Les légendes vivantes du Japon

Ozawa Seiji, un chef d’orchestre au sommet du monde

Culture

Shibata Katsuhiko [Profil]

Ozawa Seiji est l’un des très rares chefs qui occupent le sommet de la musique classique aujourd’hui dans le monde. Ce n’est pas l’élite musicale, mais bien la force de ses poignets associée à ses nombreuses qualités humaines qui l’y a hissé. Suivons ensemble le parcours de ce personnage au charisme exceptionnel.

Au sommet du monde de la musique classique

Ozawa entama une ascension fulgurante dès l’année suivant « l’affaire de l’Orchestre symphonique de la NHK », en 1963, lorsqu’il dirigea au pied levé l’Orchestre symphonique de Chicago pour le festival de Ravinia. Devant le succès qu’il remporta alors, le festival le nomma directeur musical dès l’année suivante, jusqu’en 1968. En 1965, il fut nommé chef principal de l’Orchestre symphonique de Toronto, poste qu’il occupa jusqu’en 1969. En 1966, il fit une première apparition au festival de Salzbourg, et fut régulièrement invité à y diriger depuis, ainsi que par le Philharmonique de Vienne et le Philharmonique de Berlin. Dans les années 70, il prit les rênes et la direction artistique du festival de Tanglewood (qu’il ne quitta qu’en 2002), ainsi que la direction de l’Orchestre symphonique de San Francisco (jusqu’en 1976). Et en 1973, ce fut l’Orchestre symphonique de Boston qui le nomma comme directeur musical, poste qu’il devait tenir pendant 30 ans, jusqu’en 2002, une tenure extrêmement longue pour un orchestre américain.

Ozawa fit ses débuts à l’Opéra de Paris en 1979, à la Scala de Milan en 1980, à l’Opéra de Vienne en 1988, se hissant ainsi également aux sommets des opéras mondiaux. Il fut directeur musical de l’Opéra de Vienne de 2002 à 2010. Sa discographie est impressionnante, et son CD live « Concert du Nouvel An 2002 » s’est vendu à lui seul à 800 000 exemplaires au Japon (environ 1 million d’exemplaires dans le monde entier), record absolu pour un disque de musique classique au Japon. Une salle de concert porte son nom depuis 1994 à Tanglewood.

Peu à peu, Ozawa finit par accepter de revenir diriger au Japon. En 1987, il participa à la fondation de l’Orchestre Saitô kinen, en hommage à son ancien maître Saitô Hideo et composé essentiellement de ses anciens élèves. Il contribua à faire atteindre à cet orchestre un statut de niveau mondial. Le « Festival Saitô kinen à Matsumoto », dont il prit la direction générale en 1992 est devenu très couru : il a changé de nom et est devenu le « Festival Ozawa Seiji à Matsumoto » en 2014. En 1998, Ozawa dirigea la Symphonie nº 9 de Beethoven pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Nagano, qui fut diffusée sur les cinq continents. Et depuis 2000, l’« Ozawa Seiji Music Academy Opera Project » a été lancé pour former de jeunes musiciens.

Le cadeau éternel qu’offre la musique

Le chef d’orchestre est un musicien paradoxal, dans le sens où il ne produit aucun son lui-même. Les sons, eux, sortent d’un ensemble d’une centaine de musiciens professionnels avec chacun leur manière de faire. Le rôle d’un chef d’orchestre est de leur insuffler une volonté commune et leur faire déployer le meilleur de leurs capacités pour produire une musique. Aussi ce chef a-t-il besoin, au-delà d’une technique et de connaissances musicales, de qualités humaines, d’un charisme tout à fait exceptionnel. La technique de direction d’Ozawa Seiji, héritée de Saitô Hideo, est absolument remarquable. Mais c’est certainement sa personnalité et sa puissance humaine, incorporées dans sa force de travail et son expérience, qui font du maestro un personnage hors du commun.

La Symphonie nº 3 de Mahler qu’Ozawa Seiji donna à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston le 13 février 1986 au Tokyo Bunka kaikan est pour moi le meilleur concert auquel j’aie assisté de toute ma vie. Plus de 30 ans plus tard, je me souviens encore physiquement de l’émotion intense qui fut la mienne, et que je considère depuis lors comme un cadeau éternel qu’il m’a offert. La musique d’Ozawa est ardente. Et je suis persuadé que tout le monde le ressent. Aujourd’hui âgé de 83 ans, Ozawa doit maintenant tenir compte de son état de santé. Mais je ne peux m’empêcher de souhaiter que le maestro puisse encore longtemps procurer au monde entier le cadeau de sa musique.

(Photo de titre : Ozawa Seiji dirigeant l’Orchestre philarmonique de Berlin en avril 2016 © Holger Kettner via l’Orchestre philarmonique de Berlin/Jiji Press)

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Shibata KatsuhikoArticles de l'auteur

Critique musical, éditeur. Né à Fukuoka en 1957. Diplômé de Lettres de l’Université Kokugakuin. Tromboniste, il jouait dans la fanfare de son lycée, puis de son université, et travaillait dès cette époque comme employé pour l’Orchestre Philarmonique de Tokyo. Éditeur pour une revue de critique musicale, responsable de la publicité pour une agence de management dans le domaine de la musique classique, puis critique musical free-lance, mais également rédacteur de programmes de concert, éditeur, conférencier… Auteur de Ozawa Seiji to Yamamoto Naozumi (« Ozawa Seiji et Yamamoto Naozumi », éditions du Journal Asahi, 2017).

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