La situation actuelle des yakuza

Le tueur en série de Zama : un monstre issu des ténèbres de Kabuki-chô

Société

Le 30 octobre 2017, la police japonaise a trouvé neuf corps dépecés à l’intérieur d’un appartement de la ville de Zama, dans la grande banlieue de Tokyo. Elle a aussi arrêté le meurtrier présumé, Shiraishi Takahiro, un ancien « recruteur » d’hôtesses pour Kabuki-chô, le quartier chaud de Shinjuku, à Tokyo. C’est dans cet univers obscur que l’assassin a développé les techniques qui lui ont permis de leurrer ses victimes, des jeunes japonaises aux tendances suicidaires, par le biais de Twitter et d’autres applications. Dans l’article qui suit, nous vous proposons de découvrir le monde des recruteurs et la façon dont il a évolué à la suite des mesures sévères prises par le gouvernement.

Une prolifération soudaine de rabatteurs d’un nouveau genre

Mais en dépit des mesures draconiennes prises par les autorités depuis l’an 2000, le nombre des racoleurs n’a fait qu’augmenter.  « Au moment où les nouveaux arrêtés contre les nuisances sont entrés en vigueur, on a assisté à une prolifération des rabatteurs provoquée en grande partie par un manga », déclare le patron d’une agence de recrutement. Cette bande dessinée, intitulée Shinjuku Swan : Kabuki-chô scout survival, écrite et dessinée par Wakui Ken, a eu un énorme succès. Publiée à partir de 2005, elle a fait l’objet de deux adaptations cinématographiques en 2015 et 2017. Elle relate l’histoire d’un jeune japonais sans argent ni travail qui finit par devenir recruteur d’hôtesses.

« Les agences de recrutement se sont alors rapidement multipliées et l’ambiance du quartier a complètement changé. La plupart des nouveaux rabatteurs étaient des poseurs sans consistance qui voulaient juste porter un complet et avoir un travail où être en contact avec des filles. Depuis quelques temps, ils s’habillent de façon plus décontractée pour pouvoir contourner la loi en faisant semblant de les draguer. Mais dans le monde où ils évoluent, très peu d’entre eux – pas même un sur dix – ont des chances de s’en sortir, à l’instar des yakuza et des “hôtes”, des jeunes gens qui offrent leur compagnie aux clientes dans les clubs spécialisés “host clubs”. Il y a donc un roulement constant parmi eux, avec chaque jour de nouvelles têtes. Ce sont des gens souvent extravagants, énervés ou profondément perturbés qui finissent tôt ou tard par créer des problèmes », précise le patron de l’agence de recrutement.

Les gens qui travaillent dans ce secteur avouent qu’ils sont préoccupés par la prolifération du nombre des individus bizarres chez les recruteurs. D’après l’un d’eux, en relation avec un club de Kabuki-chô, « c’est une tendance qu’on observe partout dans le monde de la nuit. Beaucoup sont des consommateurs assidus de marijuana et des substances à la limite de la légalité. Ils ont l’air apparemment normaux et puis tout d’un coup, ils se mettent à pousser des cris étranges ou à agresser une des filles du club, comme s’ils avaient complètement perdu la raison. Quand ils cessent leurs activités, on n’entend en général plus jamais parler d’eux. »

Des racoleurs reconvertis en « hommes au foyer »

Outre qu’il attire des individus dangereux, le travail de racoleur n’est plus aussi lucratif qu’il a été. Un des moyens de s’en sortir consiste à nouer une « relation amoureuse » avec les filles recrutées pour pouvoir encore mieux les manipuler. Ce type de comportement qui relève du proxénétisme, était jusqu’à présent considéré comme peu orthodoxe et même tabou dans ce milieu. Mais à en croire le membre d’un gang de Kabuki-chô, « ces derniers temps, c’est ce que tout le monde recommande de faire ».

« Les agences de recrutement d’hôtesses sont plus nombreuses que jamais et les offres d’emploi en ligne se multiplient, si bien que les filles changent régulièrement d’établissement. Les patrons des clubs sont donc les premiers à encourager les recruteurs à séduire leurs recrues pour qu’elles ne leur échappent pas. Mais ce type de relations peut aussi poser d’autres problèmes.

Beaucoup de rabatteurs continuent à travailler tout en vivant aux crochets de leur bonne amie. « Mais à l’heure actuelle, on ne trouve plus de femme qui accepte de se vendre pour son chéri. Les recruteurs finissent donc par se transformer en “hommes au foyer” chargés de faire le ménage, la lessive, de promener le chien et de servir de chauffeur », ajoute le patron de l’agence de recrutement.

« Et ce n’est pas tout ! Ils doivent aussi répondre à ses clients sur la messagerie LINE, gérer ses courriels professionnels et ses comptes sur les réseaux sociaux, et mettre en ligne une photo de petit déjeuner qui fasse bonne figure sur Instagram, en donnant l’impression que tout cela vient d’elle. Depuis quelques temps, la vie des recruteurs a pris une tournure vraiment singulière ! »

Kabuki-chô a indéniablement évolué à cause des règlements draconiens appliqués par les autorités. Mais il n’en a pas moins réussi à rester le quartier de plaisir le plus célèbre de l’Archipel. Et le monde ténébreux qu’il abrite continue plus que jamais d’exercer son pouvoir de fascination et d’attirer toutes sortes d’individus plus ou moins dangereux, comme le tueur en série de Zama.

(Reportage et texte de Power News. Photo de titre : l’entrée du quartier du Kabuki-chô la nuit, à Tokyo. Pixta)

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