
Les légendes vivantes du Japon
Sakamoto Ryûichi, un avant-gardiste en immersion dans les profondeurs de la musique
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Premier Japonais couronné aux Oscars
La page YMO est tournée, mais pour Sakamoto le succès est toujours au rendez-vous, en particulier à travers ses musiques de films. Sa toute première composition sera pour le film Furyo du réalisateur Ôshima Nagisa, en 1983, pour laquelle il obtiendra le prix de la British Academy qu’aucun Japonais n’avait remporté auparavant. Il joue également dans cette œuvre aux côtés de David Bowie et Kitano Takeshi. Et ce n’est pas fini : en 1987, il remporte l’Oscar de la meilleure musique de film pour Le Dernier Empereur, ainsi que le Golden Globe et le Grammy Award. Ses incroyables compositions pour Un thé au Sahara (1990), Poppoya (1999) ou encore Femme fatale (2002) contribueront à renforcer sa popularité.
Sakamoto s’installe à New York en 1990, marquant le début d’une activité accrue sur la scène internationale. Il composera par exemple la musique des Jeux olympiques de Barcelone en 1992, et conduira en personne l’orchestre lors de la cérémonie d’ouverture.
Il était à New York lors des attentats du 11 septembre 2001, et c’est à cette période qu’il commence à s’exprimer sur des sujets sociétaux comme le pacifisme, la sortie du nucléaire ou l’environnement. Il appuiera ses propos par des actes, à travers les médias, y compris la presse écrite, et l’engagement actif sur le terrain. Depuis la catastrophe du 11 mars 2011 dans l’est du Japon, il met sa musique au service de multiples actions de soutien pour les enfants sinistrés.
Sakamoto a composé la musique du film The Revenant, pour lequel Leonardo Di Caprio a obtenu l’Oscar du meilleur acteur. Il a joué le titre phare de la bande originale lors d’une projection spéciale en avril 2016 à Tokyo. (Jiji Press)
Collaborations avec des artistes internationaux
Sakamoto a également réalisé de nombreuses compositions pour des spots publicitaires, dont une mélodie au piano particulièrement populaire qui sortira en single en 1997. Baptisé Energy flow, ce titre se hissera à la première place du hit-parade, une première au Japon pour une œuvre instrumentale. Elle a contribué, dit-on, au boum de la musique de relaxation.
En 1991, il collabore avec le grand artiste brésilien Caetano Veloso sur l’album Circulado, et continuera sur cette lancée en travaillant avec d’autres musiciens internationaux comme Youssou N’Dour, Arto Lindsay, David Sylvian, Iggy Pop ou Pierre Barouh. Par ailleurs, Eric Clapton reprend en 1986 le titre de YMO Behind the mask, et une version avec de nouvelles paroles écrites par Michael Jackson verra le jour dans un album posthume de la star.
Sakamoto lance en 2006 le projet « commmons », un concept réunissant des artistes et des créateurs de tous horizons, connus ou inconnus du public, qui souhaitent contribuer à des activités culturelles ou sociales. Il supervise entre autres la publication d’une série d’e-books intitulée « commmons : schola », une présentation du monde de la musique dans toute sa richesse, de Jean-Sébastien Bach à Erik Satie et du jazz à la musique traditionnelle africaine.
Un « professeur » émérite aux multiples facettes
En juillet 2014, Sakamoto annonce qu’il est atteint d’un cancer de la gorge. Après une année de soins, il revient à la composition de films en août 2015 avec la musique du film Nagasaki : memories of my son (2015) de Yamada Yôji, ainsi que celle de The Revenant (2016) d’Alejandro G. Iñárittu, deux œuvres qui ont fait parler d’elles.
À travers sa vingtaine d’albums solo, parmi lesquels Thousand Knives, B-2 Unit, Illustrated Musical Encyclopedia, Esperanto ou encore async, son tout dernier opus sorti le 28 avril 2017, Sakamoto n’a eu de cesse de dévoiler les potentialités de la musique. Classique ou électronique, opéra, rock, jazz, hip-hop, en passant par la musique traditionnelle africaine ou celle d’Okinawa, ce grand compositeur a dépassé toutes les frontières musicales pour en repousser les limites vers de nouveaux horizons.
Une curiosité insatiable, un mélange d’instinct et de théorie, à la fois académique et romantique… Peu de gens peuvent s’enorgueillir de ces multiples facettes ou prétendre à une telle symbiose avec la musique et avec son temps. Sakamoto Ryûichi, si. Au Japon, on l’appelle « le professeur », en témoignage du respect et de l’affection que les gens lui portent.
(Photo de titre : Sakamoto Ryûichi sur la scène du festival « no nukes 2013 » pour la sortie du nucléaire.)