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Un pèlerinage « otaku » sur la ligne Enoden : quels sont les lieux qui ont inspiré des mangas et animes ?
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Un pèlerinage sur les « lieux saints » des mangas au bord du Pacifique
Au Japon, le seichi junrei, ou « la visite en terre sainte », remonte au VIIIe siècle. L’un des plus célèbres est sans aucun doute pèlerinage des 88 temples de Shikoku (henro). Mais il se trouve que depuis une vingtaine d’années environ, les passionnés de culture pop nippone ont adopté cette pratique au monde du manga et de l’anime : ils se ruent sur les lieux apparaissant dans leurs œuvres favorites.
La ligne de chemin de fer Enoshima Electric Railway (souvent abrégée en Enoden) est le moyen de transport privilégié pour le seichi junrei des fans de tous horizons qui souhaitent explorer la zone côtière de Shônan, au bord du Pacifique, non loin de Tokyo. L’Enoden, ouvert en 1902, ne possède qu’une seule voie s’étendant sur 10 kilomètres seulement. La région pittoresque entre les gares de Fujisawa et de Kamakura que le train traverse est parsemée d’endroits qui sont mis en scène très souvent dans les mangas et les animes.
Cet article nous emmène sur les 4,2 kilomètres de chemin de fer entre les stations Kamakura-Kôkômae et Yuigahama. Avec un trajet qui ne prend que 17 minutes en train, la majeure partie de la promenade peut s’effectuer à pied.
Gare de Kamakura-Kôkômae
On peut se rendre à Kamakura-Kôkômae, la gare de départ de notre pèlerinage, depuis celle de Fujisawa ou de Kamakura. Mais avant de monter à bord d’un des trains verts et jaunes caractéristiques de l’Enoden, les fans les plus dévoués de Slam Dunk préfèreront sans doute débuter leur visite à Fujisawa afin de découvrir le Akibadai Cultural Gymnasium au style futuriste dans lequel l’équipe du lycée Shôhoku, dont fait partie le protagoniste, défie les champions préfectoraux de Kainan afin d’avoir une chance de participer au tournoi national des lycées. (Voir notre article : Pourquoi le film d’animation « The First Slam Dunk » est en train de devenir un phénomène mondial)
La portion centrale de l’Enoden est située entre une zone résidentielle vallonée et la côte pacifique, mais Kamakura-Kôkômae est une gare isolée. Depuis sa plate-forme, vous pouvez profiter d’une vue splendide sur la mer et le ciel qui s’étirent devant vos yeux. Ajoutons à cela la structure en bois de style ancien de la gare, et vous obtenez une atmosphère tout à fait charmante.
Plus important encore pour les fans de manga et d’anime — et c’est de loin le site le plus populaire de la ligne Enoden —, il vous suffit de marcher à l’est du passage à niveau jusqu’au bas de la route pour reconnaître instantanément le paysage du générique de l’anime de Slam Dunk. Durant ces dernières années, cet endroit a attiré un nombre conséquent d’otaku. Soyez toutefois prudent et gare au passage des voitures !
Suivons cette route en montant pour atteindre l’entrée du lycée de Kamakura, l’établissement qui donne son nom à la gare. On évite toutefois de vagabonder à l’intérieur des terrains du lycée, cet établissement étant avant tout destiné aux études...
Si la gare de Kamakura-Kôkômae sera pour toujours associée à Slam Dunk, le lieu apparaît également dans bien d’autres œuvres telles que Fleurs bleues (édité chez Kazé, 2004-2013), ayant comme thème l’amour entre filles, Tsuritama (2012), un manga sur la pêche et l’amitié, et Kamakura Diary (édité chez Kana, 2006-2018), une célèbre œuvre pour jeunes femmes adaptée au cinéma par Kore-eda Hirokazu en 2015. Le générique de l’anime fantastique Hanayamata (2014) est pour sa part pratiquement identique à celui de Slam Dunk, tandis que dans l’introduction de Tari Tari (2012), qui raconte l’histoire d’une bande de lycéens et de leurs passions, la zone résidentielle derrière la gare est la route suivie par les personnages principaux pour se rendre au lycée fictif de Shirahamazaka.
Une courte volée d’escaliers située de l’autre côté de la route vous conduira à une plage longue et étroite. Je vous recommande de marcher vers l’est le long de deux arrêts jusqu’à la gare d’Inamuragasaki (située à 2 kilomètres de distance), afin de profiter de la brise marine. Depuis le poste d’observation de la plage près du cap Inamuragasaki, on peut distinguer l’île d’Enoshima à droite, et par temps clair, le mont Fuji se dévoile avec les péninsules d’Izu et de Miura. On peut parfois même apercevoir l’île d’Ôshima au sud.
Cette plage joue évidemment un rôle essentiel dans de nombreux animes et mangas, dont notamment Kamakura Diary, mais aussi la série Seishun buta yarô (une œuvre publiée en light novel depuis 2014, en manga depuis 2015, et en anime fin 2018), en particulier durant les scènes romantiques, ou lorsque les personnages ont besoin de trouver un endroit isolé pour partager leurs sentiments les plus profonds.
La mer est ici assez agitée, et la baignade est par conséquent interdite. En revanche, cette plage est particulièrement prisée des surfeurs et on peut y voir de nombreuses personnes chevaucher les vagues, surtout durant les week-ends.
Gare de Shichirigahama
Les fans de Seishin buta yarô sont enjoints à visiter la station Shichirigahama, puisque c’est sur cette plate-forme que le timide étudiant Azusagawa Sakuta attend son train avec Sakurajima Mai, sa jolie camarade qui souffre de ce que l’œuvre appelle le « syndrome de l’adolescence ». Près de la station se trouve également le lycée Shichirigahama (appelé Minegahara dans l’anime).
Avant d’atteindre la gare d’Inamuragasaki, le train traverse l’arrière-pays. Je vous recommande toutefois de faire un détour jusqu’au cap Inamuragasaki, un autre lieu pittoresque qui vaut vraiment la peine d’être visité, surtout au coucher du soleil. Le site est également présent dans plusieurs œuvres, notamment le manga d’amourYour Lie in April (édité chez Ki-oon, 2011-2015) et Minami Kamakura High School Girls Cycling Club (publié depuis 2011). De nombreuses personnes viennent ici pour admirer le soleil se coucher derrière l’île d’Enoshima et le mont Fuji.
Gare de Gokuraku-ji
À Inamuragasaki, nous avons décidé de prendre le train en montée jusqu’à la gare suivante, Gokuraku-ji. En voyant les wagons qui, de nos jours, sont souvent remplis de monde, il est difficile d’imaginer qu’au milieu des années 1960, la compagnie envisageait de fermer la ligne en raison de l’augmentation du nombre de voitures dans la région, qui avait entraîné une forte baisse de la fréquentation. Finalement, l’Enoden a été sauvé par la série télé Oretachi no asa, diffusée à partir d’octobre 1976 sur Nippon Television. De nombreux fans avaient alors entamé des visites autour de la gare de Gokuraku-ji où vivent les personnages principaux, protégeant ainsi la compagnie ferroviaire en difficulté.
Gokuraku-ji ne se contente pas d’offrir pas des lieux issus de la culture pop aux voyageurs curieux : cette petite région tranquille abrite également de magnifiques temples et la destination est appréciée des amateurs de fleurs au printemps et en été. Le bâtiment de la gare lui-même, avec ses cerisiers et sa boîte aux lettres rouge vif en forme de pilier situés à son entrée, est digne de figurer sur des cartes postales. Mais en bon otaku, difficile de ne pas penser à tous les animes inspirés par le quartier, et rien qu’en regardant la gare, on se remémore certaines séquences d’Elfen Lied (2002-2005, édité par Tonkam depuis 2021), de Kamakura Diary ainsi que de Minami Kamakura High School Girls Cycling Club.
Gokuraku-ji, le temple bouddhique au nord-ouest de la gare et qui lui donne son nom, a été fondé en 1259 par Hôjô Shigetoki, un membre du plus puissant clan politique de l’époque de Kamakura (1185-1333), et a été reconstruit à de nombreuses reprises depuis. En se dirigeant vers le nord-est depuis la sortie de la station, on arrive à un pont rouge qui surplombe la gare d’un côté et offre une vue sur le Gokuraku-dô, le seul tunnel de cette ligne, de l’autre.
Si ce lieu est un point d’intérêt pour les fans d’anime, peu de gens savent qu’il apparaît dans l’un des meilleurs films de Kurosawa Akira, Entre le ciel et l’enfer (1963), l’histoire d’un enfant kidnappé pour une rançon. Après sa libération, la police le conduit dans les alentours, et c’est alors qu’il se rappelle de ce tunnel en particulier.
À partir du pont, prenons la route allant vers l’est. Après quelques minutes de trajet, nous atteignons une volée de marche remontant la colline du côté droit du chemin. Nous entrons désormais dans le territoire d’Elfen Lied.
Les escaliers mènent au Jôju-in, un splendide temple bouddhique où se déroulent de nombreux événements de la saga. L’histoire de cette série est de loin la plus sombre de toutes celles abordées dans cet article. Elfen Lied est en effet particulièrement célèbre pour son ambiance mélancolique et sa violence graphique. Cependant, bien que le cimetière du Jôju-in soit le théâtre d’une confrontation majeure et brutale dans l’anime, l’endroit en lui-même est loin d’être effrayant.
Situé sur une colline et au sommet de 108 marches, le Jôju-in était qualifié de « temple de guet » car il servait de citadelle pour la défense de Kamakura. En 1333, une bataille féroce a pris place ici entre Nitta Yoshisada et les forces shogunales qui défendaient Kamakura. Aujourd’hui, cette pente est sûre et paisible, offrant une vue magnifique sur l’océan et la plage de Yuigahama à l’est.
En poursuivant notre balade le long de la même route vers l’est, puis en tournant à gauche pour s’éloigner de l’océan au carrefour suivant, nous arrivons au sanctuaire Goryô. Cet endroit particulièrement populaire pour admirer les hortensias apparaît également dans certaines des œuvres mentionnées précédemment. Juste en face de l’entrée principale, il y a un petit passage à niveau, et en se tenant à l’intérieur de l’enceinte du sanctuaire, on peut prendre de magnifiques photos du portique torii, de l’allée d’hortensias et du train qui passe tout près.
Gare de Yuigahama
Notre dernier arrêt, Yuigahama, se tient au sud du musée de littérature de Kamakura. Ce grand immeuble de style occidental a été bâti en 1936 en tant que villa de Maeda Toshinari, un descendant du seigneur du domaine Kaga (aujourd’hui préfecture d’Ishikawa) de l’époque d’Edo, et a été utilisé comme modèle à la fois de l’Académie pour filles de Fujigaya, un lycée vu dans Fleurs bleues, et pour la maison du personnage principal de Tari Tari. En dehors de ses trésors littéraires, le musée (malheureusement fermé au public pour reconstruction jusqu’en mars 2027) est également connu pour son splendide jardin de roses.
Vous prévoyez de passer la nuit dans la région ? Je vous conseille de réserver une chambre à l’hôtel Kamakura Wakamiya, présenté dans le web novel Super Cub (sérialisé de 2016 à 2021 puis publié sous forme de livre papier, de manga et d’anime) quand des lycéennes passionnées de motos viennent à Kamakura pour un voyage scolaire.
La plage de Yuigahama n’est qu’à quelques pas de distance de l’hôtel. Cet endroit est un lieu clé de l’univers d’Elfen Lied, et le théâtre de plusieurs événements importants. C’est par exemple l’endroit où certains des personnages s’amusaient pendant les vacances d’été de leur enfance.
Si l’endroit vous rend mélancolique, il n’y a rien de mieux pour chasser votre tristesse que d’écouter l’album Surf Bungaku Kamakura (2008) du célèbre groupe de rock alternatif japonais Asian Kung-Fu Generation, dans lequel chaque morceau est nommé d’après une gare de l’Enoden.
Si vous souhaitez pouvoir vous balader en toute liberté aux alentours des gares puis reprendre le train à loisir durant votre visite, nous vous recommandons d’acheter un billet pour un pass d’une journée, pour la modique somme de 800 yens (5,3 euros). Et si possible, évitez les jours fériés et les week-ends : les wagons de l’Enoden sont alors systématiquement remplis de curieux venus effectuer, eux aussi, leur pèlerinage otaku.
(Photo de titre : un train de la ligne Enoden traversant le fameux passage à niveau devant la gare de Kamakura-Kôkômae. © Benjamin Parks)
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