La situation actuelle des yakuza

L’éclatement du Yamaguchi-gumi, la plus grande famille de yakuza du Japon

Société

Quatre mois se sont écoulés depuis que le clan Yamaguchi-gumi, la plus grande famille de yakuza du Japon, s’est scindé en trois. Une situation où l’on aurait probablement assisté autrefois à une série de règlements de compte, attaques et vengeances, lavant dans le sang le sang déjà versé. Jusqu’à présent, en surface tout au moins, les gangs s’en tiennent à se regarder de travers. Cependant, les choses remuent sous terre… Cela ne fait aucun doute. Comment ces gangs organisés évoluent-ils depuis cette division ?

Le clan du Yamaguchi-gumi se compose d’un kumichô, ou chef de clan, (le sixième chef depuis 2005 est Tsukasa Shinobu, de son vrai nom Shinoda Ken’ichi), de plusieurs shatei, « petits frères », et de plusieurs dizaines de wakachû ou « cadets ». Un peu moins d’une centaine de personnes au total. Mais tous les membres au-dessous du chef sont eux-mêmes à la tête d’une structure composée de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de personnes. La totalité des yakuza placés sous la tutelle du chef de clan représente ainsi plus de 5 000 membres.

À la fin août 2015, une partie du Yamaguchi-gumi a fait scission pour former le Kobe Yamaguchi-gumi, qui a lui-même éclaté à la fin avril de cette année et engendré le clan Ninkyô Yamaguchi-gumi. Les trois organisations étant en relations antagonistes. La principale faction, restée sous le contrôle du sixième kumichô, Tsukasa Shinobu, est appelée aujourd’hui « Rokudaime Yamaguchi-gumi », soit Clan Yamaguchi de sixième génération.

Même si la naissance de ces nouveaux clans a provoqué des divergences, avec les dispositions juridiques actuelles, comme la Loi anti-mafieuse, des règlements de compte risqueraient d’aboutir à la destruction mutuelle des clans… Ainsi, à part quelques escarmouches, aucun affrontement d’envergure n’a eu lieu jusqu’à présent. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’équilibre est maintenu dans la situation actuelle.

Un yakuza du Rokudaime Yamaguchi-gumi bougonne ainsi : « Depuis la scission, je suis sur les nerfs. Pour éviter les problèmes avec le Kobe Yamaguchi-gumi, je sors beaucoup moins souvent pour aller boire. Je ne bois plus que des canettes de bière chez moi, au bureau ou dans l’entreprise des copains. Si, très rarement, je sors pour boire, je ne vais plus que dans les bars tenus par des gens de ma famille ou la concubine d’un membre du clan. »

Du côté du Kobe Yamaguchi-gumi aussi, un membre déclare : « Ces derniers temps, je ne vais plus dans les bars ni au karaoke que pendant la journée. Parce que c’est facile d’être embarqué dans des histoires le soir. C’est fou comme je me sens limité dans tous mes mouvements ! Le soir, il faut s’occuper des problèmes arrivés à l’improviste et je n’arrive pas à dormir. Je dois toujours garder mon téléphone portable près de l’oreiller. »

Éviter les vendettas et apaiser la situation

D’après les statistiques de l’Agence nationale de la Police, environ cent affaires d’affrontements entre les clans Rokudaime Yamaguchi-gumi et Kobe Yamaguchi-gumi ont été recensés depuis leur séparation il y a deux ans. Parmi elles, l’affaire du camion-benne défonçant le bureau d’un clan en mars 2016, ou l’assassinat d’un cadre du Kobe Yamaguchi-gumi en mai de la même année. La police a procédé à l’arrestation de 2 000 personnes au total.

Le 15 mai 2016, un cadre du Kobe Yamaguchi-gumi est assassiné par balles à Nagoya

La police de la préfecture de Hyôgo a arrêté le chef du Kobe Yamaguchi-gumi ce 6 juin pour une peccadille : il aurait changé, il y a quatre ans, de modèle de portable en utilisant un nom d’emprunt. La police de Kyoto l’a par la suite de nouveau arrêté pour un délit de voies de fait avec coups et blessures qui s’est produit en janvier. Le kumichô a finalement été relâché sans inculpation au mois de juillet. Si la police accentue ainsi la pression avec opiniâtreté sur les gangs, c’est qu’elle garde en mémoire ce qu’on a appelé « la vendetta Yama-Ichi », il y a trente ans.

La vendetta Yama-Ichi qui a duré de 1984 à 1989, est une guerre de vengeance entre le clan Yamaguchi-gumi et le clan Ichiwa-kai qui s’en était séparé. L’organisation avait éclaté en raison du conflit survenu pour la succession du kumichô et les représailles étaient allées jusqu’à l’assassinat du quatrième chef du Yamaguchi-gumi. En conclusion, plus de 320 affaires criminelles, faisant 95 morts et blessés dont des citoyens ordinaires, ont été recensées dans l’ensemble du pays durant cette période.

Mais, dans la scission actuelle, contrairement à la Ichiwa-kai, alors en perte d’influence parce que le Yamaguchi-gumi lui avait dérobé les unes après les autres ses organisations les plus puissantes, le clan dissident Kobe Yamaguchi-gumi a conservé une certaine envergure.

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