tokyo)

À seulement 5 minutes à pied de la station de métro, les rues animées de Ginza vous mèneront au parc paisible de Tsukiji River Ginza Park, près du théâtre Kabuki-za. Ici se tient une statue d’une chienne avec ses chiots. C’est un monument à la mémoire de Chirori, une chienne errante qui devint la première à avoir servi dans la thérapie canine.

Chirori et ses chiots à l’entrée du parc, près de la maison de retraite ou elle exerçait. (Nippon.com)
Chirori et ses chiots à l’entrée du parc, près de la maison de retraite ou elle exerçait. (Nippon.com)

Les chiens de thérapie apportent le réconfort aux patients des maisons de retraite et aux malades. De nombreux rapports font état de leurs bienfaits sur la stabilité émotionnelle, l’amélioration de la démence, mais aussi sur la récupération après un accident vasculaire cérébral.

Durant l’été 1992, alors que Chirori allait être euthanasiée, elle a été sauvée par Ôki Tôru, musicien et fondateur d’International Therapy Dog Association. Malgré son passé de chien errant à la patte boiteuse, elle a aidé les personnes âgées et malades pendant plus d’une décennie avant de s’éteindre au printemps 2006.

Son atout charme était dans son regard attendrissant, touchant le cœur des patients.

Nombreux sont les récits de personnes s’engageant en thérapie simplement dans l’espoir de caresser la chienne. D’autres ont vu leur main paralysée bouger à nouveau, certains ont même retrouvé l’usage de la parole, voire la volonté de vivre.

Cependant, le plus grand accomplissement de Chirori c’est celui d’avoir ouvert le chemin de la thérapie canine pour les autres chiens abandonnés, nous dit Ôki Tôru.

« Quand j’ai visité les hôpitaux après la catastrophe de Fukushima en 2011, beaucoup de gens connaissaient déjà les chiens de thérapie et ils m’ont accueilli à bras ouverts. Ceux qui avaient perdu leur fidèle compagnon dans le tsunami prenaient des photos de leur animaux tout en serrant nos chiens dans leurs bras. »

Hasegawa Satokichi étreignant Chirori. Après qu’elle l’a aidé dans sa rééducation, il recommença à se tenir debout seul alors qu’il avait besoin jusqu’à présent de soin intensifs. Ôki Tôru se tient à gauche. (Avec l’aimable autorisation de International Therapy Dog Association)
Hasegawa Satokichi étreignant Chirori. Après qu’elle l’a aidé dans sa rééducation, il recommença à se tenir debout seul alors qu’il avait besoin jusqu’à présent de soin intensifs. Ôki Tôru se tient à gauche. (Avec l’aimable autorisation de International Therapy Dog Association)

(Photo de titre : 15 statues de bronze au musée des Sciences polaires, réalisées par Andô Satoshi, le même artiste à qui l’ont doit la statue de Hachikô, à Shibuya. Nippon.com)

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