Histoire de l’environnement japonais à l’époque moderne

Précieux visiteurs ou ravageurs ? Apprendre à vivre avec les oies sauvages du Japon

Société

Ishi Hiroyuki [Profil]

L’effectif des oies rieuses est aujourd’hui 33 fois supérieur à ce qu’il était il y a un demi-siècle, mais les agriculteurs les considèrent comme une nuisance. Leur plus grand site d’hivernage, à Izunuma, dans la préfecture de Miyagi, est le théâtre d’une initiative novatrice qui aide les gens et les oies à vivre ensemble.

La cohabitation avec le monde aviaire

Le Japon est un petit pays surpeuplé, avec les nombreux problèmes qui en résultent en termes de cohabitation entre les hommes et les animaux. Il se trouve par exemple, que beaucoup d’espèces d’oies fouillent le sol des terres agricoles pour s’alimenter. Ce comportement suscite la colère des agriculteurs, qui les considèrent comme des ravageurs de cultures.

Depuis quelque temps à Izunuma, dans la préfecture de Miyagi, plusieurs tentatives innovantes ont été faites en vue d’instaurer l’harmonie entre les êtres humains et les oies rieuses. C’est là que se trouve la plus vaste zone d’hivernage du pays, et le nombre d’oies hivernant sur le lac et ses marais a fortement augmenté à mesure que les effectifs de cet oiseau se rétablissaient. Leurs déjections ont provoqué un déclin de la qualité de l’eau, et les oies s’avèrent nuisibles pour le riz et d’autres plantes cultivées sur les terres agricoles avoisinantes.

Il ressort des études officielles que 3 400 oies ont migré à Izunuma en 1972, mais que près de 100 000 oiseaux y hivernent désormais chaque année. Cette évolution est principalement due à l’inscription d’Izunuma sur la liste des zones spéciales de protection de la vie sauvage, et à son insertion dans un certain nombre d’autres dispositifs de préservation.

L’augmentation de l’effectif des oies rieuses s’est toutefois accompagnée de celle des dégâts infligés à la riziculture. Dans cette zone rizicole, le riz se récolte de la fin septembre à la fin octobre. Le riz récolté à la moissonneuse-batteuse est séché mécaniquement, mais dans la méthode traditionnelle, les tiges de riz sont suspendues comme du linge à des poteaux de bambou ou de bois disposés sur les crêtes qui séparent les rizières, où ils sèchent au soleil jusqu’au début du mois de novembre.

Or c’est précisément à cette époque qu’arrivent les oies rieuses. Normalement, elles se contentent de picorer les grains ou la paille de riz tombés sur le sol, mais il leur arrive de prélever leur nourriture dans le riz mis à sécher. La colère des agriculteurs victimes de cette prédation est devenue de plus en plus bruyante. « Les oiseaux sont-ils plus importants que les hommes ? » demandaient les plus hostiles à la préservation. En 2005, l’inscription d’Izunuma sur la liste des zones humides d’importance internationale, appelées également liste de Ramsar, a suscité une forte opposition chez les agriculteurs.

Kurechi Masayuki, le président de l’Association japonaise pour la protection des oies sauvages, s’est livré à une estimation des dégâts réels provoqués par les oies. Il a découvert que la quantité de riz mangée par les oies rieuses ne dépassait pas 0,5 % de la récolte de riz de l’ensemble des rizières.

La ville de Wakayanagi, dont le territoire inclut une partie d’Izunuma, a pris un arrêté en 1979 en vue de dédommager les agriculteurs victimes de dégâts infligés par les oiseaux. Il s’agit du premier dispositif adopté au Japon pour offrir une compensation financière aux agriculteurs victimes de dommages imputables à la faune ; des arrêtés similaires ont ensuite été pris par plusieurs villes du voisinage. Cette formule convenait aux agriculteurs et, compte tenu du montant relativement réduit des dédommagements versés, le fardeau n’était pas trop lourd pour les finances publiques.

Suite > Des rizières inondées l’hiver

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Ishi HiroyukiArticles de l'auteur

Journaliste et scientifique spécialisé dans l’environnement. Après un bref passage au comité de rédaction du Asahi Shimbun, il a été consultant principal pour le Programme des Nations unies pour l’environnement à Nairobi et à Bangkok. Il a également occupé des chaires d’enseignement supérieur dans les instituts de hautes études des Universités de Tokyo et de Hokkaido, été ambassadeur du Japon en Zambie et conseiller auprès de l’Agence japonaise de coopération internationale et des conseils d’administration du Centre régional de l’environnement pour l’Europe centrale et orientale (CRE) à Budapest, ainsi que de la Société ornithologique du Japon. Auteur de divers ouvrages, dont Chikyû kankyô hôkoku (Rapport sur l’environnement mondial), Kilimandjaro no yuki ga kiete iku (La disparition des neiges du Kilimandjaro) et Watashi no chikyû henreki – Kankyô hakai no genba o motomete (Mes voyages à travers le monde pour étudier la destruction de l’environnement).

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