Les îles japonaises méconnues

Shishijima : une île naturelle merveilleuse perdue dans le temps

Tourisme

La petite île de Shishijima offre aux visiteurs une vue panoramique sur la mer intérieure de Seto, un aperçu nostalgique de la vie quotidienne du Japon d’antan, et également la rencontre avec un arbre géant vieux de 1 200 ans. Et n’oublions pas non plus les saveurs locales ! Un écrivain spécialiste des cultures insulaires nous raconte son voyage.

De petites maisons pour les morts

La minuscule île de Shishijima, située au sein de la mer intérieure de Seto, dans la préfecture de Kagawa, regorge de surprises captivantes. Debout sur le pont du ferry qui entre dans le port, je regarde avec curiosité des rangées d’étranges petites maisons prises en sandwich parmi les habitations de taille normale qui s’étendent le long du rivage. En marchant sur la terre ferme, je trouve ici et là des dépliants d’informations qui décrivent ces structures miniatures comme des maisons pour les morts.

La crémation est aujourd’hui la norme au Japon, mais dans le passé, les habitants des îles Shiwaku, auxquelles appartient Shishijima, enterraient leurs morts. Ici, il était d’usage pour le défunt d’avoir deux tombes, une près du port, dans laquelle les restes sont scellés, et une autre, construite à des fins religieuses, dans le temple bouddhique local situé à l’intérieur des terres.

Au fil du temps, la plupart des résidents ont abandonné les pierres tombales rituelles, qui longent les sentiers escarpés qui serpentent jusqu’au temple désormais vide, et viennent à la place rendre hommage à leurs morts dans les petites maisons le long du front de mer.

De petites tombes, ressemblant à des maisons, donnent sur l'eau.
De petites tombes, ressemblant à des maisons, donnent sur l’eau.

Les tombes compactes de Shishijima sont des constructions simples, généralement en bois ordinaire et peintes avec des teintes vives. Bien que l’endroit ne soit pas destiné à être une attraction touristique, le groupe de sépultures présente une scène colorée qui mérite d’être observée.

Une remontée dans le temps

Du milieu du XIXe au début du XXe siècle, les robustes industries agricoles et de pêche de Shishijima ont attiré près de 1 000 habitants. Mais au fur et à mesure du développement de l’économie du Japon d’après-guerre, les familles sont parties pour le continent, et aujourd’hui, moins de 20 personnes vivent encore sur l’île. Le petit avant-poste jouit toujours d’un flux constant d’excursions journalières les week-ends et les jours fériés, dont de nombreux visiteurs venus voir le camphrier géant situé à l’extrémité opposée de l’île.

L’arbre aurait environ 1 200 ans. Il se trouve à 15 minutes de marche du port, le long d’un sentier balisé à la main. Renonçant à prendre l’un des bâtons de marche mis à la disposition des randonneurs, je suis parti à travers les ruelles escarpées du village. En parcourant les sentiers étroits et sinueux, il est facile de voir pourquoi il n’y a pas de voitures sur l’île. Les vieilles maisons et les magasins conservent un charme pittoresque, bien que beaucoup soient délabrés et en ruine.

Des bâtiments de style ancien bordent les ruelles étroites de l'île.
Des bâtiments de style ancien bordent les ruelles étroites de l’île.

La région a par ailleurs déjà servi de lieu de tournage, y compris pour un épisode de la célébrissime et longue série de 48 films Otoko wa tsurai yo (Qu’il est difficile d’être un homme) mettant en scène le personnage de Tora-san.

En arrivant au vieux camphrier, je rejoins une poignée d’autres visiteurs, tous en admiration devant le gigantisme du vénérable arbre. D’une hauteur de 40 mètres et d’une circonférence de 12 mètres, c’est un spectacle réellement impressionnant... Je comprends pourquoi tant de gens sont attirés par cette île éloignée. 

Les larges branches du grand camphrier de l’île, qui a 1 200 ans.
Les larges branches du grand camphrier de l’île, qui aurait 1 200 ans.

Son âge extrêmement avancé est tout à fait probable à en juger par les branches robustes qui se propagent à partir de son solide tronc. Un glissement de terrain passé a recouvert la partie inférieure de l’arbre, cachant les racines supérieures qui seraient normalement visibles sur un si vieux spécimen. Il est également dit qu’un ancien désastre a détruit un petit village établi en ces lieux, prêtant un soupçon de tristesse au site.

Les habitants de l’île ont construit une aire de repos sur la colline au-dessus de l’arbre, sur laquelle les visiteurs peuvent profiter d’une vue panoramique sur la mer et les îles voisines, le grand pont de Seto et les montagnes.

Le lieu d’observation de Kusu surplombe la mer intérieure de Seto.
Ce lieu d’observation situé près du grand camphrier surplombe la mer intérieure de Seto.

Des saveurs locales

Shishijima organise un éventail d’événements variés tels que des mini-concerts et la tenue de marchés aux puces où les visiteurs peuvent essayer le fameux chagayu local. Cette sorte de bouillie de riz chaud est traditionnellement fabriquée en versant du thé sur du riz cuit mélangé à de la patate douce et des fèves (soramame). Le plat utilise une variété régionale de thé appelé goishi-cha qui est fabriqué à partir de feuilles de thé fermentées qui lui donnent une saveur distincte. Bien qu’il faille un peu s’habituer au goût, je suis tombé amoureux du chagayu. Avant que cette île ne commence à être approvisionnée en eau potable à partir du continent, les habitants préparaient la bouillie avec de l’eau de puits. La résidente de longue date Ueda Tomiko se souvient de la saveur légèrement salée de l’eau qui, selon elle, complètait les arômes forts du goishicha.

Les îles Shiwaku ont été l’un des rares endroits où l’on buvait du goishicha, qui est fabriqué dans une région éloignée de la préfecture de Kôchi. Il y a plusieurs années, les habitants ont trouvé leur approvisionnement menacé car le dernier producteur restant était sur le point de fermer ses portes. Heureusement, la production a rebondi après que le thé eut révélé ses nombreux bienfaits pour le corps, et la demande croissante parmi les individus soucieux de leur santé a multiplié le prix de cette boisson par dix.

Feuilles de thé fermenté goishicha
Feuilles de thé fermentées goishicha

Informations

  • Accès : prendre le bus de la gare de Takuma sur la ligne JR Yosan jusqu’à Takuma Chôsha, pendant environ dix minutes de trajet, puis marcher sur la courte distance jusqu’au port de Miyanoshita. Il y a environ trois ferries par jour et le trajet jusqu’à Shishijima dure environ 20 minutes.
  • Superficie : 0,74 km2
  • Population : environ 20 habitants (en 2024)
  • Site officiel : https://www.mitoyo-kanko.com/shishijimaisland/

(Note : le grand camphrier de Shishijima est présenté plus en détail dans l’article Les arbres géants des îles)

(Photo de titre : le grand camphrier de Shishijima. Toutes les photos sont de l’auteur)

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