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Un tournant pour le système de défense et de sécurité du Japon

Politique

Les lois sur la défense et la sécurité dont le gouvernement d’Abe Shinzô a fait une des ses priorités ont été approuvées par la Chambre des Conseillers le 18 septembre, en dépit de la violente résistance des partis d’opposition. Ces lois qui légalisent l’exercice limité du droit de légitime défense collective marquent un tournant important pour la politique de défense et de sécurité du Japon telle qu’elle a été pendant les 70 ans qui se sont écoulés depuis la fin de la guerre. Pour le gouvernement, la nouvelle législation établit un système de sécurité et de défense cohérent du temps de paix aux situations d’urgence.

L’exercice du droit de légitime défense collective reconnu

Depuis son entrée en fonction en décembre 2012, le gouvernement Abe a créé le Conseil de sécurité nationale (NSC), révisé les lignes directrices du programme de défense et la stratégie de défense nationale à moyen terme, redéfini les trois principes pour les exportations d’armes, et fait adopter la loi sur le secret d’État destinée à assurer la sécurité des informations relatives à la défense. Avec l’adoption de cette nouvelle législation s’achève l’élaboration d’un nouveau système de défense adapté aux lignes directrices pour la coopération armée américano-japonaise en matière de défense, modifiées en avril dernier pour la première fois en 18 ans.

Les partis d’opposition ainsi que de nombreux spécialistes du droit étaient farouchement opposés à la reconnaissance de l’exercice du droit de légitime défense collective, qu’ils jugent inconstitutionnel. Les séances de questions-réponses du gouvernement au parlement japonais à propos des six « situations » prévues par ces nouvelles lois, qui comprenaient notamment les « situations menaçant l’existence du Japon » ou les « situations ayant une influence importante sur la paix et la sécurité du Japon » ont vu des scènes de confusion, et les sondages d’opinion des quotidiens japonais ont montré que la majorité des Japonais estime difficiles à comprendre les explications fournies par le gouvernement. Enfin, les citoyens et les étudiants ont manifesté pendant plusieurs jours contre ces « projets de loi de guerre ».

Une capacité de défense renforcée en Asie de l’Est

Le gouvernement Abe explique que ce réaménagement de la défense japonaise, et son renforcement, sont nécessaires en raison des changements intervenus dans l’environnement de la sécurité en Asie de l’Est, notamment la présence accrue de la Chine en mer et la croissance constante de son budget de défense, ou encore le développement d’armes nucléaires et de missiles balistiques en Corée du Nord.

C’est pour cette raison qu’il a fait reconnaître l’exercice limité du droit de légitime défense collective, jamais autorisé depuis la fin de la guerre, et assouplir la définition des activités que peuvent mener les Forces d’autodéfense ainsi que leurs critères d’utilisation des armes. Il a aussi rendu possible les opérations pour sauver des ressortissants japonais à l’étranger ou la protection de bâtiments américains. L’envoi à l’étranger des FAD en cas de situation d’urgence nécessite toujours l’approbation préalable du Parlement mais la durée des débats préalables a été raccourcie.

Présentation de la législation sur la défense et la sécurité

Les projets de lois soumis au Parlement étaient d’une part la révision de dix lois existantes relatives à la paix et à la sécurité nationale comprenant la révision de la loi sur les Forces d’autodéfense, et deux nouvelles lois relatives au soutien de la paix internationale. Les dix lois révisées sont les suivantes :

Lois relatives à la défense et à la sécurité

Abbréviation Intitulé
Loi sur les Forces d’autodéfense Loi sur les Forces d’autodéfense
Loi sur la coopération aux opérations de maintien de la paix de l’ONU Loi relative à la coopération avec les activités de maintien de la paix des Nations unies
Loi de garantie de sécurité dans les situations exerçant une influence importante Loi relative aux dispositifs destinés à garantir la paix et la sécurité nationale en cas de situation ayant une influence importante dans les pays voisins du Japon (à l’origine loi de garantie de sécurité dans les situations périphériques)
Loi d’inspection des navires Loi relative aux activités d’inspection des navires applicable dans le cas de situations périphériques
Loi de réaction aux situations Loi relative à la garantie de sécurité de la nation, de l’indépendance nationale et de la paix dans le cas d’une attaque armée contre le Japon
Loi de mesures liées aux actions de l’armée US Loi relative aux mesures applicables par le Japon pour accompagner les actions armées des États-Unis dans le cas de situations d’attaque armée
Loi d’utilisation des établissements publics définis Loi relative à l’usage d’établissement publics définis dans le cas de situations d’attaque armée
Loi de restriction du trafic maritime Loi relative aux restrictions des transports maritimes de matériel de défense étranger dans le cas de situations d’attaque armée
Loi sut le traitement des prisonniers de guerre Loi relative au traitement des prisonniers de guerre dans le cas de situations d’attaque armée
Loi de création du conseil de sécurité nationale Loi de création du conseil de sécurité nationale

Qu’est-ce qu’une situations menaçant l’existence du Japon ?

Le gouvernement et les partis d’opposition ont férocement débattu de la définition des « situations menaçant l’existence du Japon », dans lesquelles le Japon peut exercer son droit de légitime défense collective et qui reconnaissent l’exercice de la force armée par les FAD.

Ces situations sont définies ainsi : « présence d’un danger manifeste pour la sécurité nationale et pour le droit de la nation japonaise à la vie, la liberté et la recherche du bonheur lorsqu’un pays tiers avec lequel le Japon a des liens étroits subit une agression armée, et qui menace par conséquent l’existence de notre pays. »

Comment sera déterminée l’existence d’une telle situation ? En réponse à cette question, le Premier ministre Abe a répété au Parlement que le gouvernement le déterminerait globalement et l’établirait. Mais Okada Katsuya, du Parti démocrate a répliqué ceci : « une situation menaçant l’existence du Japon est une vision abstraite, que le gouvernement au pouvoir reconnaîtra comme il l’entend et cela aboutira nécessairement à l’exercice de la force par l’envoi des FAD. Un pays démocratique ne peut l’autoriser. »

Jusqu’où les activités de soutien des FAD peuvent-elles aller ?

Les « situations de réaction communes pour la paix internationale » ainsi que les « situations exerçant une influence importante » ont aussi fait l’objet de grands débats. Dans les deux cas l’exercice de la force armée par les FAD n’est pas autorisée, et l’approbation préalable du Parlement est nécessaire. Le point essentiel des discussions à ce sujet concernait la portée des activités des FAD dans le cas où l’exercice de la force armée ne leur serait pas reconnue.

En effet, dans les situations exerçant une influence importante, les FAD pourront, si nécessaire, fournir un soutien logistique aux armées de pays étrangers autres que les États-Unis. Le gouvernement affirme que ce soutien logistique n’inclut pas la fourniture d’armes, mais les parties d’opposition et certains membres de la coalition gouvernementale l’ont critiqué : pour eux, ce soutien logistique est le revers de l’exercice de la force avec qui il forme un tout, et implique le risque que les FAD soient exposées au danger.

La « règle des soixante jours » évitée

La Chambre des représentants a approuvé la législation de sécurité le 16 juillet. Étant donné que la session parlementaire se termine le 27 septembre, le gouvernement aurait aussi pu choisir de faire jouer la règle par laquelle un projet de loi peut n’être approuvé que par la seule Chambre basse s’il a déjà été voté une fois par elle et que la Chambre haute ne l’a pas approuvé dans les soixante jours.

Mais le PLD et le parti Kômeitô ont décidé que le recours à cette règle aurait des conséquences néfastes pour la gestion future de la politique par le gouvernement. Des discussions ont eu lieu avec les responsables de trois partis d’opposition mais non avec ceux du Parti démocrate et du Parti communiste, pour arriver à un accord renforçant l’approbation du Parlement relativement à l’envoi à l’étranger des FAD, permettant ainsi d’éviter sur le plan formel que le projet de loi ne soit adopté que par les partis au pouvoir.

(Photo de titre : le comité spécial pour la législation sur la paix et la sécurité approuve les projets de loi dans la confusion causée par les techniques de prolongation des débats de l’opposition, le 17 septembre 2015.)
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