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Araki Nobuyoshi : le regard insatiable d’un photographe fasciné par la vie et la mort

Culture

Iizawa Kotaro [Profil]

Araki Nobuyoshi est l’une des figures majeures de la photographie contemporaine, mais aussi l’un des artistes les plus sulfureux et les plus bouleversants de notre temps. Son ami de longue date, le critique de photographie Iizawa Kôtarô, revient sur le parcours hors du commun de ce créateur aux mille visages.

Des photographies de nus particulièrement sulfureuses

En 1972, Araki Nobuyoshi a quitté Dentsû pour se mettre à son compte en tant que photographe freelance. Il s’est affirmé comme une figure familière des médias reconnaissable à sa moustache et à ses lunettes noires incontournables. C’est aussi l’époque où il s’est autoproclamé « Ararchy le génie » et où il a fait des tentatives dans toutes sortes de directions. Araki Nobuyoshi a attiré à de si nombreuses reprises l’attention sur lui à cause de ses photos scandaleuses de nus que le public a fini par s’en faire une image liée à l’obscénité. Mais dans le même temps, une partie de son travail a commencé à être hautement appréciée. C’est ainsi qu’en 1974, il figurait au nombre des « 15 photographes » sélectionnés pour une exposition organisée par le Musée national d’art moderne de Tokyo.

Araki Nobuyoshi, photographie argentique de la série Tombeau Tokyo, 2016 (© Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka Ishii)

En 1981, la maison d’édition Byakuya shobô a lancé un magazine de photojournalisme appelée Shashin jidai (L’ère de la photographie). Dans chaque numéro, il y avait trois séries de clichés d’Araki ayant respectivement pour thème « Paysages », « Jeune fille » et « Quotidien en photo ». C’est une période où le photographe s’est employé de toutes ses forces à élargir le champ de ses créations. Si le magazine s’adressait avant tout à un public de jeunes amateurs d’articles et d’images érotiques, elle contenait aussi des œuvres ambitieuses de photographes remarquables, en particulier Moriyama Daidô, Kurata Seiji et Kitajima Keizô. Et il suffit de regarder ses œuvres de l’époque – « Le pseudo-journal intime d’Araki Nobuyoshi », (1980), Roman-photo (1981) ou Un monde de filles (1984) – pour comprendre qu’il a continué à peaufiner sa méthode consistant à gommer les limites entre la réalité et la fiction et à transformer tout ce qu’il voit en « photographie de l’intime ».

À gauche : couverture du premier numéro du magazine Shashin jidai (Byakuya shobô, 1981). À droite : « Le pseudo-journal intime d’Araki Nobuyoshi » (Byakuya shobô 1980)

Couverture de Histoires tokyoïtes d’Araki Nobuyoshi (Heibonsha, 1989)

En 1988, Shashin jidai a cessé de paraître à la suite d’un rappel à l’ordre cinglant de la préfecture de police de Tokyo à propos des nus sulfureux qu’elle contenait. Mais Araki Nobuyoshi n’en a pas moins continué sur sa lancée. Un an plus tard, il a publié une œuvre majeure, à savoir Histoires tokyoïtes, qui montre comment la ville où le photographe a grandi s’est transformée, passant de l’ère Shôwa (1926-1989), époque qui a connu la guerre puis l’après-guerre, à l’ère Heisei (à partir de 1989).

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Iizawa KotaroArticles de l'auteur

Critique photographique. Lauréat du Prix Suntory des Arts et des Lettres pour Bienvenue au musée de la photographie (Kodansha Gendai Shinsho) et du Prix annuel de la Société japonaise de photographie pour La photographie d’art et son époque (Chikuma Shobô). Membre du jury pour divers concours photographiques et organisateur d’expositions.

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