
La solitude est un bien précieux !
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Vivre dans le divertissement
Dans l’époque moderne, il ne nous arrive de moins en moins d’être démunis sur le plan matériel. Nos vies sont considérablement plus confortables que par le passé. Mais, chose curieuse, à mesure que le confort emplit notre quotidien, de plus en plus de personnes ressentent à l’inverse un vague sentiment de vide. Obtenir une chose que l'on désirait ne nous satisfait que pour une courte durée : le sentiment de vide n'est jamais bien loin.
De nombreux outils ont été conçus pour répondre au désir de distraction éphémère de l'homme moderne. Ils ont été créés pour que l’on se rende dépendant d’eux, nous permettent d'éviter de nous confronter à notre vide intérieur.
Jusqu’à récemment, la télévision en était l'exemple principal, mais elle est aujourd'hui remplacée par les smartphones. Il est désormais courant de voir des gens dans les trains ou dans la rue avec les yeux rivés sur leurs écrans de téléphone. Certains ne lèvent même pas la tête lorsqu'ils traversent à un feu.
Solitude et état de « deux en un »
Pourquoi tenons-nous tellement à consacrer notre précieux temps à nous divertir comme cela ? Tout simplement pour éviter de se confronter à un état de solitude. Effrayés par elle, nous nous efforçons de quelque manière que ce soit de remplir chaque instant de vie par un divertissement.
Mais la solitude est-elle vraiment si angoissante ?
Le système humain
Le cerveau : foyer de la raison
Le cœur : foyer de l'émotion, du désir et des sensations
La philosophe allemande Hannah Arendt (1906-1975) distingue la solitude de l'esseulement et de l'isolement.
L’esseulement est un sentiment douloureux de déconnexion des autres et de soi-même. L'isolement décrit une concentration intense dans une activité qui coupe les liens avec les autres et avec soi-même. Mais Arendt a une opinion très favorable de la solitude : elle permet d’être dans un état de « deux en un ». Que veut-elle dire par là ?
Pour répondre à cette question, nous devons d'abord comprendre le système sous-jacent à notre nature d'êtres humains.
J’ai mis au point ma propre interprétation du système humain, telle que décrite dans le diagramme ci-dessus, car j’avais l’impression que les représentations conventionnelles de la nature humaine utilisées en psychologie n'exprimaient pas de façon adéquate les multiples phénomènes qui se produisent en nous-mêmes. Cette interprétation s'est révélée très utile dans le traitement psychiatrique de patients. C’est un diagramme très facile à comprendre ; c’est pourquoi je l'utiliserai pour poursuivre mon analyse.
Comme tout animal, le fondement de notre existence repose sur le duo cœur/corps, qui est régi par les principes de la nature à l'état sauvage. Mais notre système humain est hybride : le cerveau, au-dessus de notre cœur/corps, s'est développée au fil de l'évolution en un centre de traitement de l'information qui fonctionne selon un ensemble de principes différents.
Le cerveau se sert du langage comme d’un outil et utilise une puissance de calcul semblable à celle d'un ordinateur pour effectuer toutes sortes de simulations et de comparaisons. Cela lui permet de gérer le passé et le futur, grâce à des compétences comme l'analyse, la réflexion, la prédiction et la planification. Mais le présent est beaucoup plus problématique. La tête a tendance à vouloir prendre le contrôle des événements avec des mots d'ordre comme « il faut ». Et quand ses efforts ne parviennent pas à obtenir le résultat escompté, elle coupe toute communication avec le cœur.
Le cœur, au contraire, est en permanence et inextricablement lié au corps : il n'y a pas de possibilité de contradiction entre les deux. Le cœur et le corps réagissent toujours intuitivement et immédiatement à l'instant présent. Leurs actions ne sont pas dirigées par la logique et la raison du cerveau, mais sont néanmoins motivées par ce que cette dernière veut ou ne veut pas faire.
Revenons maintenant à l'état de « deux en un » d'Arendt. Il s’agit en fait d’une combinaison composée du cerveau et du duo cœur/corps, qui fonctionnent respectivement sur des principes non-naturels et naturels. Ainsi, un humain possède en lui-même deux « êtres » basiques.
Si le cerveau ferme sa porte au cœur et prend le contrôle, son attention se porte alors sur l’extérieur : il est obnubilé par la façon dont il se connecte aux autres et ce qu'ils pensent de lui. On retrouve ainsi le même type de déconnexion avec le soi que celui décrit plus tôt pour l’esseulement et l'isolement.