Les endroits à visiter à tout prix !
Au grand étonnement des Japonais, quatre endroits prisés par les touristes étrangers
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Ce n’est un secret pour personne, l’archipel japonais fait l’objet d’un engouement sans précédent auprès des touristes étrangers. Encouragés par la dépréciation du yen et les facilités d’obtention de visas, les amateurs de voyages affluent vers le Japon pour se familiariser avec sa culture, faire du shopping et goûter ses spécialités culinaires. Entre 2012 et 2018, leur nombre est passé de 8,35 millions à 31,2 millions !
La plupart des visiteurs venus de l’extérieur prennent la direction des sites japonais les plus célèbres. Mais d’autres n’hésitent pas à s’aventurer hors des sentiers battus. Ils préfèrent se fier à leur curiosité et à leur flair et ils découvrent des lieux auxquels les Japonais n’ont jamais trouvé le moindre intérêt touristique. Et ils sont toujours plus nombreux à se comporter de la sorte. C’est ainsi qu’une liste de plus en plus étoffée d’attractions insolites est venue se greffer sur les itinéraires de voyage classiques. En voici quelques exemples.
Une fascination pour le carrefour de Shibuya
Un site particulièrement apprécié par les touristes non japonais est le célèbre carrefour situé devant la gare de Shibuya, à Tokyo. À chaque fois que le feu passe au vert, des vagues humaines – composées au total de quelque 3 000 personnes aux heures de pointe – venant de toutes les directions déferlent en même temps sur les passages piétons. Parfois, certains se mettent à courir et on a l’impression d’assister à une véritable scène de chaos. Mais au bout du compte, tout le monde réussit à se frayer un chemin sans encombre et dès que le feu passe au rouge, les voitures se remettent à circuler comme si de rien n’était…
Pour ma part, j’ai traversé le carrefour de Shibuya des centaines de fois sans jamais ressentir quoi que ce soit de particulier. Mais beaucoup d’étrangers sont fascinés par le spectacle qui s’y déroule et en particulier la façon dont les gens arrivent à se faufiler dans une énorme foule en train d’avancer sans aucun état d’âme. J’ai vu beaucoup d’entre eux – et parfois aussi des Japonais – s’arrêter au beau milieu de la mêlée pour prendre des selfies avec leur smartphone. Certains vont même jusqu’à s’installer sur le passage à l’étage reliant les lignes ferroviaires JR Yamanote et Keiô Inokashira d’où l’on a une vue imprenable sur ce qui se passe en bas.
Le « miracle » permanent de la gare de Tokyo
Une autre attraction auréolée d’un charme touristique par les visiteurs étrangers de l’Archipel, au grand étonnement des Japonais, ce sont les quais des TGV Shinkansen de la gare de Tokyo. Ils viennent y contempler les équipes de nettoyage en uniforme qui s’emploient à remettre en état les trains à l’arrivée avec une rapidité et une efficacité stupéfiantes. Certains ont qualifié le rituel impeccable qui se déroule sous leurs yeux de « miracle en sept minutes » en référence au temps record qu’il faut aux employés pour nettoyer les rames avant qu’elles ne repartent.
Le Japon est, à juste titre, très fier de la ponctualité de son réseau de Shinkansen et il a mis en place un protocole de nettoyage ultra rapide pour que les trains soient toujours à l’heure. Le spectacle commence au moment où la rame entre en gare. L’équipe de nettoyage s’incline respectueusement face au train, après quoi elle se place devant les portes avec de grands sacs. Les employés récupèrent les déchets que leur remettent les passagers en train de descendre après quoi ils pénètrent à l’intérieur du train, un par voiture. Ils changent la position des sièges, ramassent les détritus qui se trouvent en dessous, ouvrent les tables et les essuient en vérifiant que tout est bien propre, et remplacent les housses des appuie-tête. Toutes ces opérations sont effectuées en l’espace de sept minutes dans chaque wagon, par une seule et unique personne. Le récurage des toilettes est bien entendu confié à d’autres préposés. Pas question que les opérations de nettoyage mettent les trains en retard. Quand les employés ont achevé leur tâche, ils se retrouvent à l’extérieur avant que les nouveaux passagers montent à bord et ils s’inclinent à nouveau respectueusement.
Le sanctuaire Fushimi Inari taisha, le site de Kyoto préféré des touristes
Kyoto est une ville regroupant les sites touristiques les plus célèbres du Japon. L’ancienne capitale impériale de l’Archipel est encore imprégnée de sa splendeur passée et les superbes temples bouddhiques qu’elle abrite, notamment le Kinkaku-ji (le Pavillon d’or) et le Kiyomizu-dera sont très appréciés par les visiteurs étrangers.
Le sanctuaire Fushimi Inari taisha se trouve quant à lui à l’extrême sud de la zone touristique proprement dite de Kyoto. C’est un lieu shintô très ancien datant du début de la période de Nara (710-794), qui accueille de nombreux Japonais à l’occasion du Nouvel An, pour la première visite traditionnelle de l’année à un sanctuaire ou un temple (hatsu môde). Mais jusqu’à une époque récente, il ne figurait pas parmi les trente lieux touristiques les plus fréquentés de Kyoto. Or à partir de 2010, les propriétaires des boutiques de souvenirs et des petits restaurants situés à proximité du chemin d’accès du Fushimi Inari taisha ont commencé à voir, à leur grande surprise, le nombre des visiteurs augmenter, surtout en provenance de l’étranger. Tant et si bien qu’en 2013, le sanctuaire est arrivé en deuxième position des attractions de l’Archipel préférées des voyageurs étrangers, d’après une enquête mise en ligne par la version japonaise du site d’informations touristiques américain TripAdvisor. Et l’année suivante, il a atteint la première place et ne l’a plus jamais quittée depuis. Intrigués par ce phénomène, les Japonais, qui adorent se rendre dans les lieux dont il est question dans les médias, ont eux aussi afflué sur place.
À en croire certains, le Fushimi Inari taisha de Kyoto devrait sa nouvelle notoriété à Naruto, le célèbre manga adapté également en anime qui raconte l’histoire d’un jeune ninja habité par un monstrueux démon-renard à neuf queues. Les fans étrangers de Naruto ont au début été attirés par ce sanctuaire tout simplement car le lieu est dédié à Inari, divinité du riz et du commerce ayant la particularité de se manifester sous la forme d’un renard. Les images de l’enfilade de milliers de portiques (torii) d’un rouge vermillon éclatant située à l’entrée ont fait un tabac sur les réseaux sociaux et contribué à faire venir les foules.
Voir notre article plus en détail sur le Fushimi Inari taisha
Le sanctuaire Arakura Fuji Sengen : des points de vue radicalement différents
Parmi les attractions favorites des touristes étrangers qui étonnent le plus les habitants de l’Archipel, citons aussi le sanctuaire Arakura Fuji Sengen de la ville de Fuji-Yoshida, dans la préfecture de Yamanashi. Ce lieu shintô a la particularité non seulement d’être doté d’une pagode à cinq étages comparable à celles des temples de Kyoto ou de Nara mais aussi de jouir d’une vue magnifique sur le mont Fuji. Les voyageurs étrangers fréquentent l’endroit assidument, en particulier pour y prendre des photos réunissant la montagne la plus emblématique du Japon et une pagode bouddhique. Et au printemps, ils peuvent même y ajouter les cerisiers en fleurs. Pour la plupart des Japonais, ce type d’association est totalement incompréhensible car Kyoto et le mont Fuji sont des lieux très éloignés l’un de l’autre… Ils n’ont absolument pas l’habitude de les voir figurer dans un même paysage. Il y a quelque chose de kitsch dans cette composition, au même titre que la carte postale illustrant la Tour Eiffel et le Mont-Saint-Michel à l’arrière plan… Les touristes, eux, n’en adorent pas moins ce cliché tout à fait insolite du Japon !
Il y a encore cinq ans, le Arakura Fuji Sengen ne recevait que de rares visites en dehors de celles des habitants du voisinage. Mais depuis ces photos mêlant le mont Fuji et Kyoto se sont emparées des réseaux sociaux en Thaïlande, ce petit sanctuaire est devenu une attraction mondiale. Beaucoup de touristes étrangers le considèrent en effet comme la « quintessence » des paysages de l’Archipel. Et du coup, les Japonais sont de plus en plus nombreux à le fréquenter.
On pourrait citer bien d’autres exemples des difficultés éprouvées par les Japonais pour comprendre ce qui enchante les touristes étrangers dans leur pays. Les habitants de l’Archipel considèrent en effet que ce qui les attire eux-mêmes chez eux doit avoir forcément le même effet sur des gens venus d’ailleurs. Or chacun sait qu’on ne peut prendre conscience de certaines choses qu’avec l’intervention d’un regard extérieur. Il y a un décalage évident entre ce que les Japonais veulent montrer et ce que les voyageurs souhaitent voir. Un décalage qui ne date pas d’aujourd’hui et s’est manifesté sous une forme ou une autre depuis que le Japon est sorti de la période de fermeture imposée par le régime féodal des Tokugawa, il y a un siècle et demi, à la fin de l’époque d’Edo (1603-1868).
Un décalage qui ne date pas d’aujourd’hui
Pendant l’ère Meiji (1868-1912), l’Archipel s’est résolument transformé en un État moderne. Les Japonais ont tenu à montrer à leurs hôtes étrangers les résultats de leur travail acharné, entre autres les usines et les musées, de façon à leur prouver qu’ils étaient en train de rejoindre l’Occident industriellement et scientifiquement. En démontrant la puissance de l’État japonais, les nouveaux dirigeants espéraient par ailleurs se donner les moyens de renégocier les traités inégaux que le pays avait été contraint de signer lors de son ouverture, à la fin de la période d’Edo.
Les Japonais ont procédé de la même façon avec leur patrimoine architectural. En 1879, le général américain Ulysses S. Grant, président des États-Unis de 1869 à 1877, s’est rendu au Japon, et ses hôtes ont veillé à ce qu’il visite le Tôshôgû de Nikkô. Ils voulaient non pas tant lui montrer le somptueux sanctuaire shintô dédié à Tokugawa Ieyasu, le fondateur du shogounat d’Edo, que lui faire comprendre que les nouveaux dirigeants du Japon avaient réussi à renverser un régime féodal capable d’édifier une merveille architecturale aussi imposante.
Un pays peut avoir toutes sortes de raisons de vouloir attirer les visiteurs étrangers, depuis son orgueil national jusqu’aux bénéfices économiques qu’il espère en tirer. Mais les stratégies touristiques manquent souvent d’envergure dans la mesure où elles se bornent aux attractions les plus évidentes et les plus reconnues (voir article Pourquoi le Japon doit axer sa stratégie touristique sur la diversité). Ce point de vue étroit limite les possibilités des touristes et il entrave leur capacité à explorer et à découvrir de nouveaux centres d’intérêt. Le Japon est un pays où il y a encore beaucoup à faire en termes de découvertes, et les voyageurs étrangers capables de s’éloigner des sentiers battus proposés par les guides touristiques sont sans doute ceux qui sont les plus à même de dénicher de nouvelles merveilles.
(Photo de titre : le sanctuaire Arakura Fuji Sengen faisant face au mont Fuji, un panorama de rêve pour les touristes étrangers. Photographie de l’auteur)
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