« Sadô », l’art traditionnel japonais de la cérémonie du thé
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L’évolution de la « voie du thé »
La cérémonie japonaise du thé est un rituel très codifié, centré sur la préparation, le service et la dégustation de thé vert matcha dans des bols. Cette pratique, appelée sadô, chadô, chanoyu, ou bien simplement o-cha dans le langage courant, est vieille de plusieurs siècles. Elle est ancrée dans la pensée bouddhiste zen et conjugue art, appréciation de la nature et interaction sociale.
Le thé est arrivé au Japon depuis la Chine dans le VIIIe siècle de notre ère avec la diffusion du bouddhisme. Durant l’époque de Kamakura (1185-1333), Eisai, le fondateur de l’école de bouddhisme zen japonais Rinzai, a apporté de Chine des graines de thé ainsi que les méthodes de fabrication de thé en poudre, le matcha. Cette boisson a rapidement gagné en popularité parmi les moines bouddhistes puis graduellement dans tout le pays.
Dans l’époque de Muromachi (1336-1573), les membres des classes guerrières et aristocratiques organisaient régulièrement des chakai, de copieux banquets au cours desquels les invités dégustaient des bols de matcha soigneusement préparés. Ces événements très animés – le saké coulait à flots – et étaient l’occasion pour les élites de mettre en valeur leurs collections d’objets : céramiques importées de Chine, élégants rouleaux suspendus et peintures et accessoires de thé onéreux. Cependant, Murata Shukô, maître de thé du huitième dirigeant du shogunat Muromachi, Ashikaga Yoshimasa, met un terme à la consommation de saké et aux jeux de hasard au cours des chakai. Il encourage le wabi-cha, une approche qui met l’accent sur l’aspect spirituel de la cérémonie du thé.
Le maître du thé Sen no Rikyû (1522-1591) va transformer le wabi-cha pour en faire un véritable événement spirituel et solennel, en mettant l’accent sur les concepts d’harmonie, de respect, de pureté et de tranquillité. Cette approche est devenue le fondement de la cérémonie du thé telle qu’on la connaît aujourd’hui. (Voir notre article : La voie du thé selon Sen no Rikyû, ou la fusion de l’art et de la nature)
Raffiner l’art du thé
Dans ce perfectionnement de la cérémonie du thé, on trouve un des principaux enseignements de Rikyû : l’appréciation de la beauté simple et rustique des choses, un concept esthétique appelé wabi-sabi. Pour aiguiser les sens des participants, Rikyû tenait ses cérémonies dans une petite pièce sans ornements de la taille de deux ou trois tatamis (les dimensions traditionnelles du tatami sont environ 1 m x 1,9 m). La seule entrée de la chambre était un nijiriguchi, une porte basse et étroite qui obligeait les participants à s’accroupir. (Il est dit que ce type d’entrée a également été conçu pour empêcher les guerriers d’entrer avec leurs sabres, préservant ainsi une ambiance de paix dans la salle.)
Le thé était servi dans de simples bols. Avant d’entrer dans la salle, les invités se préparaient dans le roji, le jardin, qui où était recréée l’atmosphère calme et naturelle d’un temple de montagne. L’éclairage et les décors intérieurs étaient aussi en accord avec l’esprit de la cérémonie du thé. Les salles de cérémonies de thé aujourd’hui continuent à être influencées par le style de Rikyû.
Ses enseignements ont été transmis au fil des siècles par ses disciples et se sont développés au sein de trois écoles de thé : Omote-Senke, Ura-Senke et Mushakoji-Senke. Ces écoles partagent de nombreux éléments fondamentaux mais diffèrent sur des aspects tels que les méthodes de préparation du thé et les types d’ustensiles utilisés.
Les gestes à suivre
Aujourd’hui, des millions d’adeptes pratiquent la cérémonie du thé selon les enseignements des deux principales écoles, Omote-Senke et Ura-Senke. Les étudiants suivent généralement des cours sous la tutelle d’un praticien expérimenté et apprennent les gestes et les phrases à employer, qui diffèrent selon l’école. Les nouveaux élèves doivent se procurer les accessoires nécessaires à la cérémonie du thé : un fukusa, un tissu de soie utilisé pour nettoyer les ustensiles, un éventail utilisé pour saluer les autres participants, le papier kaishi sur lequel sont déposées les friandises et les petits piques yôji utilisés pour manger. Tous ces accessoires sont mis dans un fukusa-basami, un étui en tissu. Ces articles de base sont disponibles dans la plupart des grands magasins de l’Archipel. Les salles de classe fournissent généralement aux élèves les bols à thé et un kama (bouilloire) pour chauffer l’eau.
Lien externe :
Thés du Japon (boutique en ligne)
Les invités doivent veiller à choisir un kimono ou un costume de style occidental aux tons sobres. Il faut éviter de porter des montres ou d’autres accessoires qui pourraient accidentellement ébrécher le bol de thé. Les parfums ou les eaux de Cologne forts sont aussi à éviter car ils empêchent d’apprécier l’odeur du thé et de l’encens. Et afin de préserver la pureté de la salle de thé, les participants doivent mettre une paire de chaussettes blanches ou des tabi propres avant d’entrer.
Des adeptes au-delà des frontières du Japon
L’intérêt pour la cérémonie du thé ne cesse de croître à l’étranger. Certains découvrent le sadô à travers le bouddhisme zen alors que d’autres sont attirés par les confiseries et le goût caractéristique du matcha. Ces dernières années, des événements tels que la réunion annuelle internationale du thé au Ura-Senke Chado Kaikan à Kyoto connaissent une hausse constante de participants étrangers.
Pour celles et ceux qui cherchent à découvrir la voie du thé de manière plus intime, il est possible de participer aux cours d’initiation organisés, entre autres, chez Asakusa Jidaiya à Tokyo. De nombreux établissements disposent d’un personnel multilingue et proposent de prendre des photos des participants en kimono. Le Midorikai [EN] au siège Ura-Senke à Kyoto propose des cours spécialement conçus pour les étudiants non-japonais. À Kyoto et à Kamakura, de nombreux cafés, magasins, temples et hôtels servent du matcha ainsi que d’autres boissons traditionnelles.